[Ernaux, Annie] La place
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[Ernaux, Annie] La place
Titre: La place
Auteur: Annie Ernaux
Genre: Récit
Editions: Folio/Gallimard
Nombre de pages: 113 pages
ISBN: 978-2070377220
Présentation de l'éditeur:
«Enfant, quand je m'efforçais de m'exprimer dans un langage châtié, j'avais l'impression de me jeter dans le vide. Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m'aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche. Puisque la maîtresse me "reprenait", plus tard j'ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que "se parterrer" ou "quart moins d'onze heures" n'existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois : "Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps !" Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l'argent.»
Résumé et avis:
« Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant » ou d’ « émouvant ». Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée ».
Dans ce court récit, Annie Ernaux raconte donc l’histoire de son père, né dans une famille paysanne en Normandie, garçon de ferme devenu ouvrier puis petit commerçant. Ses paroles, ses gestes, ses goûts sont ceux de sa « classe sociale », fruste, peu cultivée (« les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi je n’en ai pas besoin pour vivre »). A la force du poignet, il s’élèvera peu à peu à un niveau intermédiaire « entre le petit ouvrier qu’il était au départ et le petit-bourgeois qu’il ne sera jamais ». Malgré l’aisance financière acquise, il conservera toujours un sentiment d’infériorité mêlé de mépris à l’égard des « gens bien », qui parlent « bien », se tiennent « comme il faut », savent « ce qui est bien » et « ce qui ne se fait pas ».
Gêné par son éducation simple, maladroit, il met parfois involontairement sa fille dans des situations embarrassantes voire humiliantes. Le fossé de la communication entre ses parents et elle grandit d’autant plus qu’Annie Ernaux devient universitaire, poussée par ceux-ci à « faire des études » pour qu’elle devienne « mieux qu’eux ».
Mieux qu’eux, donc différente d’eux, d’où le dilemme impossible à résoudre : comment réussir sa vie au sens où l’entendent ses parents et donc prendre l’ascenseur social, sans renier pour autant ses origines et sa dette envers ceux à qui elle doit la vie et ce qu’elle est ?*
C’est pour expliquer cette distance qu’elle prend la plume, sans fioritures : « Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L’écriture plate me vient naturellement ».
De fait, le style est dépouillé, sobre, pudique. Certains diront qu’il est parfois cru, distant. Je crois que cette froideur apparente est une carapace de protection pour Annie Ernaux, qui y cache ses blessures, ou sa subjectivité. Ca n’empêche pas l’amour et les émotions d’affleurer, au contraire…
* L’œuvre d’Annie Ernaux a été analysée par le sociologue Vincent de Gaulejac dans « La névrose de classe ».
Dernière édition par alexielle63 le Jeu 12 Sep 2013 - 13:30, édité 1 fois (Raison : Correction sondage)
Invité- Invité
Re: [Ernaux, Annie] La place
Merci Viou pour ta critique
louloute- Grand sage du forum
-
Nombre de messages : 24589
Age : 56
Localisation : Var, Sanary-sur-mer
Emploi/loisirs : mère au foyer
Genre littéraire préféré : thriller, historique, policier
Date d'inscription : 11/12/2009
Re: [Ernaux, Annie] La place
Ce livre est mon premier livre à travailler pour ma licence (j’sais plus si je vous ai dis, j’entame ma 1ère année de licence de lettre moderne, je suis ravie!!).
Globalement ce livre n’est pas très enthousiasmant… Il ne se passe pas grand chose, on raconte, c’est tout. Mais c’est un style voulu par l’auteure. Un « style plat » pour retranscrire au mieux, sans y mettre ses émotions qui pourraient changer un peu les choses, l’histoire de son père jusqu’à sa mort.
Parce que ce livre, c’est ça. C’est un hommage à feu son père. À cet homme qui, malgré les apparences, s’est dévoué corps et âme à l’élévation sociale de sa fille.
Donc oui, ce livre est plat. Mais il fait son affaire, raconter une histoire, l’histoire d’un homme mais aussi de son époque. C’est bien écrit, c’est fluide et la lecture est agréable.
Pour cela je le note 4/5
Globalement ce livre n’est pas très enthousiasmant… Il ne se passe pas grand chose, on raconte, c’est tout. Mais c’est un style voulu par l’auteure. Un « style plat » pour retranscrire au mieux, sans y mettre ses émotions qui pourraient changer un peu les choses, l’histoire de son père jusqu’à sa mort.
Parce que ce livre, c’est ça. C’est un hommage à feu son père. À cet homme qui, malgré les apparences, s’est dévoué corps et âme à l’élévation sociale de sa fille.
Donc oui, ce livre est plat. Mais il fait son affaire, raconter une histoire, l’histoire d’un homme mais aussi de son époque. C’est bien écrit, c’est fluide et la lecture est agréable.
Pour cela je le note 4/5
Invité- Invité
Re: [Ernaux, Annie] La place
Merci Krackinette pour ta critique et bonne 1ere année de licence, c'est génial
louloute- Grand sage du forum
-
Nombre de messages : 24589
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Re: [Ernaux, Annie] La place
Annie Ernaux partage avec d'autres auteurs la détestation du pathos, du sentiment facile. C'est justement ce qui m'intéresse...
Ce livre est l'hommage tardif rendu par une femme (émancipée et intellectuelle) à son père qui n'a pas eu la chance d'avoir accès à une instruction approfondie. Je l'ai lu à plusieurs reprises, ne serait-ce que pour la qualité du travail d'écriture, à différents âges de ma vie d'ailleurs, en découvrant chaque fois de nouvelles facettes de l'oeuvre.
