[Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
3 participants
Page 1 sur 1
A propos de Tout, tout de suite
[Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Quatrième de couverture
Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. Ce livre est une autopsie: celle de nos sociétés saisies par la barbarie.
En 2006, après des mois de coups tordus et d’opérations avortées, une petite bande de banlieue enlève un jeune homme. La rançon
exigée ne correspond en rien au milieu plutôt modeste dont ce dernier est issu. Mais le choix de ses agresseurs s’est porté sur lui
parce que, en tant que Juif, il est supposé riche. Séquestré vingtquatre jours, soumis à des brutalités, il est fi nalement assassiné.
Les auteurs de ce forfait sont chômeurs, livreurs de pizzas, lycéens, délinquants. Certains ont des enfants, d’autres sont encore mineurs. Mais la bande est soudée par cette obsession morbide: «Tout, tout de suite.»
Morgan Sportès a reconstitué pièce par pièce leur acte de démence. Sans s’autoriser le moindre jugement, il s’attache à restituer leurs dialogues confondants d’inconscience, à retracer leur parcours de fast-foods en cybercafés, de la cave glaciale où ils retiennent leur otage aux cabines téléphoniques d’où ils vocifèrent leurs menaces, dans une guerre psychologique avec la famille de la victime au désespoir et des policiers que cette affaire, devenue hautement «politique», met sur les dents.
Indigence intellectuelle et morale au milieu de l’indigence architecturale et culturelle: il n’y a pas de mot pour décrire l’effroyable
vide que la société a laissé se creuser en son sein, et qui menace de l’aspirer tout entière. Pas de mot. Il fallait un roman.
Ma critique
Il y a 20 ans, Morgan Sportès s'inspirait d'un fait-divers tragique pour réaliser un ouvrage intitulé "L’appât" (adapté à l'écran par Bertrand Tavernier). C'est maintenant l'affaire de l’enlèvement et de l'assassinat d'Ilan Halimi par ceux que la presse qualifiera de "gang des barbares". Rappelez vous les faits : il y a cinq ans, en janvier 2006, Ilan Halimi, vendeur dans une boutique de téléphonie mobile, est séduit par une jeune femme qui lui fixe rendez-vous. Le soir convenu, Ilan sera enlevé, séquestré, torturé puis laissé pour mort dans un sous-bois à Ste Geneviève des bois, en Essonne. Une vingtaine de jeunes auraient participé à cette séquestration, principalement pour servir de gardiens. Le principal acteur de cet acte sordide se nomme Youssouf Fofana qui s'imaginait que rançonner des parents juifs lui assurerait une fortune rapide. Tout cela s'est produit dans un appartement, puis une cave d'une cité de Bagneux.
Morgan Sportès colle de près à la réalité du drame, et propose une version très crédible de ce qui s'est passé (s'appuyant sur les procès verbaux de l'enquête). Bizarrement cet ouvrage est qualifié de roman, alors qu'il s'agit plus d'un essai ou d'une chronique... Seuls les noms sont changés par respect pour les familles.
Cette culture du gang, du clan, de la cité, transparaît pleinement dans les 380 pages de l'ouvrage. On ne se pose pas de question, on rêve d'argent facile, on ne pense qu'à soi. Tout pour paraître, à défaut d'être. Les protagonistes sont des petites frappes de quartier, certains mineurs au moment des faits. Mais parmi eux se trouvent également des gens bien insérés dans la société : un étudiant en BTS, un livreur de pizzas, un gardien d'immeuble, un sportif de haut-niveau... Sans compter ceux qui savaient mais ne parlèrent pas. La loi du quartier...
Sans jugement, Sportès présente les faits, y compris du côté policier dont la méthodologie mise en place ne pouvait aboutir qu'à la mort du jeune Ilam. Comme le dira Fofana plus tard, "1 + 1 = 2". Au delà des actes de démences de ce gang qu'il est par trop rapide de dénommer barbares pour les exclure symboliquement de notre société, on mesure le vide que provoque notre société actuelle, et l'appel qui s'en suit. Sportès, citant Jaïme Semprun, démontre cet état de fait : "C'est ainsi qu'en vertu de l'effet de miroir du spectacle, ceux qu'on "aime haïr" en tant que modernes barbares ne sont que trop enclins à aimer être haïs sous cette figure, et à s'identifier à leur image préformée. Ils ont la haine..." Nous avons créé des monstres, des monstres qui sont parmi nous, qui sont parfois nous, car chaque forme de silence ou d'indifférence nous rapproche du gouffre. Et à toutes les échelles de notre société. Je m'explique, en lisant "Tout, tout de suite", dans le personnage de Yacef, j'ai identifié d'autres prédateurs de notre société, les traders. Comme Yacef ils jouent avec de l'argent qu'ils n'ont pas, comme Yacef ils ne pensent qu'à eux et peu importe les victimes (et l'économie tue et moleste, n'en doutez pas), comme Yacef ils n'ont aucun état d'âme. Nous avons créé une société prédatrice, sans barrières, sans limites, sans morale autre que celle de la consommation à outrance, du devoir même de consommer et de fait, les solutions sont peu nombreuses pour exister pour les plus pauvres : s'endetter ou arracher l'argent de force. Comme l'écrivait fin des années 60 Romain Gary, les "barbares" ne désobéissent pas, bien au contraire, ils obéissent à la perfection à l'appel du marché. Un livre qui donne à réfléchir très sérieusement, et à ne surtout pas voir là qu'un simple fait-divers...
