[Duras Marguerite] Un barrage contre le Pacifique
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[Duras Marguerite] Un barrage contre le Pacifique
Résumé:
Publié en 1950, Un barrage contre le Pacifique raconte le destin en Indochine française d'une mère et de ses deux enfants.
Mon avis:
J'ai moyennement aimé ce roman largement autobiographique. En effet, même si les personnages ont un nom et sont un minimum décrits, j'aime quand il y a plus de descriptions et donc quand je peux m'imaginer précisément le cadre de l'action. L'intrigue aurait pu être plus intéressante, car elle se concentre sur les illusions des différents personnages. Cependant, l'on peut voir les inégalités et les abus du colonialisme, à travers les récriminations de la mère.
Le ton reste neutre, même si les personnages peuvent voir leurs illusions réduites à néant. Le rythme reste assez lent, ce qui le rend parfois ennuyeux. De plus, aucun évènement historique marquant ne se déroule durant le roman, ce qui le pas très passionnant. De plus, vu que le cadre n'est pas très clairement défini, je me suis carrément ennuyée... Sans compter les multiples longueurs qui parcourent le roman... Bref, Marguerite Duras est un des (rares) auteurs que je ne supporte pas... Dommage car l'intrigue se passe dans un cadre dépaysant, et intéressant avec le contexte historique se plaçant durant la colonisation.
Invité- Invité
Re: [Duras Marguerite] Un barrage contre le Pacifique
Lu dans le cadre des Lectures communes de Mai/juin/juillet 2024
Mon avis :
Bien que la période soit difficile et que je manque de temps et d'énergie pour lire, j'ai vraiment suivi cette lecture avec un grand intérêt, car elle concentre une observation fine des personnages et un panorama économique de la colonisation en Indochine française des plus intéressants.
Nous suivons les aventures assez cloisonnées de trois personnages principaux, une famille : la mère, qui a lutté contre vents et marées pour s'en sortir et acheter une concession dans la plaine près des côtes malaises, et ses deux enfants, devenus jeunes adultes, Joseph et Suzanne. Le roman adopte plutôt le point de vue de Suzanne, qui rêve de partir avec son frère, à qui elle voue une admiration sans bornes. Elle oscille entre rêves de mariage riche et vie indépendante en ville, elle qui aime tant le cinéma.
Une première partie nous dépeint les conditions difficiles de la famille dans leur bungalow aux planches disjointes, près de la piste où ne passent que des voitures de chasseurs. Sans trop savoir quoi, ils attendent, alors que leur mère s'use la santé à planter, ensemencer, avec l'espoir de reprendre un jour ses barrages pour arrêter l'océan. Car, de la concession qu'elle a achetée, seuls quelques maigres hectares sont cultivables, le reste est noyé chaque année sous les marées de juillet. On ne parlera pas ici vraiment colonialisme, car les Blancs qui vivent pauvrement dans la plaine sont certes un peu mieux lotis que les paysans du cru, avec leurs enfants qui meurent comme des mouches ; mais ils sont aussi des victimes du système colonial d'administration.
Survient M. Jo, un homme riche, qui s'entiche de Suzanne sans aucune intention de l'épouser (ou plutôt sans force pour s'opposer à son père), mais qui les emmène s'amuser en ville et fait une cour assidue à la jeune fille, lui offrant objets de valeur et même un diamant. Il n'obtient pourtant qu'une faible curiosité de sa part et du mépris, n'obtenant que de la voir nue au sortir de la douche de temps en temps. La mère joue un rôle ambigu, prête d'abord à faire épouser cet homme pour qu'il les entretienne, puis à les réconcilier pour qu'au moins il donne à Suzanne plus de bijoux.
Dans un second temps, nous suivons la famille en ville, à l'hôtel central, où la mère court fébrilement les diamantaires pour leur revendre la pierre, tandis que Joseph s'éclipse, parce qu'il a rencontré une femme pas comme les autres, dont il est amoureux. Suzanne s'occupe tant bien que mal, marchant en ville et constatant qu'elle ne dispose pas des codes pour se fondre dans la bonne société, bien qu'elle soit jolie. Il ne lui reste plus qu'à attendre Joseph pour retourner à la concession avec sa mère, et réfléchir à son avenir, ou trouver un homme qui la sortira de là...
Ce roman est très prenant, fort et marquant, car il mêle la vie quotidienne des personnages, somme toute dépaysante, une fine observation des motivations humaines, jeunes ou moins jeunes, et un portrait sans concession de la société blanche en Indochine. Marguerite Duras ne milite pas, mais elle montre la réalité crue, les difficultés sans nombre des paysans, la rudesse du climat des marais, les maladies, l'omniprésence de la faim... On voit bien aussi par le personnage de la mère que des personnes idéalistes, naïves, se sont engluées également dans cette toile, tandis que d'autres, sans scrupules, s'en sortiront toujours. C'est plus un problème de classe, presque de caste, que de nationalité.
