[Dugain, Marc] Ils vont tuer Robert Kennedy
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[Dugain, Marc] Ils vont tuer Robert Kennedy
Titre : Ils vont tuer Robert Kennedy
Auteur : Marc Dugain.
Edition : Gallimard
Nombre de pages : 400 pages.
Présentation de l’éditeur :
A Vancouver, en Colombie-Britannique, un professeur d’histoire fait sa thèse sur l’assassinat de Robert Kennedy. Il est persuadé que la mort brutale de ses deux parents successivement en 1967 et 1968 est liée à l’assassinat du jeune politicien américain en juin 1968. Son enquête l’amène à découvrir les liens tissés par son père et les services secrets britanniques durant la Résistance.
Mon avis :
Le narrateur est un universitaire, presque un rêveur puisqu’il poursuit une thèse depuis des années sur les frères Kennedy. Pourquoi ce sujet ? Pour lui, la mort de ses parents est liée à l’assassinat de Robert Kennedy. Ou comment l’histoire intime se retrouve mêlée à la grande histoire.
Nous saurons petit à petit comment les parents de Marc sont morts. Nous saurons pourquoi Marc a eu tant de mal à se remettre, et quels ont été les conséquences pour l’adolescent qu’il était, pour l’homme qui, à soixante ans, a eu une vie sentimentale qui n’est pas vraiment celle d’un universitaire, de la liberté des années 70 à aujourd’hui, alors qu’il a longuement hésité avant de fonder une famille. Il ne possède finalement que ses recherches – sur les Kennedy ou sur ses parents.
L’ensemble du roman est raconté du point de vue de Marc, que viennent parfois pondérer les avis de ses proches ou des personnes qu’il a rencontrées au cours de ses recherches. La limite est donc fragile entre certitudes (romanesques) et invention, pour ne pas dire hallucination.
Roman ? Documentaire ? Tentation autobiographique aussi, avec un personnage principal qui est le quasi-homonyme de l’auteur. Si le sujet est la succession d’événements qui a conduit à la mort de Robert Kennedy, les crises qui ont jalonné les années de présidence de JFK – les missiles de Cuba, par exemple, il est question aussi de la période trouble de la seconde guerre mondiale, comme si l’histoire du XXe siècle n’était constituée que d’une succession de complots dont les conséquences, les ramifications s’étendent dans le temps et dans l’espace. Autre histoire, celle de la psychanalyse, son usage pour apaiser ceux que l’Histoire aura blessé.
Ils vont tuer Robert Kennedy est un roman dense, riche, qui dresse aussi le portrait de l’Amérique d’aujourd’hui.
Sharon- Modérateur
-
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Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Dugain, Marc] Ils vont tuer Robert Kennedy
Dugain et les Kennedy c'est presque une histoire de famille. Les lecteurs des deux autres ouvrages sur les Kennedy savaient que, forcément, un jour ou l'autre il serait tenté d'écrire sur Bobby Kennedy. de la même façon que pour JFK, quoique dans les malédictions d'Edgar ce ne fut pas exactement le cas, il présente ici une version qui impliquerait pas mal de personnes et non des moindre à commencer par Lyndon Johnson alors président des Etats-Unis, dans le meurtre de RFK. Impliqué que je suis dans les lectures retraçant la vie de cette célèbre famille, je dois dire qu'il y a autant de détracteurs que de convaincus sur les méthodes et les raisons de l'assassinat des deux frères. Pour ma part je suis perplexe. je reconnais cependant qu'entre la mafia, les ségrégationnistes et la CIA, on a le choix pour trouver un ou des meurtriers. A noter, pour ceux qui ont vu le film Nixon d'Oliver Stone, le réaliseur mêle les texans dans l'assassinat de Bobby.
Bref, que Dugain se déguise en thésard, fils de thérapeute de l'hypnose, espion assassin présumé de son épouse, donc de la mère du héros, n'est qu'un prétexte pour nous resservir du Kennedy. Certes la quête de la vérité, la romance avec l'étudiante, les péripéties de droite et de gauche étoffent le livre pour se terminer en quenouille que le lecteur aura le droit agrémenter à sa sauce blanche ou noire de l'imagination ou d'une vérité inaboutie.
Pour ce qui me concerne, rêve ou réalité, peu me chaut, le fil de l'histoire et la touche kennedienne de Dugain me siéent à merveille !
Bref, que Dugain se déguise en thésard, fils de thérapeute de l'hypnose, espion assassin présumé de son épouse, donc de la mère du héros, n'est qu'un prétexte pour nous resservir du Kennedy. Certes la quête de la vérité, la romance avec l'étudiante, les péripéties de droite et de gauche étoffent le livre pour se terminer en quenouille que le lecteur aura le droit agrémenter à sa sauce blanche ou noire de l'imagination ou d'une vérité inaboutie.
Pour ce qui me concerne, rêve ou réalité, peu me chaut, le fil de l'histoire et la touche kennedienne de Dugain me siéent à merveille !
