[Dhôtel, André] Le Pays où l'on n'arrive jamais
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[Dhôtel, André] Le Pays où l'on n'arrive jamais
Le Pays où l'on n'arrive jamais
André Dhôtel
Folio junior Gallimard
1955
Présente édition 1997
230 pages
ISBN : 2-07-051379-3
André Dhôtel
Folio junior Gallimard
1955
Présente édition 1997
230 pages
ISBN : 2-07-051379-3
Résumé de quatrième page :
Depuis sa plus tendre enfance, Gaspard suscite, par sa seule présence, les événements les plus surprenants. aussi se méfie-t-on de lui à Lominval. Et voici que survient un enfant aux yeux purs, qui va entraîner Gaspard dans sa quête du Grand Pays, le pays des vagabonds, où palmiers, bouleaux, chênes et pommiers croissent, dans la terre noire, près de la mer. Guidés par un mystérieux cheval pie, les deux amis partent à la poursuite de leur rêve.
Mon avis :
J'avoue m'être aventurée par nostalgie dans la lecture de ce roman inclassable, qui, à l'image du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, m'a profondément marquée, voire formée. Je me suis identifiée de toujours à cette quête d'un pays perdu, entrevu avec les images d'un bonheur presque irréel, ce pays à la recherche duquel on pourrait facilement consacrer sa vie. En ce sens, je n'ai pas été déçue - pourtant, j'ai failli ne pas retrouver le plaisir de lecture que j'avais connu.
J'avais gardé l'image d'une quête éperdue, de deux enfants se rencontrant, l'un à la recherche d'un pays introuvable, et l'autre, Gaspard, se lançant à corps perdu dans cette aventure. Je ne me souvenais absolument de rien d'autre, comme si le roman sécrétait un mystérieux poison, l'oubli, permettant d'y revenir encore et encore. Je ne me souvenais même pas du cheval pie, c'est dire ! Je n'avais toutefois pas oublié la forêt, car il suffit à un enfant d'une nuit dans la forêt profonde pour être transformé à jamais. Pour moi, ce roman entre enfance qui se détache et âge adulte qui reste prudemment éloigné au-delà d'une frontière invisible, était celui où la quête de soi, de sa mémoire, est essentielle, mais ne se produit jamais comme on pourrait s'y attendre.
J'ai pourtant attendu longtemps avant d'entrer véritablement dans l'intrigue : j'ai trouvé laborieux le début, jusqu'à ce que Gaspard rencontre "l'enfant" aux yeux sauvages, et que les aventures et changements de paysages se multiplient. Et encore ! Je trouvais le roman vieilli, la magie n'opérait plus, la mentalité me paraissait par trop adolescente, et certaines incursions narratives généralisantes m'agaçaient - ça ne se fait plus, me disais-je, et je rongeais mon frein, en attendant que la recherche de Gaspard et d'Hélène progresse. Les obstacles sur leur route ont bien failli avoir raison de ma patience.
Et pourtant, le miracle s'est produit, car il s'agit d'un roman à plusieurs niveaux, qui n'a pas fini de surprendre le lecteur. Un roman profond comme le silence de la forêt, un roman qui se fait le propre personnage de son aventure. D'abord, on recherche un mystérieux pays, soit. Va-t-on si loin que cela pour le trouver ? Non, même pas : les personnages tournent en rond, vont et viennent avec de multiples moyens de transport, entre les Ardennes françaises et belges. C'est bien là qu'est le triangle des Bermudes, et l'échappée en yacht vers les Bermudes, les vraies, ne fournira qu'un retour pitoyable au point de départ. Même si la mer et ses vagues sont belles, le grand large, ce sont les cimes des arbres qui ondulent au vent, les courbes de la Meuse vue de loin, la volonté manifeste de la forêt, les chemins qui se croisent, se perdent, ne mènent nulle part, sauf lorsqu'un cheval pie "possédé par un feu qui n'est pas de ce monde", s'évertue à retrouver Gaspard et ses amis, sans jamais se laisser prendre, et à les emmener vers l'issue d'une quête qui n'en est que le début. Et vous-même, lecteur, lectrice, il vous suffit d'une silhouette de cheval qui galope et se rit de vous, pour vous trouver pris.e dans l'exigeante quête d'un.e enfant épris.e de liberté et de vérité. Car, comme pour Gaspard, cette quête est la vôtre, et vous n'aurez de cesse d'espérer que le grand pays existe bel et bien...
