[Djebar, Assia] Nulle part dans la maison de mon père
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[Djebar, Assia] Nulle part dans la maison de mon père
Nulle part dans la maison de mon père
Assia Djebar
31/10/2007
418 pages
153 x 235 mm
Résumé de IVe page :
Après plusieurs fresques historiques évoquant l’Algérie, Assia Djebar, s’abandonnant à un flux de mémoire intimiste, nous donne son livre le plus personnel. Elle ressuscite avec émotion, lucidité et pudeur la trace d'une histoire individuelle dont l'ombre projetée n'est autre que celle de son peuple.
Grandissant entre deux mondes, entre un père instituteur et une mère majestueuse qui lui fait découvrir la magie des fêtes féminines, une fillette porte, en même temps qu’elle découvre le « monde des Autres » à travers sa passion des livres et les confidences d’une amie de pensionnat, un regard fasciné sur son époque : bals européens donnés sur la place du village, prolétaires indigènes guettant dans le noir…
Lorsque la famille s’installe à Alger, la mère se mue en citadine à l’allure européenne et l’adolescente entame une correspondance secrète. Une histoire d’amour s’esquisse. Dans Alger où la jeune fille ne cesse de circuler, après ses cours au grand lycée, elle s’enivre d’espace et de poésie. Un an avant une explosion qui secouera tout le pays, l'amorce de cette éducation sentimentale va-t-elle tourner court ?
Et la romancière de conclure : « Pourquoi ne pas te dire, dans un semblant de sérénité, une douce ou indifférente acceptation : ne serait-ce pas enfin le moment de tuer, même à petit feu, ces menues braises jamais éteintes ? Interrogation qui ne serait pas seulement la tienne, mais celle de toutes les femmes de là-bas, sur la rive sud de la Méditerranée… Pourquoi, mais pourquoi, je me retrouve, moi et toutes les autres : “nulle part dans la maison de mon père” ? »
Mon avis :
Après l'écriture de fiction, Assia Djebar l'Algérienne se penche sur son enfance, puis sur un moment clé de son adolescence. Elle interroge la mémoire, et son identité de jeune algérienne, fille d'un père instituteur algérien, qui enseigne aux élèves algériens, avec rigueur et sévérité, et d'une mère très belle, qui déambule voilée avec sa fille, dans les rues de Césarée, ville antique de la famille maternelle.
Assia Djebar, sans complaisance aucune, retrace les images, les lieux et les personnes de son enfance, et décrypte la relation du couple parental, le port du voile chez sa mère, et surtout, sa relation au père, et certaines blessures dont elle n'a pas guéri. Par exemple, son père a refusé qu'elle apprenne à faire du vélo, parce qu'elle allait montrer ses jambes. Il le lui a appris dans un éclat de colère, pour elle incompréhensible, alors qu'elle était sa petite princesse. Elle n'apprendra jamais par la suite.
L'écriture de l'auteure trace un passé somme toute agréable et languissant, dans les ambiances de hammam où elle se rend avec sa mère, de fêtes familiales, la vie des femmes confinées, leurs discussions, les affaires autour des mariages... On sent qu'autant la jeune Assia est loyale et bonne élève, autant elle a un fond libre, rebelle, presque sauvage, comme sa grand-mère paternelle, dont on lui a peu parlé.
Dans une seconde partie, Assia entame ses études de lycée à Blida, à l'internat, où elle vit assez solitaire, au milieu de jeunes filles européennes et de jeunes filles algériennes, en retrait, envieuses de la liberté des "autres", plus ou moins libres selon les familles. L'une par exemple doit arriver chaque matin voilée intégralement :les soeurs lui prêtent une salle pour se changer.
La jeune fille rentre chez elle tous les week-ends, mais se fait aussi des amies, autour des livres, elle découvre la littérature française, Alain-Fournier, Gide... Elle s'essaie un peu, à peine encore, à l'émancipation.
