[Zeniter, Alice] L'art de perdre
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[Zeniter, Alice] L'art de perdre
Titre : L'art de perdre
Auteur : Alice Zeniter
Edition : Flammarion
Nombre de pages : 532 pages.
Présentation de l’éditeur :
L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ».
Mon avis :
Il n’est pas toujours facile de chroniquer un livre que l’on a beaucoup apprécié, et que l’on quitte avec regret. Le personnage de Naïma m’a accompagné même après que le livre a été refermé, et pourtant, elle n’est pas vraiment le personnage principal du livre, plutôt l’initiatrice du projet qui lui fait remonter le temps et retracer l’histoire de ses grands-parents, puis de ses parents.
Ce qui nous est donné à voir tout d’abord est la vie en Algérie du côté de ceux qui y étaient nés, qui y vivaient, qui ont dû choisir leur camp au moment où les « événements » ont éclaté. Choix qui n’a pas été facile puisque le but était de penser à l’avenir, tout en tentant de se prémunir des dangers du présent. Si nous avions été à leur place, qu’aurions-nous fait ? Vaste question. La vie, avant, était paisible, entre mariages, naissances et le passage du temps, qui amenait les récoltes.
Viennent le départ, l’arrivée en France, et toujours pour Ali le souci de protéger les siens. En lisant le sort des « harkis », je ne puis m’empêcher de faire des rapprochements avec la manière dont les réfugiés actuels sont traités – hasard du calendrier littéraire. Je ne puis m’empêcher de penser aussi que la manière de traiter les vaincus n’a guère changé depuis les camps qui accueillirent les espagnols en 1936.
La suite ? Les études, pour les enfants, l’intégration, les différences faites entre les garçons et les filles, sans s’en rendre compte. La vie qui continue en faite, avec en point d’orgue le mariage d’Hamid et de Clarisse, ainsi que la naissance de leur quatre filles – dont Naïma.
Puis, la boucle est presque bouclée, avec le retour au pays (aux sources, allais-je dire) pour elle, comme s’il avait fallu d’abord remonter l’histoire de sa famille avant qu’elle franchisse la Méditerranée en sens inverse. Il y aura aussi des questionnements sur l’art, et ce qui légitime (ou non) tel ou tel artiste. L’histoire (des arts) écrite par les vainqueurs.
J’en ai déjà beaucoup dit, alors pour conclure, je dirai que je souhaite le meilleur destin possible à cette oeuvre.
Sharon- Modérateur
-
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Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Zeniter, Alice] L'art de perdre
Mon avis
C’est une voix extérieure qui nous raconte l’histoire de Naïma et de sa famille. On découvre les recherches et découvertes de cette jeune femme, d’origine algérienne, qui veut mieux comprendre sa famille. Pourquoi vit-elle en France, qu’est ce qui a poussé les siens à fuir leur pays ?
La première partie nous présente une « peinture » de la vie « là-bas ». Les traditions, les mariages arrangés, la répartition des terres, la vie quotidienne, la place de chacun, les relations parfois difficiles, voire chaotiques, entre les uns et les autres. Et puis arrivent les événements, la guerre, l’heure des choix… qu’est-ce qui fait basculer un homme d’un côté ou d’un autre ? que faut-il faire, préserver son identité, se fondre dans la masse et se faire oublier, s’opposer ou tenter de créer des liens ?
La deuxième partie parlera de la vie en France, la terre qui a hébergé les réfugiés. Cela a été une découverte pour moi lorsque j’ai lu les conditions d’accueil, les réactions de ceux qui étaient là pour « aider » (appelez votre enfant Claude, ce sera plus facile et moins « connoté »…. ), le fait de découvrir la lecture dans un livre de bébé alors qu’on est grand…..
Dans la troisième partie, c’est Naïma, ici et maintenant. La jeune femme doit s’approprier le passé, le présent et l’avenir. Elle veut remonter à ses racines et en même temps, elle a peur de ce qu’elle va apprendre, comprendre….. Obtenir un visa et se sentir ni de là-bas, ni d’ici…. Elle travaille dans une galerie exposant des artistes et l’auteur nous donne à réfléchir sur le rôle de l’art et la légitimité des artistes….
C’est avec une écriture d’une infinie délicatesse qu’Alice Zeniter tisse à points comptés son récit. Elle ne juge pas, ne prend pas partir, elle offre, avec tendresse et doigté, une fresque de plusieurs générations qui ont vécu, souffert, aimé et toujours avancé ….
Cette lecture a été pour moi une merveilleuse parenthèse.
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Cassiopée- Admin
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Genre littéraire préféré : un peu tout
Date d'inscription : 17/04/2009
Re: [Zeniter, Alice] L'art de perdre
Il fait partie de mes projets de lecture (offert à ma fille aînée), vos avis, même s'il n'est pas un coup de coeur, me maintiennent sur ma lancée. Merci.
elea2020- Grand sage du forum
-
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Re: [Zeniter, Alice] L'art de perdre
L’on dit qu’en cas d’exil, la première génération n’est que déchirement, la seconde désir d’oubli et d’intégration, mais que la troisième brûle de renouer avec ses racines, en tout cas de retracer l’histoire familiale. C’est ce que semble confirmer Alice Zeniter, petite-fille de harkis, dans ce roman largement autobiographique. Naïma, jeune française d’origine kabyle, tente de reconstituer le passé de son grand-père Ali et de son père Hamid, dans ce qui s’avère une entreprise compliquée : le premier n’est en effet plus de ce monde, et le second n’est que silence obstiné lorsqu’il s’agit de son enfance algérienne et des circonstances qui ont mené les siens à tout quitter pour la France.
Des rudes mais paisibles montagnes kabyles à la relégation dans les cités de banlieue françaises, en passant par la guerre, ses impostures et ses trahisons, puis par les camps de transit où certains ont croupi jusqu’à quinze ans dans des conditions de vie épouvantables, c’est une fresque historique passionnante, en même temps qu’une saga familiale d’une émouvante authenticité, qui nous plonge dans la détresse des harkis - rejetés comme « traîtres » par l’Algérie, mal accueillis comme immigrés indésirables par la France - et dans le désarroi de leurs descendants, encore aujourd’hui ostracisés en même temps que l’ensemble des « Arabes » dans une société française en proie à des débats identitaires.
Face aux lacunes laissées béantes par les non-dits de son histoire familiale, l’auteur, alias Naïma, explore les recoins de l’Histoire officielle, mettant au jour des ombres et des complexités ignorées. Des sombres réalités de la colonisation à la guerre d’indépendance, des manipulations politiques aux terribles massacres perpétrés de part et d’autre, l’on se retrouve aux côtés de pauvres gens transformés, malgré eux et par d’aléatoires enchaînements de circonstances, en fétus balayés par des vents qui les dépassent, et qui les chassent bientôt, après les avoir écartelés entre des choix impossibles, vers une zone grise infernale, épicentre de toutes les hontes et humiliations.
Parias sans pays, les parents et grands-parents de Naïma auront préféré enfermer l’Algérie dans le double-fond secret d’une nouvelle existence malheureuse, se gardant d’en transmettre la moindre bribe. Sans cesse renvoyée à ses origines par le regard d’autrui, la très française Naïma se retrouve pourtant elle aussi dans un déstabilisant entre-deux qui la jette dans une quête identitaire. Et c’est une narration pleine de vie et d’émotions, peuplée de personnages attachants, creusés en profondeur, qui nous emporte, dans un grand souffle où se mêlent exactitude et romanesque, vers une fin ouverte sur une possible réconciliation avec soi, et, peut-être, entre les deux rives de la Méditerranée.
Un grand roman, porté par une belle écriture très picturale, sur l’art de perdre que, sur plusieurs générations, l’on apprend dans l’exil, et un coup de coeur équivalent à celui ressenti pour un autre récit d’une petite-fille de harkis : Le tailleur de Relizane d’Olivia Elkaim. (5/5)
Des rudes mais paisibles montagnes kabyles à la relégation dans les cités de banlieue françaises, en passant par la guerre, ses impostures et ses trahisons, puis par les camps de transit où certains ont croupi jusqu’à quinze ans dans des conditions de vie épouvantables, c’est une fresque historique passionnante, en même temps qu’une saga familiale d’une émouvante authenticité, qui nous plonge dans la détresse des harkis - rejetés comme « traîtres » par l’Algérie, mal accueillis comme immigrés indésirables par la France - et dans le désarroi de leurs descendants, encore aujourd’hui ostracisés en même temps que l’ensemble des « Arabes » dans une société française en proie à des débats identitaires.
Face aux lacunes laissées béantes par les non-dits de son histoire familiale, l’auteur, alias Naïma, explore les recoins de l’Histoire officielle, mettant au jour des ombres et des complexités ignorées. Des sombres réalités de la colonisation à la guerre d’indépendance, des manipulations politiques aux terribles massacres perpétrés de part et d’autre, l’on se retrouve aux côtés de pauvres gens transformés, malgré eux et par d’aléatoires enchaînements de circonstances, en fétus balayés par des vents qui les dépassent, et qui les chassent bientôt, après les avoir écartelés entre des choix impossibles, vers une zone grise infernale, épicentre de toutes les hontes et humiliations.
Parias sans pays, les parents et grands-parents de Naïma auront préféré enfermer l’Algérie dans le double-fond secret d’une nouvelle existence malheureuse, se gardant d’en transmettre la moindre bribe. Sans cesse renvoyée à ses origines par le regard d’autrui, la très française Naïma se retrouve pourtant elle aussi dans un déstabilisant entre-deux qui la jette dans une quête identitaire. Et c’est une narration pleine de vie et d’émotions, peuplée de personnages attachants, creusés en profondeur, qui nous emporte, dans un grand souffle où se mêlent exactitude et romanesque, vers une fin ouverte sur une possible réconciliation avec soi, et, peut-être, entre les deux rives de la Méditerranée.
Un grand roman, porté par une belle écriture très picturale, sur l’art de perdre que, sur plusieurs générations, l’on apprend dans l’exil, et un coup de coeur équivalent à celui ressenti pour un autre récit d’une petite-fille de harkis : Le tailleur de Relizane d’Olivia Elkaim. (5/5)
Re: [Zeniter, Alice] L'art de perdre
La vie d'une famille kabyle avant, pendant et après la guerre d'Algérie. Cela commence avec le grand-père Ali qui se doit en tant que patriarche, prendre des décisions qui ne lui semblent pas toujours adéquates. D'abord pour sa vie en Algérie puis pour celle en France. Puis nous continuons avec les décisions de son fils aîné Hamid. Là aussi cette guerre d'Algérie et ses conséquences décident en quelque sorte des choix d'Hamid. Puis enfin, la narratrice nous parle de Naïma, l'une des filles d'Hamid. Celle-ci tente de reconstituer l'histoire de sa famille.
Ce roman nous relate l'histoire des harkis, la difficulté de se retrouver entre deux nations et d'appartenir aux deux mais d'être également rejetés par elles.
Ce roman nous relate l'histoire des harkis, la difficulté de se retrouver entre deux nations et d'appartenir aux deux mais d'être également rejetés par elles.
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