[Whitehead, Colson] Nickel Boys
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marie do
Cannetille
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[Whitehead, Colson] Nickel Boys
Titre : Nickel Boys (The Nickel Boys)
Auteur : Colson WHITEHEAD
Traducteur : Charles RECOURSE
Parution : 2019 en anglais (américain), 2020 en français (Albin Michel)
Pages : 272
Présentation de l'éditeur :
Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.
Couronné en 2017 par le prix Pulitzer pour Underground Railroad puis en 2020 pour Nickel Boys, Colson Whitehead s’inscrit dans la lignée des rares romanciers distingués à deux reprises par cette prestigieuse récompense, à l’instar de William Faulkner et John Updike. S’inspirant de faits réels, il continue d’explorer l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique et donne avec ce nouveau roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d’innocents, victimes de l’injustice du fait de leur couleur de peau.
« Le roman de Colson Whitehead est une lecture nécessaire. Il détaille la façon dont les lois raciales ont anéanti des existences et montre que leurs effets se font sentir encore aujourd’hui. » Barack Obama
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Né à New York en 1969, Colson Whitehead est reconnu comme l’un des écrivains américains les plus talentueux et originaux de sa génération. Undergound Railroad, son premier roman publié aux éditions Albin Michel, a été élu meilleur roman de l’année par l’ensemble de la presse américaine, récompensé par le National Book Award 2016 et récemment distingué par la Médaille Carnegie, dans la catégorie «Fiction».
Avis :
Dans les années soixante, en pleine Amérique ségrégationniste, une erreur judiciaire vient stopper net les projets d’études universitaires du jeune Elwood Curtis, en l’envoyant dans une maison de redressement pour mineurs, la Nickel Academy. Derrière la respectable façade de cet établissement de Floride, ont lieu de tels sévices qu’ils ne cessent d’étendre le cimetière proche, tandis qu’une corruption généralisée s’élargit à la population alentour, ravie de profiter d’une main d’oeuvre gratuite et du détournement des vivres censés alimenter les enfants. Le sort des jeunes Noirs y est le pire de tous…
L’auteur s’est inspiré de la véritable Dozier School for Boys, en Floride, qui, pendant ses 111 ans de fonctionnement, malgré les inspections régulières, et jusqu’à sa fermeture en 2011 seulement, usa sur ses pensionnaires des châtiments corporels, du viol, de la torture et du meurtre pur et simple. La majorité des garçons s’y retrouvaient « pour des infractions sans gravité – des délits vagues, inexplicables. Certains étaient orphelins, pupilles d’un Etat qui n’avait pas d’autre endroit où les caser ». L’arbitraire touchait particulièrement les Noirs. A l’époque de ce récit, ne suffisait-il pas de rester sur le même trottoir qu’un Blanc pour se retrouver condamné au motif de « contact présomptueux » ?
Avec une lucidité calme, le texte raconte les vies noires américaines à jamais brisées, le terrible joug d’une soumission intégrée au fil des générations comme la seule stratégie de survie, et le dérisoire des croyances au changement cruellement mises en perspective au travers d’extraits des optimistes discours de Martin Luther King. Le magistral twist final plaide pour la nécessité d’abandonner toute illusion et d’oser dire non, trouvant d’ailleurs un très sonore écho dans les récentes explosions de colère aux Etats-Unis.
Ce roman qui vaut à Colson Whitehead son second prix Pulitzer, à l’instar d’un Faulkner ou d’un Updike, est un terrible coup de massue littéraire, une lecture essentielle pour comprendre l’effroyable héritage qui continue à meurtrir toute l’Amérique. Coup de coeur. (5/5)
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Mon deuxième coup de cœur pour cet auteur !
marie do- Grand sage du forum
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Genre littéraire préféré : Assez varié : thriller, roman historique, contemporain, bd .....
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Il faut maintenant que moi aussi je lise Underground Railroad...
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
C'est une interprétation personnelle et imaginaire du chemin de fer clandestin, on aime ou pasCannetille a écrit:Il faut maintenant que moi aussi je lise Underground Railroad...
marie do- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 01/03/2012
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Mon avis :
Pour ce livre, je commencerai la fin, par l’épilogue que j’ai lu deux fois, pour être sûre de moi, pour être sûre de l’impact ressenti, de l’émotion éprouvée. Je le dis souvent, pour les grincheux, ceux qui pinaillent et cherchent LE détail qui leur aura déplu : attachez vous plutôt à ce qui a été sublime dans une oeuvre, à ce qui a été bouleversant. Si une oeuvre contient des pages qui sortent de l’ordinaire, du moyen, et vous tire vers le haut, alors cette oeuvre a atteint son but.
