[Giraudoux, Jean] La guerre de Troie n'aura pas lieu

Une lecture intéressante, en particulier pour moi qui ai toujours un mal de chien à lire du théâtre.

Cette fois, c’est plutôt bien passé, à la fois parce que le thème de cette tragédie - enjeux économiques et sociaux, objectifs et subjectifs, avouables ou pas, de la guerre - est intemporelle, et parce que Jean Giraudoux a su, à mon sens, donner vie aux personnages à travers la finesse de ses dialogues. Sans indication scénique d’aucune sorte, on ressent à chaque mot l’état d’esprit de celui qui le prononce. On saisi en quelques pages la personnalité, les ambitions, les motivations de chacun, leurs expressions, leurs gestes, presque leur port. Hector écrasé par la perspective d’une énième guerre, Hélène glissant, éthérée et indifférente, au-dessus de la plèbe, Priam drapé dans sa dignité de patriarche...

La réflexion qui tend le récit est profonde : comment une guerre que personne ne désire - du moins personne de ceux qui vont la faire ou la subir - peut néanmoins naître, grandir, et finalement éclater, sous des pressions diverses - avidité, peur, raideurs idéologiques, xénophobie - sous de grandioses prétextes - honneur, justice, survie.

De quoi, donc, passer un intéressant et agréable (quoique... peut-être un peu effrayant tout de même...) moment de lecture.

Et pour la route : «Les armées doivent partager la haine des civils. Tu les connais, sur ce point, elles sont décevantes. Quand on les laisse à elles-mêmes, elles passent leur temps à s’estimer.»