[Cayre, Hannelore] Richesse oblige
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[Cayre, Hannelore] Richesse oblige
Titre : Richesse oblige
Auteur : Hannelore Cayre
Editeur : édition Métaillié
Nombre de pages : 224 pages
Présentation de l’éditeur :
Dans les petites communautés, il y en a toujours un par génération qui se fait remarquer par son goût pour le chaos. Pendant des années l’engeance historique de l’île où je suis née, celle que l’on montrait du doigt lorsqu’un truc prenait feu ou disparaissait, ça a été moi, Blanche de Rigny. C’est à mon grand-père que je dois un nom de famille aussi singulier, alors que les gens de chez moi, en allant toujours au plus près pour se marier, s’appellent quasiment tous pareil. Ça aurait dû m’interpeller, mais ça ne l’a pas fait, peut-être parce que notre famille paraissait aussi endémique que notre bruyère ou nos petits moutons noirs… Ça aurait dû pourtant…
Au XIXe siècle, les riches créaient des fortunes et achetaient même des pauvres afin de remplacer leurs fils pour qu’ils ne se fassent pas tuer à la guerre. Aujourd’hui, ils ont des petits-enfants encore plus riches, et, parfois, des descendants inconnus toujours aussi pauvres, mais qui pourraient légitimement hériter ! La famille de Blanche a poussé tel un petit rameau discret au pied d’un arbre généalogique particulièrement laid et invasif qui s’est nourri pendant un siècle et demi de mensonges, d’exploitation et de combines. Qu’arriverait-il si elle en élaguait toutes les branches pourries ?
Mon avis :
Je suis très en retard pour rédiger mon avis, parce que j’ai eu aussi beaucoup de mal à parvenir au bout de ma lecture. Pour quelles raisons ? J’ai eu du mal avec la double temporalité, j’ai nettement préféré l’époque contemporaine, et je peinais pour tout ce qui se déroulait en 1870. J’ai presque plaint Auguste – presque. Ce chétif idéaliste a tiré un mauvais numéro au service militaire, et sa famille cherche à lui acheter un remplaçant. J’ai l’impression d’avoir toujours connu cette pratique d’un autre âge, l’achat d’un pauvre pour remplacer un riche, même si je ne me souviens plus quand je l’ai appris – la mémoire familiale ne remonte pas jusque là. Pour Auguste, je maintiens le « presque » parce que sa volonté de changer la société ne va pas jusqu’à refuser la recherche assidue de ce remplaçant – les temps sont durs, les hommes sont chers en temps de guerre. Blanche, sa descendante au royal prénom, le juge sévèrement, et moi aussi, non parce que je suis influencée par le point de vue de Blanche, mais parce qu’Auguste ne veut pas se mélanger au peuple, qu’il méprise ainsi un peu – beaucoup. Il ne veut pas obéir à un chef non plus – il n’en a pas l’habitude. Il méprise un peu, aussi, Célestine, la promise de son remplaçant, Célestine qui mettra Blanche sur la voie de ses ancêtres, maîtresse-femme, croyante contrairement à Auguste, qui pensait avant tout à sa subsistance, à celle de son fils, plutôt qu’à changer la société.
Oui, le passage du temps est très marqué pendant ces années 1870, scandant les jours qui nous séparent de « son » dénouement. La partie contemporaine nous entraîne aussi dans le passé, grâce aux recherches de Blanche sur sa famille et grâce aux retours en arrière sur son propre passé : sa naissance, la mort de sa mère, son accident, sa rééducation, la conception de sa fille, l’absence d’amour de son père, sa rencontre avec Hildegarde, au prénom symbolique à mes yeux, leur travail de fourmi au palais de justice – encore des « petites mains » qui se voient confier des tâches ingrates, tout en permettant à ceux qui les emploient une bonne dose de bonne conscience.
Par son handicap, ses conditions de vie, Blanche est au coeur de l’actualité, elle est de ceux qui protestent et veulent aussi, de façon dérisoire « pouvoir acheter ». J’ai aimé aussi que l’on parle de l’association L214, par le biais de la très investie Hildegarde, du combat écologiste – moins important aux yeux de beaucoup que le fait de se nourrir, peu importe avec quoi et de quelle manière. Dans le même registre, j’ai aimé le passage sidérant sur le diésel africain et le cynisme de ceux (ils existent bien) qui pratiquent ce genre de trafic. En revanche, j’ai eu du mal avec les entourloupes de Blanche, qui tire partie de toutes les auto-entreprises actuelles – je reconnais néanmoins qu’elle ne fait qu’utiliser les failles du système, ce même système qui ne lui permet pas de vivre correctement.
