[Willi, Pierre] L'Herbe noire
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[Willi, Pierre] L'Herbe noire
Titre : L'Herbe noire
Auteur : Pierre Willi
Éditions : Krakoen
Date de parution : 01/01/2014
ISBN : 9782367940366
Nombre de pages : 270
Quatrième de couverture
"Je rêvais de fuir les adultes et toute cette boue qui nous empoisonnait le sang. Je rêvais de partir loin, très loin, et de ne plus jamais revenir. Mais le rêve a rejoint la réalité, il est devenu cauchemar..." En retraçant la cavale sanglante de trois adolescents qui s'ennuyaient dans une ferme du Limousin, Pierre Willi tresse les fils d'un drame inexorable.
Mon avis
Sombre et très noire, comme la couverture du livre, cette histoire est portée par une écriture surprenante au premier abord. Alternant le « je » d’un des principaux protagonistes et la troisième personne du singulier pour évoquer d’autres faits, l’auteur nous emmène dans un univers restreint, celui de quelques familles dans une campagne plutôt perdue, ce que certains nomment « le trou du cul du monde ».
Paulin raconte avec ses mots et son vocabulaire d’adolescent. Il rentre au village car c’est la fin de l’année scolaire. Ses parents ? Ce n’est pas simple... Ses amis ? A-t-on des « amis » quand il y a peu de personnes autour de vous ? Ne s’agit-il pas plutôt de voisins, de connaissances que vous appelez « amis » pour combler le vide ?
Heureusement, il y a Nadège… Paulin lit en elle comme dans un livre ouvert, il vaut mieux car elle ne parle pas et communique très peu…. En ville, on prendrait peut-être le temps d’essayer de l’aider. On expliquerait qu’elle est sans doute autiste et qu’il y a des solutions pour aller mieux …Mais là…pas le temps, pas le moment….et puis, si c’était elle qui avait choisi de se taire ?
Le début du roman peut désarçonner, l’alternance des deux styles, le plus souvent dans un même chapitre et sur des paragraphes courts peut surprendre et donner une impression de confusion, le lecteur se demandant qui intervient. Une fois, le principe « adopté", on s’aperçoit que ce fonctionnement donne de la profondeur au texte. Les points de vue sont multiples et ne se cantonnent pas à un personnage. De plus, cela permet de varier le vocabulaire et de ne pas rester « fixé » sur Paulin.
Paulin est jeune, il a les défauts de la jeunesse, il essaie d’être « bien » mais ce n’est pas toujours évident…..
« J’ai bien essayé de me fabriquer une auréole, avec des restes d’éclair ramassés pendant une nuit d’orage, mais il faut se promener avec une batterie pour l’alimenter et qu’elle brille…. »
Le désœuvrement, les fréquentations, les petites guerres de « clans » entraînent des dérives, pas importantes au début mais qui, de fil en aiguille, à cause de mauvais concours de circonstances, peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Paulin et ses compagnons vont ainsi se trouver embarqués dans une tourmente qu’ils ne dominent pas.
« Tuer les gens qu’on aime, ce n’est pas les tuer. C’est détruire leur image pour ne pas la perdre et la garder pour soi toujours. »
Dépassés par les événements, embourbés devant les problèmes, paniqués par la non-maîtrise de situations aux renversements plausibles mais étonnants, ils n’ont plus rien pour espérer une amélioration…..
Malgré sa noirceur, j’ai beaucoup apprécié ce roman. Pour plusieurs raisons :
- L’écriture et le style (parfois poétique malgré son côté obscur) particuliers mais intéressants.
- De plus, l’auteur à travers cet opus, aborde un fait de société important : l’inactivité des jeunes qui peut les transporter dans des situations qu’ils n’ont pas souhaitées, où le monde ne répond pas à leurs attentes et où ils finissent par s’enfoncer dans la délinquance ou plus simplement le mal-être….
- Le contenu des chapitres. En effet, au-delà de la narration, on trouve dans le récit, une approche "fine" des personnages, notamment de ceux qui sont dans l’ombre mais dont l’attitude peut expliquer la partie visible de l’iceberg.
- Le dernier point et ce n’est pas un des moindres, c’est tout ce qui peut se ressentir à cette lecture. Je veux dire par là, qu’à mon sens, il y a des choses à découvrir entre les lignes. Pas forcément un message caché mais une atmosphère, une ambiance….une de ces ambiances qui vous colle à la peau une fois le livre refermé et vous laisse pantelante dans votre canapé….le poids des mots…..sans doute….
Cassiopée- Admin
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Nombre de messages : 16865
Localisation : Saint Etienne
Emploi/loisirs : enseignante
Genre littéraire préféré : un peu tout
Date d'inscription : 17/04/2009
Re: [Willi, Pierre] L'Herbe noire
Merci pour ta critique Cassiopée
louloute- Grand sage du forum
-
Nombre de messages : 24602
Age : 56
Localisation : Var, Sanary-sur-mer
Emploi/loisirs : mère au foyer
Genre littéraire préféré : thriller, historique, policier
Date d'inscription : 11/12/2009
Re: [Willi, Pierre] L'Herbe noire
Mon avis :
Mon premier constat est que le titre est particulièrement bien choisi, pour ce roman noir et champêtre.