Invité- Invité
Re: [Dugain, Marc] Ils vont tuer Robert Kennedy
Mon avis :
Je me suis totalement immergée dans ce roman plus que passionnant, fascinant, dans lequel l'auteur s'est fait virtuose de la menace et des faux-semblants, autour d'une construction en miroir proprement vertigineuse.
Le lecteur accompagne les recherches du narrateur, faux double de lui-même, universitaire de 62 ans, amoureux de son étudiante Lorna. Il dispense des cours sur l'Amérique des années 60 et sur la controverse autour de l'assassinat des Kennedy, John Fitzgerald puis Robert Francis. Lorsqu'il est question de concevoir un enfant, il semble vouloir mettre les bouchées doubles pour boucler une enquête commencée depuis 40 ans, et comprendre enfin en quoi la mort de ses parents pourrait être liée, comme il l'a toujours pressenti, à celle des deux frères Kennedy, et surtout à celle de Robert.
En même temps que nous suivons les méandres et déambulations de l'enquête à la fois pointue et intuitive du narrateur sur ses parents, surtout sur son père, résistant juif dans le réseau communiste, qui travaillait également pour les services secrets anglais (nobody's perfect), nous le verrons passer de la France au Canada, tout en échafaudant diverses théories sur une possible conspiration dans laquelle aurait trempé son père, avant le prétendu suicide de sa mère et son prétendu accident de voiture. A la fin de la seconde guerre mondiale, ce dernier avait utilisé sa spécialité, l'hypnose, pour aider des rescapés des camps à surmonter leurs traumatismes, avant de devoir être exfiltré au Canada. C'est une vie comme on en fait peu, d'autant plus que son épouse, la mère du narrateur, était une belle Irlandaise du Nord, peut-être affiliée aux Républicains de son pays, voire à l'IRA...
En parallèle, l'auteur nous fait suivre les dernières années de la vie de Robert Kennedy, sa montée vers la Présidence, de nouveau, alors qu'il y croit lui-même insuffisamment, mais qu'il se laisse prendre au jeu, devenu l'espoir des pauvres, de la communauté noire et portoricaine. Cette irrésistible montée vers la lumière le met en danger, il le sait, et nous avons revécu avec lui le traumatisme de la mort de son frère, qu'il se reproche amèrement de n'avoir pu empêcher. Autour de lui, un tissu de corruption, de mafieux aux méthodes expéditives, et l'emprise non moins funeste de la CIA sur la vie politique du pays, tissent une toile mortelle, "monde invisible" prêt à tout pour sauvegarder ses intérêts. Tout est bon pour éviter les idées progressistes, rapidement discréditées au nom de sympathies communistes, avant d'éliminer les porteurs mêmes de ces idées.
Plus l'enquête avance, plus les éléments sont réunis sur les deux crimes, plus l'évidence se fait jour : les thèses officielles ne tiennent pas debout, et font même fi des preuves ou des déclarations des témoins. Les morts jalonnent la marche de la justice. Un pan du roman semble nous faire basculer dans la paranoïa et le complotisme, tout en gardant un certain recul, et en n'excluant pas une explication plus psychologique d'une vision biaisée chez le narrateur, afin d'accepter la réalité sordide de la mort de ses parents. Le roman ne prend pas seulement les éléments du thriller d'enquête juridique, il forme aussi un impressionnant terrain d'analyse psychologique, on se croirait vraiment dans le cerveau de RFK. La langue de l'auteur est par ailleurs remarquable, dense mais toujours maîtrisée, limpide, les formules font mouche, avec un ton souvent désabusé.
Un roman vraiment à recommander, qui reste facile à lire et palpitant malgré la matière brassée, parfois un chouïa trop complotiste pour moi (le projet MK Ultra), mais qui donne froid dans le dos quant aux possibilités d'évolution de la société américaine. 5/5
Citations :
Ce pays qui se plaît à laisser penser que la foi et les valeurs morales le dirigent ne reconnaît principalement que l’intérêt comme ciment d’une communauté prompte à s’organiser et à se libérer de tout scrupule quand il s’agit de le défendre. (page 67)
La contre-culture a compris très vite que ce mouvement, miné par la drogue et les bonnes intentions, qui vendait de l’amour à crédit, allait se fracasser sur la réalité, celle d’un monde poussé par la force irrésistible de l’appropriation. (page 120)
« C’est ce qu’on appelle la tectonique des plaques. Quand deux plaques se montent dessus, il vaut mieux ne pas se trouver au milieu. » (page 191)
Le modèle économique, familial, religieux, intoxique les jeunes qui n’y voient que la promesse d’un ennui infini. Produire, se reproduire et mourir. La société américaine ne propose rien d’autre. (page 288)
Elle détonait au milieu de ses camarades faiblement cultivés, dont l’attention était détournée par leur téléphone « intelligent », ce petit concentré d’informations qui a pris le pouvoir sur toute une génération pressée de savoir mais pas de penser. (page 349)
Quand on a aimé le rêve américain, on est d’autant plus réticent à croire que le cauchemar n’en est pas un. (page 422)
Je me suis totalement immergée dans ce roman plus que passionnant, fascinant, dans lequel l'auteur s'est fait virtuose de la menace et des faux-semblants, autour d'une construction en miroir proprement vertigineuse.