L'écriture elle-même est des plus trompeuses, et c'est là où vous vous apercevez de ce que André Dhôtel était un grand : l'air de rien, d'une discrétion menue et modeste, il déploie l'histoire dans ses replis, insuffle une magie éblouissante à des paysages familiers. Vous vous retrouvez à relire des citations nombreuses, diverses, et à y voir la Vie elle-même. Je finis donc par un coup de cœur, car en définitive, le grand pays n'était pas loin sous les pages, et se dissimulait dans les vrais paysages, derrière les décors de carton-pâte ; il suffisait de savoir regarder et écouter, lire les signes, comme dans la vraie vie, en somme. (5/5)
J'aimerais partager un texte de l'autrice Christine Montalbetti, dans la revue Fixxion, que l'on peut télécharger dans le lien ci-dessous : elle s'est trouvée dans la même position que moi, en relisant ce roman, et fait un parallèle des plus intéressants entre la quête du grand pays et le roman à écrire.
http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx23.15
Citations :
Cependant il se persuadait peu à peu qu’un beau jour, au cours de quelque promenade, il surprendrait cette parole qui lui ferait découvrir tout ce qu’il ignorait, et même des choses dont personne n’avait jamais eu l’idée. (page 19)
Ce qui semblait intéresser le fugitif, c’était d’arriver à un pays qu’il prétendait avoir connu dans sa première enfance et qui, d’après lui, serait plus beau que n’importe quel pays. (page 31)
Gaspard regarda l’enfant sans rien répondre. Les yeux de son ami gardaient leur transparence farouche, cette grande pureté qui était comme une lumière jaillissante. (page 38)
Des événements qu’il pressentait naguère dans les lointains du monde semblaient maintenant se rapprocher de lui, sans qu’il eût rien à faire pour les susciter. (page 43)
Il désirait et redoutait à la fois de rencontrer le cheval pie. (page 44)
Le cheval fonçait entre les hautes futaies en dehors de tout sentier, et à partir de ce moment il prit une telle allure que Gaspard se crut vraiment transporté dans un autre monde. (page 49)
Ce n’était pas seulement la peur, mais un élan qu’il n’aurait pu maîtriser pour retrouver, ne fût-ce que quelques instants, la paix profonde de la forêt. (page 63)
Ainsi, dans ce monde nouveau pour Gaspard, il y avait des choses terribles et bizarres certainement, mais aussi une fraternité inconnue. (page 70)
Mais il ne s’éveilla point, et lorsque que la proue fendit les eaux du fleuve, le froissement de l’écume s’unit à la voix profonde du bateau pour faire une chanson paisible et continue qui pouvait donner libre cours aux plus beaux rêves. (page 93)
- Si je retrouvais l’endroit, je crois que je le reconnaîtrais tout d’un coup. (page 110)
- Un indice en amène un autre, dit Niklaas. La terre est immense, mais il y a des liens entre les choses. (page 142)
Sans même le savoir, il avait la conviction que tout ce qui ferait sa vie lui serait donné par la forêt. Il y a dans les bois une grande paix fraternelle. La nuit, dans les ténèbres, on y perçoit plus de choses que pendant le jour, car les moindres bruits ont une portée considérable. (page 145)
En regardant cette belle vallée, on a le loisir de songer que la terre entière c’est le grand pays, mais cela ne nous satisfait pas complètement. On se dit qu’il faut rendre la terre encore plus belle, par le bonheur des hommes et par les histoires que l’on reprend inlassablement. (page 191)
Ainsi l’on remet toujours naïvement l’heure de la séparation, comme nous l’avons maintes fois observé et comme nous le dirons encore. La séparation apparaît tellement fatale qu’il est doux de gagner quelques heures et n’importe quelle histoire, si vous y songez bien, n’est jamais qu’une histoire de gens qui s’entretiennent, se querellent ou se saluent longuement pour prolonger leur réunion sur une terre où tout semble passager et où tout s’enfuit au fond du temps. (page 199)
elea2020- Grand sage du forum
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