Ce n’est pas que l’on oublie, c’est plutôt que l’on ne sait pas ou que l’on cache. Le roman débute quasiment dans le présent, et il nous renvoie à la Floride des années 60. La Floride, cet état qui fait rêver de nombreuses personnes, symboles d’une retraite dorée au soleil. La Floride, c’est aussi et surtout un état du Sud, où la Ségrégation existe bel et bien. Alors, être un adolescent noir, c’est tâcher de se faire une place dans la société, une place que la société vous refuse de toute façon – parce que vous êtes noir. Etre victime d’une erreur judiciaire est impossible – vous êtes noir, les erreurs judiciaires ne sont pas possibles.
Et vous êtes alors envoyés dans une maison de correction, un endroit où l’on fera de vous un homme honnête. Les méthodes ? Les mauvais traitements, les sévices, la torture, le viol. Le meurtre. Si ces méthodes n’ont jamais corrigé personne, elles réduisent au silence ceux que l’on estime « poser problèmes ». Parce qu’ils ont commis des délits mineurs. Parce qu’ils sont orphelins et parce que l’Etat ne sait pas quoi faire d’eux. Parce qu’ils sont noirs.
L’espoir ? Il s’en va, insidieusement, au fil des pages, et même ceux qui ont quitté Nickel ne le quitteront jamais tout à fait.
Nickel boys – une oeuvre forte, définitivement.
Pour ce livre, je commencerai la fin, par l’épilogue que j’ai lu deux fois, pour être sûre de moi, pour être sûre de l’impact ressenti, de l’émotion éprouvée. Je le dis souvent, pour les grincheux, ceux qui pinaillent et cherchent LE détail qui leur aura déplu : attachez vous plutôt à ce qui a été sublime dans une oeuvre, à ce qui a été bouleversant. Si une oeuvre contient des pages qui sortent de l’ordinaire, du moyen, et vous tire vers le haut, alors cette oeuvre a atteint son but.
Ce n’est pas que l’on oublie, c’est plutôt que l’on ne sait pas ou que l’on cache. Le roman débute quasiment dans le présent, et il nous renvoie à la Floride des années 60. La Floride, cet état qui fait rêver de nombreuses personnes, symboles d’une retraite dorée au soleil. La Floride, c’est aussi et surtout un état du Sud, où la Ségrégation existe bel et bien. Alors, être un adolescent noir, c’est tâcher de se faire une place dans la société, une place que la société vous refuse de toute façon – parce que vous êtes noir. Etre victime d’une erreur judiciaire est impossible – vous êtes noir, les erreurs judiciaires ne sont pas possibles.
Et vous êtes alors envoyés dans une maison de correction, un endroit où l’on fera de vous un homme honnête. Les méthodes ? Les mauvais traitements, les sévices, la torture, le viol. Le meurtre. Si ces méthodes n’ont jamais corrigé personne, elles réduisent au silence ceux que l’on estime « poser problèmes ». Parce qu’ils ont commis des délits mineurs. Parce qu’ils sont orphelins et parce que l’Etat ne sait pas quoi faire d’eux. Parce qu’ils sont noirs.
L’espoir ? Il s’en va, insidieusement, au fil des pages, et même ceux qui ont quitté Nickel ne le quitteront jamais tout à fait.
Nickel boys – une oeuvre forte, définitivement.
Sharon- Modérateur
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
J'avais eu un tel coup de coeur pour "underground railroad" que j'ai acheté "nickel boys" à sa sortie, mais je ne le commence que maintenant.
lilalys- Grand expert du forum
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Je viens de le finir Cannetille, coup de coeur 5/5. En refermant le livre, j'ai mis un petit moment à revenir à la réalité tellement la claque a été forte (accrue encore plus avec l'épilogue). Je n'ai lu que deux romans de Colson Whitehead mais vu qu'à chaque fois j'ai eu un coup de coeur, je suis bien tentée de tester les autres.
lilalys- Grand expert du forum
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Je suis bien contente que ce roman t'ait plu Lilalys. Moi aussi je lirai d'autres livres de cet auteur.
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Lu dans le cadre du challenge Partage Lecture 2021/2022
Moi aussi, j'ai aimé, moi aussi, je lirai Underground Railroad. Pourtant et je ne me l'explique pas, les mots de Colson Whitehead, bien que terribles, ne m'ont pas touchée autant que j'aurais pu le craindre. Peut-être parce que c'est une traduction, peut-être aussi l'auteur a-t-il cherché à épargner ses lecteurs en leur permettant de prendre du recul par rapport au récit. Il vise l'esprit, pas le coeur, ça fait moins mal. Jusqu'à la fin... qui est très émouvante.