Le lecteur accompagne les recherches du narrateur, faux double de lui-même, universitaire de 62 ans, amoureux de son étudiante Lorna. Il dispense des cours sur l'Amérique des années 60 et sur la controverse autour de l'assassinat des Kennedy, John Fitzgerald puis Robert Francis. Lorsqu'il est question de concevoir un enfant, il semble vouloir mettre les bouchées doubles pour boucler une enquête commencée depuis 40 ans, et comprendre enfin en quoi la mort de ses parents pourrait être liée, comme il l'a toujours pressenti, à celle des deux frères Kennedy, et surtout à celle de Robert.
En même temps que nous suivons les méandres et déambulations de l'enquête à la fois pointue et intuitive du narrateur sur ses parents, surtout sur son père, résistant juif dans le réseau communiste, qui travaillait également pour les services secrets anglais (nobody's perfect), nous le verrons passer de la France au Canada, tout en échafaudant diverses théories sur une possible conspiration dans laquelle aurait trempé son père, avant le prétendu suicide de sa mère et son prétendu accident de voiture. A la fin de la seconde guerre mondiale, ce dernier avait utilisé sa spécialité, l'hypnose, pour aider des rescapés des camps à surmonter leurs traumatismes, avant de devoir être exfiltré au Canada. C'est une vie comme on en fait peu, d'autant plus que son épouse, la mère du narrateur, était une belle Irlandaise du Nord, peut-être affiliée aux Républicains de son pays, voire à l'IRA...
En parallèle, l'auteur nous fait suivre les dernières années de la vie de Robert Kennedy, sa montée vers la Présidence, de nouveau, alors qu'il y croit lui-même insuffisamment, mais qu'il se laisse prendre au jeu, devenu l'espoir des pauvres, de la communauté noire et portoricaine. Cette irrésistible montée vers la lumière le met en danger, il le sait, et nous avons revécu avec lui le traumatisme de la mort de son frère, qu'il se reproche amèrement de n'avoir pu empêcher. Autour de lui, un tissu de corruption, de mafieux aux méthodes expéditives, et l'emprise non moins funeste de la CIA sur la vie politique du pays, tissent une toile mortelle, "monde invisible" prêt à tout pour sauvegarder ses intérêts. Tout est bon pour éviter les idées progressistes, rapidement discréditées au nom de sympathies communistes, avant d'éliminer les porteurs mêmes de ces idées.
Plus l'enquête avance, plus les éléments sont réunis sur les deux crimes, plus l'évidence se fait jour : les thèses officielles ne tiennent pas debout, et font même fi des preuves ou des déclarations des témoins. Les morts jalonnent la marche de la justice. Un pan du roman semble nous faire basculer dans la paranoïa et le complotisme, tout en gardant un certain recul, et en n'excluant pas une explication plus psychologique d'une vision biaisée chez le narrateur, afin d'accepter la réalité sordide de la mort de ses parents. Le roman ne prend pas seulement les éléments du thriller d'enquête juridique, il forme aussi un impressionnant terrain d'analyse psychologique, on se croirait vraiment dans le cerveau de RFK. La langue de l'auteur est par ailleurs remarquable, dense mais toujours maîtrisée, limpide, les formules font mouche, avec un ton souvent désabusé.
Un roman vraiment à recommander, qui reste facile à lire et palpitant malgré la matière brassée, parfois un chouïa trop complotiste pour moi (le projet MK Ultra), mais qui donne froid dans le dos quant aux possibilités d'évolution de la société américaine. 5/5
Citations :
Ce pays qui se plaît à laisser penser que la foi et les valeurs morales le dirigent ne reconnaît principalement que l’intérêt comme ciment d’une communauté prompte à s’organiser et à se libérer de tout scrupule quand il s’agit de le défendre. (page 67)
La contre-culture a compris très vite que ce mouvement, miné par la drogue et les bonnes intentions, qui vendait de l’amour à crédit, allait se fracasser sur la réalité, celle d’un monde poussé par la force irrésistible de l’appropriation. (page 120)
« C’est ce qu’on appelle la tectonique des plaques. Quand deux plaques se montent dessus, il vaut mieux ne pas se trouver au milieu. » (page 191)
Le modèle économique, familial, religieux, intoxique les jeunes qui n’y voient que la promesse d’un ennui infini. Produire, se reproduire et mourir. La société américaine ne propose rien d’autre. (page 288)
Elle détonait au milieu de ses camarades faiblement cultivés, dont l’attention était détournée par leur téléphone « intelligent », ce petit concentré d’informations qui a pris le pouvoir sur toute une génération pressée de savoir mais pas de penser. (page 349)
Quand on a aimé le rêve américain, on est d’autant plus réticent à croire que le cauchemar n’en est pas un. (page 422)
elea2020- Grand sage du forum
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