J’en oubliais presque les de Rigny. Ils ont puants, presque pas un pour sauver l’autre, personne ne songe à sauver qui que ce soit, juste à s’enrichir et à profiter. J’ai mélangé chacun des personnages, n’en plaignant aucun, puisque tous ont bien profité de leurs avantages.
Richesse oblige est un livre qui nous parle de notre époque – et notre époque est assez désastreuse.
Auteur : Hannelore Cayre
Editeur : édition Métaillié
Nombre de pages : 224 pages
Présentation de l’éditeur :
Dans les petites communautés, il y en a toujours un par génération qui se fait remarquer par son goût pour le chaos. Pendant des années l’engeance historique de l’île où je suis née, celle que l’on montrait du doigt lorsqu’un truc prenait feu ou disparaissait, ça a été moi, Blanche de Rigny. C’est à mon grand-père que je dois un nom de famille aussi singulier, alors que les gens de chez moi, en allant toujours au plus près pour se marier, s’appellent quasiment tous pareil. Ça aurait dû m’interpeller, mais ça ne l’a pas fait, peut-être parce que notre famille paraissait aussi endémique que notre bruyère ou nos petits moutons noirs… Ça aurait dû pourtant…
Au XIXe siècle, les riches créaient des fortunes et achetaient même des pauvres afin de remplacer leurs fils pour qu’ils ne se fassent pas tuer à la guerre. Aujourd’hui, ils ont des petits-enfants encore plus riches, et, parfois, des descendants inconnus toujours aussi pauvres, mais qui pourraient légitimement hériter ! La famille de Blanche a poussé tel un petit rameau discret au pied d’un arbre généalogique particulièrement laid et invasif qui s’est nourri pendant un siècle et demi de mensonges, d’exploitation et de combines. Qu’arriverait-il si elle en élaguait toutes les branches pourries ?
Mon avis :
Je suis très en retard pour rédiger mon avis, parce que j’ai eu aussi beaucoup de mal à parvenir au bout de ma lecture. Pour quelles raisons ? J’ai eu du mal avec la double temporalité, j’ai nettement préféré l’époque contemporaine, et je peinais pour tout ce qui se déroulait en 1870. J’ai presque plaint Auguste – presque. Ce chétif idéaliste a tiré un mauvais numéro au service militaire, et sa famille cherche à lui acheter un remplaçant. J’ai l’impression d’avoir toujours connu cette pratique d’un autre âge, l’achat d’un pauvre pour remplacer un riche, même si je ne me souviens plus quand je l’ai appris – la mémoire familiale ne remonte pas jusque là. Pour Auguste, je maintiens le « presque » parce que sa volonté de changer la société ne va pas jusqu’à refuser la recherche assidue de ce remplaçant – les temps sont durs, les hommes sont chers en temps de guerre. Blanche, sa descendante au royal prénom, le juge sévèrement, et moi aussi, non parce que je suis influencée par le point de vue de Blanche, mais parce qu’Auguste ne veut pas se mélanger au peuple, qu’il méprise ainsi un peu – beaucoup. Il ne veut pas obéir à un chef non plus – il n’en a pas l’habitude. Il méprise un peu, aussi, Célestine, la promise de son remplaçant, Célestine qui mettra Blanche sur la voie de ses ancêtres, maîtresse-femme, croyante contrairement à Auguste, qui pensait avant tout à sa subsistance, à celle de son fils, plutôt qu’à changer la société.
Oui, le passage du temps est très marqué pendant ces années 1870, scandant les jours qui nous séparent de « son » dénouement. La partie contemporaine nous entraîne aussi dans le passé, grâce aux recherches de Blanche sur sa famille et grâce aux retours en arrière sur son propre passé : sa naissance, la mort de sa mère, son accident, sa rééducation, la conception de sa fille, l’absence d’amour de son père, sa rencontre avec Hildegarde, au prénom symbolique à mes yeux, leur travail de fourmi au palais de justice – encore des « petites mains » qui se voient confier des tâches ingrates, tout en permettant à ceux qui les emploient une bonne dose de bonne conscience.