Le personnage de Joseph est sombre et complexe, Suzanne se montre a contrario un peu passive, mais elle a son caractère et les interactions de la fratrie avec d'autres personnages "extérieurs" ne manquent pas de sel. Ils ont leur fierté et leur façon de se défendre qui est efficace, car leur langue est brutale, sans filtre. L'écriture de Marguerite Duras est en soi impressionnante, d'une extraordinaire pureté, simple et dure comme un diamant, elle donne toute sa vibration à ce beau roman, chant d'amour à une terre hostile mais qui était chez eux, à une époque entre grandeur et échec, où l'on ne peut encore présumer de l'avenir, mais où tout est possible. 4,5/5
Citations :
Dès qu'ils étaient en âge de comprendre, on apprenait aux enfants à se méfier de la terrible nuit paludéenne, et des fauves. Pourtant les tigres avaient bien moins faim que les enfants et ils en mangeaient très peu. (page 28)
Au bout de dix ans la colonie pullula de compartiments de ce genre. L'expérience démontra d'ailleurs qu'ils se prêtaient très bien à la propagation de la peste et du choléra. Mais comme il n'y avait que les propriétaires pour avoir été avertis du résultat des études que les dirigeants de la colonie avaient fait entreprendre, il y eut des locataires de compartiments en toujours plus grand nombre. (page 51)
- C'est pas qu'il veuille pas mais c'est son père. Son père voudrait qu'il se marie avec une fille riche.
- Il peut courir, tout riche qu'il est, une fille riche, qui a le choix, ne voudra pas de lui. Faut être dans notre situation pour qu'une mère donne sa fille à un homme pareil. (page 91)
Suzanne, toujours debout près de lui, attendait qu'il comprenne. De loin, la mère et Joseph attendaient aussi. M. Jo avait fini par les apercevoir. La mère espérait sans doute encore que tout s'arrangerait et que M. Jo, cette menace aidant, reviendrait encore, mais les poches pleines de diamants pour mieux s'amender. Joseph, à cause de la mère, espérait que M. Jo comprendrait très vite.
- Faut plus venir, dit Suzanne, faut plus venir du tout. (page 121)
Seuls les indigènes et la pègre blanche des bas quartiers circulaient en tramways. C'était même, en fait, les circuits de ces tramways qui délimitaient strictement l'éden du haut quartier. Ils le contournaient hygiéniquement suivant une ligne concentrique dont les stations se trouvaient toutes à deux kilomètres au moins du centre. (page 141)
Suzanne n'avait jamais rencontré quelqu'un qui fût aussi peu poli que Joseph. On ne savait jamais lorsqu'on ne le connaissait pas, sur quel ton lui parler, par quel biais le prendre et comment dissiper cette brutalité devant laquelle les plus sûrs se troublaient. (page 247)
Mon avis :
Bien que la période soit difficile et que je manque de temps et d'énergie pour lire, j'ai vraiment suivi cette lecture avec un grand intérêt, car elle concentre une observation fine des personnages et un panorama économique de la colonisation en Indochine française des plus intéressants.
Nous suivons les aventures assez cloisonnées de trois personnages principaux, une famille : la mère, qui a lutté contre vents et marées pour s'en sortir et acheter une concession dans la plaine près des côtes malaises, et ses deux enfants, devenus jeunes adultes, Joseph et Suzanne. Le roman adopte plutôt le point de vue de Suzanne, qui rêve de partir avec son frère, à qui elle voue une admiration sans bornes. Elle oscille entre rêves de mariage riche et vie indépendante en ville, elle qui aime tant le cinéma.
Une première partie nous dépeint les conditions difficiles de la famille dans leur bungalow aux planches disjointes, près de la piste où ne passent que des voitures de chasseurs. Sans trop savoir quoi, ils attendent, alors que leur mère s'use la santé à planter, ensemencer, avec l'espoir de reprendre un jour ses barrages pour arrêter l'océan. Car, de la concession qu'elle a achetée, seuls quelques maigres hectares sont cultivables, le reste est noyé chaque année sous les marées de juillet. On ne parlera pas ici vraiment colonialisme, car les Blancs qui vivent pauvrement dans la plaine sont certes un peu mieux lotis que les paysans du cru, avec leurs enfants qui meurent comme des mouches ; mais ils sont aussi des victimes du système colonial d'administration.
Survient M. Jo, un homme riche, qui s'entiche de Suzanne sans aucune intention de l'épouser (ou plutôt sans force pour s'opposer à son père), mais qui les emmène s'amuser en ville et fait une cour assidue à la jeune fille, lui offrant objets de valeur et même un diamant. Il n'obtient pourtant qu'une faible curiosité de sa part et du mépris, n'obtenant que de la voir nue au sortir de la douche de temps en temps. La mère joue un rôle ambigu, prête d'abord à faire épouser cet homme pour qu'il les entretienne, puis à les réconcilier pour qu'au moins il donne à Suzanne plus de bijoux.