Ce n'est qu'à l'université, où ils déménagent en famille, que l'auteure va mûrir et acquérir plus de liberté : du reste, sa mère s'est totalement, avec l'accord du père, libérée du voile et européanisée. De fait, elle s'est épanouie dans cette vie citadine. Assia va poursuivre ses études à l'Université. Elle a accepté en dernière année de lycée de correspondre avec un jeune homme, Tariq, qui lui envoie les poèmes anciens, dans la langue arabe des origines, qui la fascine. Elle revoit le jeune homme, et fait avec lui de longues promenades sur le port. Mais un drame se noue autour de cette relation, drame sur lequel elle se taira, même pour elle-même, de longues années, avant d'approcher petit à petit le sujet, et de reconstituer ce moment.
J'ai eu tout d'abord un peu de mal à entrer dans ce livre, mais la beauté des évocations, des images, la complexité de la condition féminine, le lyrisme autour de son identité algérienne, m'ont subjuguée. C'est un maître-livre, qu'il faut apprivoiser, peut-être relire, pour un passage ou un autre (ce que je ne fais d'habitude jamais). C'est une prouesse courageuse d'aller affronter l'ambiguïté, l'ombre derrière la lumière crue de la baie d'Alger. C'est encore un chant, où l'auteure procède en cercles concentriques, en se posant à elle-même des questions lancinantes, pour approcher la vérité : il n'y aura plus pour elle de place, nulle part dans la maison de son père...
Extrait :
Depuis cette aube de 1953, est-ce dans l'une ou l'autre des villes de corsaires d'autrefois, est-ce vraiment dans cette immensité, ce coin d'enfance, là-bas, sur ce rivage où les ruines se dressent plus majestueuses, plus ensoleillées que les demeures des vivants - est-ce là-bas que je cherche, moi, inlassable, où se trouve la petite, l'obscure maison de mon père ? (page 386)
Assia Djebar
31/10/2007
418 pages
153 x 235 mm
Résumé de IVe page :
Après plusieurs fresques historiques évoquant l’Algérie, Assia Djebar, s’abandonnant à un flux de mémoire intimiste, nous donne son livre le plus personnel. Elle ressuscite avec émotion, lucidité et pudeur la trace d'une histoire individuelle dont l'ombre projetée n'est autre que celle de son peuple.
Grandissant entre deux mondes, entre un père instituteur et une mère majestueuse qui lui fait découvrir la magie des fêtes féminines, une fillette porte, en même temps qu’elle découvre le « monde des Autres » à travers sa passion des livres et les confidences d’une amie de pensionnat, un regard fasciné sur son époque : bals européens donnés sur la place du village, prolétaires indigènes guettant dans le noir…
Lorsque la famille s’installe à Alger, la mère se mue en citadine à l’allure européenne et l’adolescente entame une correspondance secrète. Une histoire d’amour s’esquisse. Dans Alger où la jeune fille ne cesse de circuler, après ses cours au grand lycée, elle s’enivre d’espace et de poésie. Un an avant une explosion qui secouera tout le pays, l'amorce de cette éducation sentimentale va-t-elle tourner court ?
Et la romancière de conclure : « Pourquoi ne pas te dire, dans un semblant de sérénité, une douce ou indifférente acceptation : ne serait-ce pas enfin le moment de tuer, même à petit feu, ces menues braises jamais éteintes ? Interrogation qui ne serait pas seulement la tienne, mais celle de toutes les femmes de là-bas, sur la rive sud de la Méditerranée… Pourquoi, mais pourquoi, je me retrouve, moi et toutes les autres : “nulle part dans la maison de mon père” ? »
Mon avis :
Après l'écriture de fiction, Assia Djebar l'Algérienne se penche sur son enfance, puis sur un moment clé de son adolescence. Elle interroge la mémoire, et son identité de jeune algérienne, fille d'un père instituteur algérien, qui enseigne aux élèves algériens, avec rigueur et sévérité, et d'une mère très belle, qui déambule voilée avec sa fille, dans les rues de Césarée, ville antique de la famille maternelle.
Assia Djebar, sans complaisance aucune, retrace les images, les lieux et les personnes de son enfance, et décrypte la relation du couple parental, le port du voile chez sa mère, et surtout, sa relation au père, et certaines blessures dont elle n'a pas guéri. Par exemple, son père a refusé qu'elle apprenne à faire du vélo, parce qu'elle allait montrer ses jambes. Il le lui a appris dans un éclat de colère, pour elle incompréhensible, alors qu'elle était sa petite princesse. Elle n'apprendra jamais par la suite.