Par son handicap, ses conditions de vie, Blanche est au coeur de l’actualité, elle est de ceux qui protestent et veulent aussi, de façon dérisoire « pouvoir acheter ». J’ai aimé aussi que l’on parle de l’association L214, par le biais de la très investie Hildegarde, du combat écologiste – moins important aux yeux de beaucoup que le fait de se nourrir, peu importe avec quoi et de quelle manière. Dans le même registre, j’ai aimé le passage sidérant sur le diésel africain et le cynisme de ceux (ils existent bien) qui pratiquent ce genre de trafic. En revanche, j’ai eu du mal avec les entourloupes de Blanche, qui tire partie de toutes les auto-entreprises actuelles – je reconnais néanmoins qu’elle ne fait qu’utiliser les failles du système, ce même système qui ne lui permet pas de vivre correctement.
J’en oubliais presque les de Rigny. Ils ont puants, presque pas un pour sauver l’autre, personne ne songe à sauver qui que ce soit, juste à s’enrichir et à profiter. J’ai mélangé chacun des personnages, n’en plaignant aucun, puisque tous ont bien profité de leurs avantages.
Richesse oblige est un livre qui nous parle de notre époque – et notre époque est assez désastreuse.
Sharon- Modérateur
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Nombre de messages : 13271
Age : 46
Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Cayre, Hannelore] Richesse oblige
Issue d’une branche pauvre et oubliée, poussée en 1870 sur l’arbre généalogique d’une riche et peu scrupuleuse famille d’industriels, la narratrice décide de donner un coup de pouce au destin pour se retrouver seule héritière.
Navigant constamment de 1870 à aujourd’hui dans un rapprochement assez noir entre la société inégalitaire du XIXe et les fractures sociales du XXIe siècle, le texte donne vie à des personnages forts qui ne font pas dans la demi-mesure, et bouscule le lecteur par l’impertinence pleine d’humour d’un texte au vitriol aux accents parfois anarchistes.
Le résultat est un mélange détonnant et parfois surprenant, menant du siège de Paris par les Prussiens en 1870 et des idéaux de la Commune, du tirage au sort des conscrits au XIXe siècle et de la pratique de l’achat de remplaçants militaires, à la communauté expérimentale d’Auroville en Inde, au méroxage en pleine mer et au déversement de déchets toxiques en Afrique, en passant par un certain matriarcat breton et par une critique politique de l’art contemporain. L’ensemble témoigne d’un désespoir à voir changer une société confrontée aux problèmes sociaux et environnementaux, mais figée dans un schéma où seul l’argent est roi.
Au-delà de ses thèses politiques qui ne pourront plaire à tout le monde, ce roman incisif et provocateur à l’humour ravageur témoigne des questionnements d’une société contemporaine confrontée à des défis majeurs, et qui aime de plus en plus souvent caresser l’idée d’un monde « d’après ». J’ai pris plaisir à le lire comme une vaste caricature de notre actualité. (4/5)
Navigant constamment de 1870 à aujourd’hui dans un rapprochement assez noir entre la société inégalitaire du XIXe et les fractures sociales du XXIe siècle, le texte donne vie à des personnages forts qui ne font pas dans la demi-mesure, et bouscule le lecteur par l’impertinence pleine d’humour d’un texte au vitriol aux accents parfois anarchistes.
Le résultat est un mélange détonnant et parfois surprenant, menant du siège de Paris par les Prussiens en 1870 et des idéaux de la Commune, du tirage au sort des conscrits au XIXe siècle et de la pratique de l’achat de remplaçants militaires, à la communauté expérimentale d’Auroville en Inde, au méroxage en pleine mer et au déversement de déchets toxiques en Afrique, en passant par un certain matriarcat breton et par une critique politique de l’art contemporain. L’ensemble témoigne d’un désespoir à voir changer une société confrontée aux problèmes sociaux et environnementaux, mais figée dans un schéma où seul l’argent est roi.
Au-delà de ses thèses politiques qui ne pourront plaire à tout le monde, ce roman incisif et provocateur à l’humour ravageur témoigne des questionnements d’une société contemporaine confrontée à des défis majeurs, et qui aime de plus en plus souvent caresser l’idée d’un monde « d’après ». J’ai pris plaisir à le lire comme une vaste caricature de notre actualité. (4/5)
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