L'action se passe dans un trou de verdure - Paulin cite Verlaine, je cite Rimbaud - où personne ne vient jamais. Même le bus hésite à s'y aventurer, de peur de s'embourber.
Trois fermes, trois familles, toutes en état de décomposition, bien avant que l'action ne commence. Les prénoms donnés sont ceux d'un autre temps - Bernard, Gérard, Paulin. Ici, les jeunes, dont on s'est débarrassé en les envoyant en pension, savent s'amuser, à tirer, ou à empêcher l'invasion des étrangers de toute sorte. Même les Allemands restent les ennemis héréditaires.
Les portraits d'agriculteurs, âpres au gain, âpres à profiter de toutes les subventions possibles et imaginables, risquent de ne pas plaire à ceux qui présentent les agriculteurs comme les "ardents défenseurs de la nature depuis toujours". Il est bon d'ouvrir les yeux aussi, sur une réalité que les reportages télévisés ne montrent pas. Le portrait de ces hommes et femmes, qui ne savent que s'enivrer, cogner, ne m'a pas semblé si exagéré, pas plus que les conséquences sur leur rejeton. Personne, je me répète, ne se rend dans ces coins reculés. Même l'assistante sociale se contente du minimum, seul le garde champêtre intervient - et encore, pas dans le cadre de querelles familiales.
Ce qui est flagrant est l'absence de communication. La violence domine tous les rapports, quel que soit leur nature. Quand les personnages manquent de mot à ce point, est-il encore possible de parler d'amitié, ou d'amour ? Prenez Nana, par exemple. Née dans une autre famille, qui se serait préoccupée de ses troubles dès leur apparition, elle aurait mené une toute autre existence. Là, rien, si ce n'est la chronique de l'indifférence haineuse de sa famille, et de l'indifférence tout court de ceux qui la prennent en charge.
Le reproche qui pourrait être fait à ce livre est que l'action commence tardivement. Pour ma part, j'ai trouvé bon que le narrateur prenne le temps de poser le décor, poisseux, le contexte (la crise agricole) afin que le lecteur comprenne bien dans quel bourbier les personnages se sont enlisés. Et l'espoir n'est pas au bout de la route.
Mon premier constat est que le titre est particulièrement bien choisi, pour ce roman noir et champêtre.
L'action se passe dans un trou de verdure - Paulin cite Verlaine, je cite Rimbaud - où personne ne vient jamais. Même le bus hésite à s'y aventurer, de peur de s'embourber.
Trois fermes, trois familles, toutes en état de décomposition, bien avant que l'action ne commence. Les prénoms donnés sont ceux d'un autre temps - Bernard, Gérard, Paulin. Ici, les jeunes, dont on s'est débarrassé en les envoyant en pension, savent s'amuser, à tirer, ou à empêcher l'invasion des étrangers de toute sorte. Même les Allemands restent les ennemis héréditaires.
Les portraits d'agriculteurs, âpres au gain, âpres à profiter de toutes les subventions possibles et imaginables, risquent de ne pas plaire à ceux qui présentent les agriculteurs comme les "ardents défenseurs de la nature depuis toujours". Il est bon d'ouvrir les yeux aussi, sur une réalité que les reportages télévisés ne montrent pas. Le portrait de ces hommes et femmes, qui ne savent que s'enivrer, cogner, ne m'a pas semblé si exagéré, pas plus que les conséquences sur leur rejeton. Personne, je me répète, ne se rend dans ces coins reculés. Même l'assistante sociale se contente du minimum, seul le garde champêtre intervient - et encore, pas dans le cadre de querelles familiales.
Ce qui est flagrant est l'absence de communication. La violence domine tous les rapports, quel que soit leur nature. Quand les personnages manquent de mot à ce point, est-il encore possible de parler d'amitié, ou d'amour ? Prenez Nana, par exemple. Née dans une autre famille, qui se serait préoccupée de ses troubles dès leur apparition, elle aurait mené une toute autre existence. Là, rien, si ce n'est la chronique de l'indifférence haineuse de sa famille, et de l'indifférence tout court de ceux qui la prennent en charge.
Le reproche qui pourrait être fait à ce livre est que l'action commence tardivement. Pour ma part, j'ai trouvé bon que le narrateur prenne le temps de poser le décor, poisseux, le contexte (la crise agricole) afin que le lecteur comprenne bien dans quel bourbier les personnages se sont enlisés. Et l'espoir n'est pas au bout de la route.
Sharon- Modérateur
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Nombre de messages : 13271
Age : 46
Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
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