Ce livre est l'hommage tardif rendu par une femme (émancipée et intellectuelle) à son père qui n'a pas eu la chance d'avoir accès à une instruction approfondie. Je l'ai lu à plusieurs reprises, ne serait-ce que pour la qualité du travail d'écriture, à différents âges de ma vie d'ailleurs, en découvrant chaque fois de nouvelles facettes de l'oeuvre.
Invité- Invité
Re: [Ernaux, Annie] La place
J'ai lu La place, premier livre que je lis de cet auteur. Je me suis ennuyée. Son histoire n'est pas très originale. Son style est trop simple. Aucune émotion.
Je n'ai pas apprécié ce livre.
Je n'ai pas apprécié ce livre.
Invité- Invité
Re: [Ernaux, Annie] La place
Son père s’éteint en 1967, alors que, venant de réussir le Capes de Lettres, Annie Ernaux réalise le rêve qu’avait pour elle cet homme d’extraction modeste à la vie laborieuse et contrainte. Quinze ans plus tard, par amour autant que par remords, parce qu’ « écrire est le dernier recours quand on a trahi » et que son parcours, en la faisant « migrer doucement vers le monde petit-bourgeois », lui a fait peu à peu « oublier les souvenirs d’en bas comme si c’était quelque chose de mauvais goût », en tous les cas d’incompatible avec la « vision distinguée du monde » qu’elle s’est efforcée d’adopter pour complaire à son nouveau milieu, elle se lance dans le portrait, nu et sans artifices, de ce père à qui elle restitue ainsi sa vraie « place ».
Né au début du siècle dernier dans une famille normande de tâcherons agricoles, le père d’Annie Ernaux ne fréquente guère l’école avant de la quitter dès douze ans pour s’employer dans des fermes d’abord, en usine ensuite. A force de sacrifices et de travail, lui et son épouse acquièrent, après la seconde guerre mondiale, un café-épicerie à Yvetot, qui, tout symbole d’indépendance et d’élévation sociale qu’il soit, ne les met pas à l’abri de la précarité et des fins de mois difficiles partagées avec leur clientèle ouvrière. Complexé par son patois paysan, par son manque d’éducation et par sa gêne financière, le père investit toutes ses espérances dans la réussite de sa fille Annie, qui, brillante à l’école, entame bientôt des études universitaires. Peu à peu, une distance se creuse, à mesure que la jeune fille s’écarte du cadre familial, invite des amies issues de bonnes familles dont le savoir et les manières renvoient ses parents à leur sentiment d’infériorité, se marie bourgeoisement et devient professeur de lettres.
Lorsque le récit commence, son père vient de rendre son dernier souffle, et, le temps pour sa mère de descendre l’escalier avec les mots « c’est fini », c’est toute la vie de cet homme et sa relation avec sa fille qui défilent en une centaine de pages avant de revenir s‘achever à cet instant précis. Dans son souci de fidélité à la réalité, l’auteur s’est interdit toute sentimentalité et fioriture littéraire. Le texte se déploie au long d’une écriture plate, neutre, sèche et précise, qui dissèque faits et sentiments avec la rigueur d’observation d’un entomologiste. Pourtant, même si sévèrement tenue à distance, l’émotion transparaît à fleur de mots, vibre sous la retenue et emporte le lecteur, en écho à ses propres blessures familiales, à ses tristesses et à ses remords, au fond d’un intense bouleversement.
Prix Renaudot et énorme succès de librairie, un récit vrai et un grand livre d’amour filial sur fond de trahison sociale. Coup de coeur. (5/5)
Né au début du siècle dernier dans une famille normande de tâcherons agricoles, le père d’Annie Ernaux ne fréquente guère l’école avant de la quitter dès douze ans pour s’employer dans des fermes d’abord, en usine ensuite. A force de sacrifices et de travail, lui et son épouse acquièrent, après la seconde guerre mondiale, un café-épicerie à Yvetot, qui, tout symbole d’indépendance et d’élévation sociale qu’il soit, ne les met pas à l’abri de la précarité et des fins de mois difficiles partagées avec leur clientèle ouvrière. Complexé par son patois paysan, par son manque d’éducation et par sa gêne financière, le père investit toutes ses espérances dans la réussite de sa fille Annie, qui, brillante à l’école, entame bientôt des études universitaires. Peu à peu, une distance se creuse, à mesure que la jeune fille s’écarte du cadre familial, invite des amies issues de bonnes familles dont le savoir et les manières renvoient ses parents à leur sentiment d’infériorité, se marie bourgeoisement et devient professeur de lettres.
Lorsque le récit commence, son père vient de rendre son dernier souffle, et, le temps pour sa mère de descendre l’escalier avec les mots « c’est fini », c’est toute la vie de cet homme et sa relation avec sa fille qui défilent en une centaine de pages avant de revenir s‘achever à cet instant précis. Dans son souci de fidélité à la réalité, l’auteur s’est interdit toute sentimentalité et fioriture littéraire. Le texte se déploie au long d’une écriture plate, neutre, sèche et précise, qui dissèque faits et sentiments avec la rigueur d’observation d’un entomologiste. Pourtant, même si sévèrement tenue à distance, l’émotion transparaît à fleur de mots, vibre sous la retenue et emporte le lecteur, en écho à ses propres blessures familiales, à ses tristesses et à ses remords, au fond d’un intense bouleversement.
Prix Renaudot et énorme succès de librairie, un récit vrai et un grand livre d’amour filial sur fond de trahison sociale. Coup de coeur. (5/5)
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