L'écriture de l'auteure trace un passé somme toute agréable et languissant, dans les ambiances de hammam où elle se rend avec sa mère, de fêtes familiales, la vie des femmes confinées, leurs discussions, les affaires autour des mariages... On sent qu'autant la jeune Assia est loyale et bonne élève, autant elle a un fond libre, rebelle, presque sauvage, comme sa grand-mère paternelle, dont on lui a peu parlé.
Dans une seconde partie, Assia entame ses études de lycée à Blida, à l'internat, où elle vit assez solitaire, au milieu de jeunes filles européennes et de jeunes filles algériennes, en retrait, envieuses de la liberté des "autres", plus ou moins libres selon les familles. L'une par exemple doit arriver chaque matin voilée intégralement :les soeurs lui prêtent une salle pour se changer.
La jeune fille rentre chez elle tous les week-ends, mais se fait aussi des amies, autour des livres, elle découvre la littérature française, Alain-Fournier, Gide... Elle s'essaie un peu, à peine encore, à l'émancipation.
Ce n'est qu'à l'université, où ils déménagent en famille, que l'auteure va mûrir et acquérir plus de liberté : du reste, sa mère s'est totalement, avec l'accord du père, libérée du voile et européanisée. De fait, elle s'est épanouie dans cette vie citadine. Assia va poursuivre ses études à l'Université. Elle a accepté en dernière année de lycée de correspondre avec un jeune homme, Tariq, qui lui envoie les poèmes anciens, dans la langue arabe des origines, qui la fascine. Elle revoit le jeune homme, et fait avec lui de longues promenades sur le port. Mais un drame se noue autour de cette relation, drame sur lequel elle se taira, même pour elle-même, de longues années, avant d'approcher petit à petit le sujet, et de reconstituer ce moment.
J'ai eu tout d'abord un peu de mal à entrer dans ce livre, mais la beauté des évocations, des images, la complexité de la condition féminine, le lyrisme autour de son identité algérienne, m'ont subjuguée. C'est un maître-livre, qu'il faut apprivoiser, peut-être relire, pour un passage ou un autre (ce que je ne fais d'habitude jamais). C'est une prouesse courageuse d'aller affronter l'ambiguïté, l'ombre derrière la lumière crue de la baie d'Alger. C'est encore un chant, où l'auteure procède en cercles concentriques, en se posant à elle-même des questions lancinantes, pour approcher la vérité : il n'y aura plus pour elle de place, nulle part dans la maison de son père...
Extrait :
Depuis cette aube de 1953, est-ce dans l'une ou l'autre des villes de corsaires d'autrefois, est-ce vraiment dans cette immensité, ce coin d'enfance, là-bas, sur ce rivage où les ruines se dressent plus majestueuses, plus ensoleillées que les demeures des vivants - est-ce là-bas que je cherche, moi, inlassable, où se trouve la petite, l'obscure maison de mon père ? (page 386)
elea2020- Grand sage du forum
-
Nombre de messages : 5875
Age : 56
Localisation : 44
Emploi/loisirs : enseignante en reconversion
Genre littéraire préféré : dystopies et classiques, littérature russe
Date d'inscription : 02/01/2020
Re: [Djebar, Assia] Nulle part dans la maison de mon père
Belle chronique Elea qui donne l'envie de lire ce livre
lalyre- Grand sage du forum
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Nombre de messages : 9623
Age : 92
Localisation : Liège (Belgique )
Emploi/loisirs : jardinage,lecture
Genre littéraire préféré : un peu de tout,sauf fantasy et fantastique
Date d'inscription : 07/04/2010
Re: [Djebar, Assia] Nulle part dans la maison de mon père
Merci @Lalyre, c'est un livre dense et riche, d'une grande maîtrise dans la construction.
Il est sur ma PAL depuis longtemps, c'est mon parrain algérien qui me l'a offert.
Il est sur ma PAL depuis longtemps, c'est mon parrain algérien qui me l'a offert.
elea2020- Grand sage du forum
-
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Date d'inscription : 02/01/2020
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