[Salvayre, Lydie] La méthode Mila

par Moulin-à-Vent Mar 12 Aoû 2014 - 15:29

Auteure: Salvayre, Lydie
Titre: La méthode Mila
Roman
Époque concernée: 2003 (ou peut-être 2007?)
Éditeur: Seuil
222 pages
ISBN 2-02-061157-0

Quatrième de couverture

A quoi sert le Discours de la méthode devant la tristesse qu'éveille la mort annoncée d'un parent? Que valent les pensées les plus distinguées, les spéculations les plus audacieuses, si elles demeurent éloignées de la vie ordinaire des hommes ?

Telles sont les questions que le narrateur, en charge d'une mère dont le corps et l'esprit peu à peu se dégradent, pose directement à René Descartes, enjambant d'une seule foulée les quatre siècles qui le séparent du grand homme.

Ne trouvant nul secours dans les traités du philosophe qu'il apostrophe et morigène, ne sachant se défendre de l'angoisse que lui inspire le vieillissement maternel, il finit par consulter, non sans défiance, l'extravagante et très peu cartésienne Mila.

C'est elle qui, par des voies que nous ne dirons pas, saura l'initier à l'amour (ce jeu où l'on perd quand on gagne), lui transmettre son goût des fables (qui disent la vérité illogique et furtive des choses) et l'amener à s'orienter dans le brouillard sans trop le craindre.

Mon appréciaton

Wow! Quel coup de coeur! Je l'ai déjà racheté pour l'offrir en cadeau.
L'écriture est magnifique, archaïque et magique. D'une beauté qu'un adolescent pourrait obtenir en maniant un outil ancien. À couper le souffle. C'est d'un baroque à l'exubérance gothique qui fait labialement naître un sourire, sinon un rire. Quel verbe! Quel vocabulaire! Quelle verve! Le Discours de la méthode de Monsieur Descartes en prend pour son rhume.
Quel pouvoir de tristesse et d'humanité renferment les mots pour décrire les sentes que lui et sa vieille mère doivent parcourir au même moment, mais, a contrario, sur des chemins séparés.
Par moments, l'exaltation fait ressurgir des envolées oratoires achilletalonnesques. C'est d'une logorrhée contemporaine souvent adolescente.
J'en étais à la page 174 et je me disais que ce plaisir de lire allait fort probablement bientôt s'arrêter, plaisir durant depuis la page 1. J'avais raison puisque ce roman ne compte malheureusement que 222 pages. J'en aurais aisément pris le double.
Que j'ai aimé ce roman!
Ma cote: 10/10.

Citations

"... penser c'est, précisément, courir à la fois après la proie et l'ombre. Quitte à se casser la gueule. Et n'attraper que quelques plumes. Puis s'en faire un plumeau. Et se le planter dans le cul. Pour rire."

"Madame Mila était baroque, Monsieur. Comme la vie. Comme le monde. Multicolore, grotesque, sublime et contradictoire, rêveuse et incroyablement pragmatique, prompte à modérer le feu des enflammés, à empêcher les outrecuidants d'outrecroire, à mener à la réflexion les plus irréfléchis et à la praxis les apraxiques dans mon genre, macaronique pour l'allure et savante en esprit, à la fois Simonde de Beauvoir et Madame Irma, donquichottesque et sanchopancesque, sincère et théâtrale, adepte du sancerre autant que de la philosophie, passionnée par l'histoire, qu'elle comparait à une maladie, au terme d'une incubation muette, pouvait un beau jour s'éveiller d'un sommeil de mille ans et exploser en mille symptômes à la gueule des imprévoyants, sorcière et assistante de votre oeuvre, Monsieur, auquel elle apportait, de déclara-t-elle un jour avec le plus grand sérieux, les adjuvants indispensables: la fantaisie, la chaleur et les imaginations, associées à un bon sens aussi solide que la terre."

"Un Arabe qui aurait voulu régenter sa famille d'une main talibane mais se laissait embobiner, comme un bénêt, par son épouse."

"... reprogrammer nos codes génétiques pour faire de nos pommes des cyberdomestiques à bas prix. Si, par extraordinaire, j'étais un jour l'objet d'une de ces reprogrammations, j'indique ici, incidemment, mon souhait d'avoir la gueule de Brad Pitt et la carrure d'Arnold Schwarznegger. Cela ouvrirait dans ma vie des perspectives insoupçonnées. Philosophiques, il va sans dire."

"Il faudrait penser nos passions et passionner nos pensées afin de les porter à des hauteurs nouvelles..."

(Lydie Salvayre, "La méthode Mila")