Edité chez Fayard, 380 pages. Ma note : 7/10
Dernière édition par marsiho le Sam 15 Oct 2011 - 20:52, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Merci pour cette critique.
Ce livre me fait de l’œil , je pense craquer sous peu !!!
Ce livre me fait de l’œil , je pense craquer sous peu !!!
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Très bonne critique. Je vais attendre un peu pour la barbarie
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Merci Marsiho pour ta critique sur ce livre. Je l'inscris sur ma LAL
Invité- Invité
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Merci pour cet avis.
Je ne doute pas que ce soit un livre intéressant, je ne pense cependant pas avoir le courage de le lire.
Je ne doute pas que ce soit un livre intéressant, je ne pense cependant pas avoir le courage de le lire.
Sharon- Modérateur
-
Nombre de messages : 13263
Age : 46
Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Je me le note. Merci pour cette belle critique qui donne envie.
Invité- Invité
Re: [Sportès, Morgan] Tout, tout de suite
Mon avis :
Un fait divers qui a bouleversé la France et plus particulièrement la communauté juive il y a quelques années est romancé par un auteur de talent. Les recherches pour établir et relier tous les protagonistes et les événements ont dû être de longue haleine, mais le résultat est époustouflant de réalisme. Toute la première partie permet la compréhension de la constitution de la bande qui enlèvera et torturera le jeune juif pendant plusieurs jours avant son décès.
L’écriture est efficace, sans lourdeur, elle relate les faits simplement, de manière très crue parfois. Les personnages sont bien cernés, autant sur le plan physique que sur le plan psychologique, nous permettant de mieux comprendre le déroulement de l’enlèvement et les rouages qui l’ont mis en place.
Ce roman est une tragédie qui prend ses racines dans l’horreur humaine. Il est impossible de rester indifférent et il nous pousse à la réflexion entre chaque session de lecture. La haine la plus bête, la plus méchante, celle qui a mené des nations à se faire la guerre, transposer à un niveau individuel peut mener à la barbarie la plus ignoble. Et malheureusement, l’un des faits les plus choquants est que bon nombre de personnes sont impliquées dans cette sordide histoire et qu’aucun n’aura alerté les forces de police, du mineur au jeune adulte délinquant, mais aussi des adultes responsables, parents qui travaillent, aucun ne lèvera le petit doigt pour sauver ce jeune homme, même ceux qui se trouvent une vocation citoyenne.
A chaque page de ce roman tournée, il n’y a qu’une envie, celle de savoir comment ce jeune homme séquestré et torturé s’en sortira, à quel moment les forces d’intervention démoliront la porte pour venir le sauver, il y a toujours un espoir. La réalité est différente, nous la connaissons tous.
Un auteur qui relate des faits sobrement, un événement tragique, font de ce roman un moment de lecture particulier, qui laisse des traces.
Un fait divers qui a bouleversé la France et plus particulièrement la communauté juive il y a quelques années est romancé par un auteur de talent. Les recherches pour établir et relier tous les protagonistes et les événements ont dû être de longue haleine, mais le résultat est époustouflant de réalisme. Toute la première partie permet la compréhension de la constitution de la bande qui enlèvera et torturera le jeune juif pendant plusieurs jours avant son décès.
L’écriture est efficace, sans lourdeur, elle relate les faits simplement, de manière très crue parfois. Les personnages sont bien cernés, autant sur le plan physique que sur le plan psychologique, nous permettant de mieux comprendre le déroulement de l’enlèvement et les rouages qui l’ont mis en place.
Ce roman est une tragédie qui prend ses racines dans l’horreur humaine. Il est impossible de rester indifférent et il nous pousse à la réflexion entre chaque session de lecture. La haine la plus bête, la plus méchante, celle qui a mené des nations à se faire la guerre, transposer à un niveau individuel peut mener à la barbarie la plus ignoble. Et malheureusement, l’un des faits les plus choquants est que bon nombre de personnes sont impliquées dans cette sordide histoire et qu’aucun n’aura alerté les forces de police, du mineur au jeune adulte délinquant, mais aussi des adultes responsables, parents qui travaillent, aucun ne lèvera le petit doigt pour sauver ce jeune homme, même ceux qui se trouvent une vocation citoyenne.
A chaque page de ce roman tournée, il n’y a qu’une envie, celle de savoir comment ce jeune homme séquestré et torturé s’en sortira, à quel moment les forces d’intervention démoliront la porte pour venir le sauver, il y a toujours un espoir. La réalité est différente, nous la connaissons tous.
Un auteur qui relate des faits sobrement, un événement tragique, font de ce roman un moment de lecture particulier, qui laisse des traces.
Invité- Invité
Sujets similaires
» [Herpin, Michaël] On le reconnaît tout de suite
» [Shaffer, Ann Mary & Barrows, Annie] Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates
» [Collectif] A la folie... pas du tout
» [Strout, Elizabeth] Tout est possible
» [Malmquist, Tom] A tout moment la vie
» [Shaffer, Ann Mary & Barrows, Annie] Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates
» [Collectif] A la folie... pas du tout
» [Strout, Elizabeth] Tout est possible
» [Malmquist, Tom] A tout moment la vie
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum