[Rusesabagina, Paul] (avec la collaboration de Tom Zoellner) Un homme ordinaire
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Mon avis sur le livre
[Rusesabagina, Paul] (avec la collaboration de Tom Zoellner) Un homme ordinaire
Paul Rusesabagina (avec la collaboration de Tom Zoellner) Un homme ordinaire
Genre : autobiographie
Editeur Buchet-Castel
210 Pages
ISBN 978-2-283-02204-7
Quatrième de couverture :
L’auteur
Paul Rusesabagina a reçu, aux Etats-Unis, la Presidential Medal of Freedom, et le Freedom Award 2005 du National Civil Rights Museum. Il vit aujourd'hui en exil et a créé une fondation pour venir en aide aux enfants victimes du génocide. Tom Zoellner est journaliste. Il a été reporter pour le San Francisco Chronicle. Il vit à New York.
Mon avis
L’auteur dédie son témoignage « à toutes les victimes du génocide rwandais de 1994, à leurs veuves et à leurs orphelins, aux survivants. » Et ce témoignage est bouleversant puisque P. Rusesabaganina l’a vécu en se trouvant placé au coeur même de cette tragédie.
J’ai d’abord beaucoup aimé les très belles premières pages retraçant l’enfance africaine de l’auteur né en milieu rural dans une famille de paysans et fermiers modestes, humbles et sages qui cultivaient des rangées de sorgho et de bananiers sur des flancs de collines. Nous voici plongés au coeur d’un Rwanda géographique avec ses collines, ses pentes herbeuses, ses routes de fonds de vallées, ses rivières et ses millions de ruisseau, un pays d’Afrique centrale souvent qualifié de « Suisse de l’Afrique ». L’auteur évoque par ailleurs les traditions locales bien ancrées (ex : le rôle de son père intervenant dans un conseil de sages pour régler les conflits entre voisins).
Mais, dans cette première partie, voici ce qui touche à un essentiel :
L’auteur – lui même né d’un père hutu et d’une mère tutsi - montre aussi le rôle capital que la colonisation belge va jouer ensuite dans l’instrumentalisation de cette soi-disant division ethnique en en privilégiant une (celle des Tutsis) aux dépens de l’autre (celles des Hutus) : en somme, diviser pour régner.
Puis arrivent les pages décrivant la tragédie de 1994. L’auteur est alors devenu directeur de l’Hôtel des Mille Collines ; il est d’ailleurs très fier de ce statut obtenu à la suite d’une formation en Suisse, lui à l’origine simple fils de paysans africains. Il aime son métier, il dispose aussi de précieuses qualités de diplomate qui vont lui servir au plus haut point au moment de la tragédie.
Alors qu’à deux pas de son hôtel des Hutus qui connaissaient et fréquentaient leurs voisins Tutsis se mettent à massacrer ces derniers à l’appel d’une radio extrémiste locale et à la suite de l’assassinat du Président Habyarimana issu de l’ethnie hutue, n’écoutant que son courage, l’auteur décide à ses risques et périls d’héberger plusieurs centaines de réfugiés Tutsis et Hutus modérés au sein de son enceinte, lieu momentanément à l’abri des tueurs. Mais il lui faudra faire preuve de trésors de diplomatie pour négocier le maintien fragile de ce privilège avec des hauts gradés rwandais qu’il avait l’habitude de fréquenter et de recevoir dans son établissement avant le génocide. Intérieurement, il déteste ce que ces militaires sont en train de faire mais il flatte leur ego, il leur offre aussi des caisses de bière et le tour est joué : des centaines de vies d’hommes, de femmes et d’enfants traitée de « cafards » seront momentanément préservées dans des conditions matérielles extrêmement précaires, dans une hygiène désastreuse car l’hôtel n’est pas conçu pour héberger autant de personnes dans de telles conditions.
Pourtant, en bon directeur d’hôtel qu’il est, Paul Rusesabaganina s’occupe de tout pendant les trois mois du génocide : de la négociation sans cesse renouvelée avec ceux qui dirigent les tueurs jusqu’au ravitaillement en eau et en vivres de l’hôtel dans des conditions drastiques et effroyables.
Il sait qu’à tout moment, le fragile statut de son hôtel risque de ne plus être maintenu, que sa propre vie et celle des siens est en jeu à chaque instant.
D’ailleurs voici que les tueurs finissent par forcer les portes de l’hôtel et s’apprêtent à massacrer leurs occupants.
Qu’est-ce qui retiendra leurs machettes au tout dernier moment ?
Certes pas les forces de l’ONU décrites au coeur de cette tragédie par l’auteur comme le plus souvent impuissantes, inefficaces et commandées pour le moins de manière assez ambigüe ….
En refermant ce livre on ne peut manquer de s’interroger sur les incroyables travers de la nature humaine dans certaines circonstances et en fonction de certains conditionnements, ce que l’auteur ne manque pas de faire à de multiples reprises : en somme, comment ce voisin sympathique, cordial et bienveillant qui habite juste en face de chez vous, avec lequel vous partagiez des discussions, parfois des services, dont vous accompagniez les enfants à l’école ou qui accompagnait les vôtres, avec lequel vous partagiez toutes sortes de préoccupations et même de petits plaisirs conviviaux, comment ce voisin peut-il soudain se transformer en votre pire ennemi et venir vous découper haineusement à la machette ?
Cet ouvrage ne fait pas que nous narrer un tragique épisode historique de génocide : il nous invite aussi à une réflexion philosophique sur la nature humaine, une réflexion plus profonde qui le dépasse…
Ce en quoi il demeure très précieux.
Genre : autobiographie
Editeur Buchet-Castel
210 Pages
ISBN 978-2-283-02204-7
Quatrième de couverture :
Au printemps 1994, la folie s'emparait du Rwanda : quelque 800 000 Rwandais - des Tutsis et des Hutus modérés furent massacrés entre le 6 avril et le 4 juillet. Paul Rusesabagina était alors directeur de l'hôtel des Mille Collines à Kigali, où il a accueilli 1 268 réfugiés. Au péril de sa vie, cet " homme ordinaire " a affronté les tueurs, usant de ses multiples contacts, jouant tour à tour de la flatterie, de la rouerie et de la diplomatie. Il n'avait qu'une seule idée en tête gagner du temps pour sauver des vies, sans la moindre considération de personne, de sexe ou de race. Ce récit exceptionnel va bien au-delà du film " Hôtel Rwanda " qui s'est inspiré de cette histoire. Partant de sa propre expérience, Paul Rusesabagina met à jour le piège racial dans lequel le pays a été enfermé, et dénonce la dramatique passivité de la communauté internationale. Il relate l'horreur de ces cent jours terrifiants, sans jamais glisser dans le sensationnalisme, et explique pourquoi il n'a pas pu, par la suite, rester au Rwanda, comme il l'aurait souhaité. Son témoignage dit l'incroyable pouvoir des mots, jusqu'au plus profond de l'enfer : capables de semer la haine, ils sont aussi une arme pour l'espoir et la vie.
L’auteur
Paul Rusesabagina a reçu, aux Etats-Unis, la Presidential Medal of Freedom, et le Freedom Award 2005 du National Civil Rights Museum. Il vit aujourd'hui en exil et a créé une fondation pour venir en aide aux enfants victimes du génocide. Tom Zoellner est journaliste. Il a été reporter pour le San Francisco Chronicle. Il vit à New York.
Mon avis
L’auteur dédie son témoignage « à toutes les victimes du génocide rwandais de 1994, à leurs veuves et à leurs orphelins, aux survivants. » Et ce témoignage est bouleversant puisque P. Rusesabaganina l’a vécu en se trouvant placé au coeur même de cette tragédie.
J’ai d’abord beaucoup aimé les très belles premières pages retraçant l’enfance africaine de l’auteur né en milieu rural dans une famille de paysans et fermiers modestes, humbles et sages qui cultivaient des rangées de sorgho et de bananiers sur des flancs de collines. Nous voici plongés au coeur d’un Rwanda géographique avec ses collines, ses pentes herbeuses, ses routes de fonds de vallées, ses rivières et ses millions de ruisseau, un pays d’Afrique centrale souvent qualifié de « Suisse de l’Afrique ». L’auteur évoque par ailleurs les traditions locales bien ancrées (ex : le rôle de son père intervenant dans un conseil de sages pour régler les conflits entre voisins).
Mais, dans cette première partie, voici ce qui touche à un essentiel :
Alors, pourquoi cette tragédie ?« Tout le monde sait que le Rwanda moderne comprend deux groupes ethniques, les Hutus et les Tutsis, mais on ignore s’il s’agit de deux races vraiment différentes ou d’une simple distinction politique artificielle créée au cours d’une période historique relativement brève. Tout plaide en faveur de la seconde hypothèse : nous parlons la même langue – le beau kynyarwanda- nos religions sont les mêmes, les enfants jouent aux mêmes jeux, nous avons les mêmes traditions narratives, le même gouvernement et même, dans la plupart des cas, une apparence identique. Nous considérons notre pays vallonné comme une nation unifiée et nous flattons d’être de vaillants guerriers du mwami. Il n’y a jamais eu de patrie hutue ou tutsie. »
« Ce qui nous a divisés est une histoire inventée de toutes pièces. L’explication fausse – mais très courante – de nos origines veut que les Hutus représentent une branche itinérante de l’important groupe de langue bantoue qui occupe l’Afrique centrale depuis des milliers d’années. On dit qu’ils seraient arrivés au Rwanda depuis l’ouest. Les Tutsis, en revanche seraient les descendants de peuplades de plus haute taille vivant sur les plateaux éthiopiens près des sources du Nil bleu. Ils auraient envahi le Rwanda par le nord, il y a environ cinq cents ans et établi le gouvernement des mwamis.