Dans un second temps, nous suivons la famille en ville, à l'hôtel central, où la mère court fébrilement les diamantaires pour leur revendre la pierre, tandis que Joseph s'éclipse, parce qu'il a rencontré une femme pas comme les autres, dont il est amoureux. Suzanne s'occupe tant bien que mal, marchant en ville et constatant qu'elle ne dispose pas des codes pour se fondre dans la bonne société, bien qu'elle soit jolie. Il ne lui reste plus qu'à attendre Joseph pour retourner à la concession avec sa mère, et réfléchir à son avenir, ou trouver un homme qui la sortira de là...
Ce roman est très prenant, fort et marquant, car il mêle la vie quotidienne des personnages, somme toute dépaysante, une fine observation des motivations humaines, jeunes ou moins jeunes, et un portrait sans concession de la société blanche en Indochine. Marguerite Duras ne milite pas, mais elle montre la réalité crue, les difficultés sans nombre des paysans, la rudesse du climat des marais, les maladies, l'omniprésence de la faim... On voit bien aussi par le personnage de la mère que des personnes idéalistes, naïves, se sont engluées également dans cette toile, tandis que d'autres, sans scrupules, s'en sortiront toujours. C'est plus un problème de classe, presque de caste, que de nationalité.
Le personnage de Joseph est sombre et complexe, Suzanne se montre a contrario un peu passive, mais elle a son caractère et les interactions de la fratrie avec d'autres personnages "extérieurs" ne manquent pas de sel. Ils ont leur fierté et leur façon de se défendre qui est efficace, car leur langue est brutale, sans filtre. L'écriture de Marguerite Duras est en soi impressionnante, d'une extraordinaire pureté, simple et dure comme un diamant, elle donne toute sa vibration à ce beau roman, chant d'amour à une terre hostile mais qui était chez eux, à une époque entre grandeur et échec, où l'on ne peut encore présumer de l'avenir, mais où tout est possible. 4,5/5
Citations :
Dès qu'ils étaient en âge de comprendre, on apprenait aux enfants à se méfier de la terrible nuit paludéenne, et des fauves. Pourtant les tigres avaient bien moins faim que les enfants et ils en mangeaient très peu. (page 28)
Au bout de dix ans la colonie pullula de compartiments de ce genre. L'expérience démontra d'ailleurs qu'ils se prêtaient très bien à la propagation de la peste et du choléra. Mais comme il n'y avait que les propriétaires pour avoir été avertis du résultat des études que les dirigeants de la colonie avaient fait entreprendre, il y eut des locataires de compartiments en toujours plus grand nombre. (page 51)
- C'est pas qu'il veuille pas mais c'est son père. Son père voudrait qu'il se marie avec une fille riche.
- Il peut courir, tout riche qu'il est, une fille riche, qui a le choix, ne voudra pas de lui. Faut être dans notre situation pour qu'une mère donne sa fille à un homme pareil. (page 91)
Suzanne, toujours debout près de lui, attendait qu'il comprenne. De loin, la mère et Joseph attendaient aussi. M. Jo avait fini par les apercevoir. La mère espérait sans doute encore que tout s'arrangerait et que M. Jo, cette menace aidant, reviendrait encore, mais les poches pleines de diamants pour mieux s'amender. Joseph, à cause de la mère, espérait que M. Jo comprendrait très vite.
- Faut plus venir, dit Suzanne, faut plus venir du tout. (page 121)
Seuls les indigènes et la pègre blanche des bas quartiers circulaient en tramways. C'était même, en fait, les circuits de ces tramways qui délimitaient strictement l'éden du haut quartier. Ils le contournaient hygiéniquement suivant une ligne concentrique dont les stations se trouvaient toutes à deux kilomètres au moins du centre. (page 141)
Suzanne n'avait jamais rencontré quelqu'un qui fût aussi peu poli que Joseph. On ne savait jamais lorsqu'on ne le connaissait pas, sur quel ton lui parler, par quel biais le prendre et comment dissiper cette brutalité devant laquelle les plus sûrs se troublaient. (page 247)
elea2020- Grand sage du forum
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Genre littéraire préféré : dystopies et classiques, littérature russe
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Re: [Duras Marguerite] Un barrage contre le Pacifique
Merci Elea, tu me donnes envie de découvrir ce livre !
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Cassiopée- Admin
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Date d'inscription : 17/04/2009
Re: [Duras Marguerite] Un barrage contre le Pacifique
Merci @Cassiopée, il est facile à lire, j'ai mis du temps surtout parce que je suis fatiguée et manque de concentration.
elea2020- Grand sage du forum
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