Voici ce que raconte l’histoire. Mais elle n’est étayée par aucun preuve, et la plupart des spécialistes y voient une pure fiction. »
L’auteur – lui même né d’un père hutu et d’une mère tutsi - montre aussi le rôle capital que la colonisation belge va jouer ensuite dans l’instrumentalisation de cette soi-disant division ethnique en en privilégiant une (celle des Tutsis) aux dépens de l’autre (celles des Hutus) : en somme, diviser pour régner.
Puis arrivent les pages décrivant la tragédie de 1994. L’auteur est alors devenu directeur de l’Hôtel des Mille Collines ; il est d’ailleurs très fier de ce statut obtenu à la suite d’une formation en Suisse, lui à l’origine simple fils de paysans africains. Il aime son métier, il dispose aussi de précieuses qualités de diplomate qui vont lui servir au plus haut point au moment de la tragédie.
Alors qu’à deux pas de son hôtel des Hutus qui connaissaient et fréquentaient leurs voisins Tutsis se mettent à massacrer ces derniers à l’appel d’une radio extrémiste locale et à la suite de l’assassinat du Président Habyarimana issu de l’ethnie hutue, n’écoutant que son courage, l’auteur décide à ses risques et périls d’héberger plusieurs centaines de réfugiés Tutsis et Hutus modérés au sein de son enceinte, lieu momentanément à l’abri des tueurs. Mais il lui faudra faire preuve de trésors de diplomatie pour négocier le maintien fragile de ce privilège avec des hauts gradés rwandais qu’il avait l’habitude de fréquenter et de recevoir dans son établissement avant le génocide. Intérieurement, il déteste ce que ces militaires sont en train de faire mais il flatte leur ego, il leur offre aussi des caisses de bière et le tour est joué : des centaines de vies d’hommes, de femmes et d’enfants traitée de « cafards » seront momentanément préservées dans des conditions matérielles extrêmement précaires, dans une hygiène désastreuse car l’hôtel n’est pas conçu pour héberger autant de personnes dans de telles conditions.
Pourtant, en bon directeur d’hôtel qu’il est, Paul Rusesabaganina s’occupe de tout pendant les trois mois du génocide : de la négociation sans cesse renouvelée avec ceux qui dirigent les tueurs jusqu’au ravitaillement en eau et en vivres de l’hôtel dans des conditions drastiques et effroyables.
Il sait qu’à tout moment, le fragile statut de son hôtel risque de ne plus être maintenu, que sa propre vie et celle des siens est en jeu à chaque instant.
D’ailleurs voici que les tueurs finissent par forcer les portes de l’hôtel et s’apprêtent à massacrer leurs occupants.
Qu’est-ce qui retiendra leurs machettes au tout dernier moment ?
Certes pas les forces de l’ONU décrites au coeur de cette tragédie par l’auteur comme le plus souvent impuissantes, inefficaces et commandées pour le moins de manière assez ambigüe ….
En refermant ce livre on ne peut manquer de s’interroger sur les incroyables travers de la nature humaine dans certaines circonstances et en fonction de certains conditionnements, ce que l’auteur ne manque pas de faire à de multiples reprises : en somme, comment ce voisin sympathique, cordial et bienveillant qui habite juste en face de chez vous, avec lequel vous partagiez des discussions, parfois des services, dont vous accompagniez les enfants à l’école ou qui accompagnait les vôtres, avec lequel vous partagiez toutes sortes de préoccupations et même de petits plaisirs conviviaux, comment ce voisin peut-il soudain se transformer en votre pire ennemi et venir vous découper haineusement à la machette ?
Cet ouvrage ne fait pas que nous narrer un tragique épisode historique de génocide : il nous invite aussi à une réflexion philosophique sur la nature humaine, une réflexion plus profonde qui le dépasse…
Ce en quoi il demeure très précieux.
Dernière édition par Yann le Ven 21 Sep 2018 - 8:50, édité 7 fois (Raison : Correction du nom d'auteur.)
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