N'empêche, j'ai vraiment beaucoup aimé cette lecture et j'ai voulu en savoir plus sur l'histoire vraie de cette école. La réalité est très proche du roman malheureusement, c'est affolant, et j'ai été beaucoup plus choquée par les articles de presse et les témoignages que j'ai lus que par la fiction. L'auteur reprend d'ailleurs presque mot pour mot certains témoignages, il se veut le porte parole de toutes ces victimes, je pense.
J'ai vu sur le net les photos des lieux maintenant désaffectés et surtout, la photo de deux victimes. C'est terrible à voir.
Pour vous,
une vue aérienne, on dirait une colonie de vacances :
les dortoirs, jusque là, ça va toujours :
ici, on peut commencer à se poser des questions :
le cimetière, ça c'est le cimetière officiel. Un cimetière d'enfants :
il a y aussi un cimetière clandestin, découvert suite à des fouilles archéologiques :
La maison blanche, vue de l'extérieur est bien assortie au look colonie de vacances :
à l'intérieur, c'est une autre histoire :
Et voilà, une "école" qui a accueilli des enfants de 5 à 18 ans pendant plus de cent ans. Je suis à la fois horrifiée et heureuse d'avoir découvert cette histoire. Merci à Canetille et Lilalys grâce à qui j'ai lu ce roman.
Moi aussi, j'ai aimé, moi aussi, je lirai Underground Railroad. Pourtant et je ne me l'explique pas, les mots de Colson Whitehead, bien que terribles, ne m'ont pas touchée autant que j'aurais pu le craindre. Peut-être parce que c'est une traduction, peut-être aussi l'auteur a-t-il cherché à épargner ses lecteurs en leur permettant de prendre du recul par rapport au récit. Il vise l'esprit, pas le coeur, ça fait moins mal. Jusqu'à la fin... qui est très émouvante.
N'empêche, j'ai vraiment beaucoup aimé cette lecture et j'ai voulu en savoir plus sur l'histoire vraie de cette école. La réalité est très proche du roman malheureusement, c'est affolant, et j'ai été beaucoup plus choquée par les articles de presse et les témoignages que j'ai lus que par la fiction. L'auteur reprend d'ailleurs presque mot pour mot certains témoignages, il se veut le porte parole de toutes ces victimes, je pense.
J'ai vu sur le net les photos des lieux maintenant désaffectés et surtout, la photo de deux victimes. C'est terrible à voir.
Pour vous,
une vue aérienne, on dirait une colonie de vacances :
les dortoirs, jusque là, ça va toujours :
ici, on peut commencer à se poser des questions :
le cimetière, ça c'est le cimetière officiel. Un cimetière d'enfants :
il a y aussi un cimetière clandestin, découvert suite à des fouilles archéologiques :
La maison blanche, vue de l'extérieur est bien assortie au look colonie de vacances :
à l'intérieur, c'est une autre histoire :
Et voilà, une "école" qui a accueilli des enfants de 5 à 18 ans pendant plus de cent ans. Je suis à la fois horrifiée et heureuse d'avoir découvert cette histoire. Merci à Canetille et Lilalys grâce à qui j'ai lu ce roman.
Pistou 117- Grand sage du forum
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Un établissement fermé il y a dix ans seulement... Et il y en a eu bien d'autres, au Canada également.
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Merci pour les photos Pistou. Le choc des images est à la hauteur du choc des mots... C'est effroyable que ce genre d'établissements aient pu perdurer aussi longtemps.
lilalys- Grand expert du forum
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Merci à vous trois pour ces avis, et merci @Pistou pour la recherche.
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
Cannetille a écrit:Un établissement fermé il y a dix ans seulement... Et il y en a eu bien d'autres, au Canada également.
En effet, au Canada, il y avait des établissements épouvantables pour les enfants dits "naturels". J'imagine que ça a existé partout... ça existe même probablement encore
Pistou 117- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 09/06/2010
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
J'ai mentionné le Canada, parce qu'on en a parlé récemment dans les media.
En France, il y a eu aussi de ces terribles endroits.
En France, il y a eu aussi de ces terribles endroits.
Re: [Whitehead, Colson] Nickel Boys
J'aurai fini par lire ce livre, quatre ans après sa sortie : mon avis sera peu original, car ce livre est formidablement écrit, il m'a transportée au fil des pages sans aucune difficulté, sinon à m'arrêter pour faire autre chose. C'est une lecture importante, qui prend d'autant plus un caractère nécessaire qu'il s'agit de faits réels, qui ont émergé tardivement, des décennies après qu'ils ont été commis. Nul doute pourtant que des victimes aient essayé de se faire entendre avant, peut-être même comme Elwood...
Elwood est un jeune garçon d'origine noire américaine, peu gâté par la vie : ses parents se sont enfuis, il a été élevé dans la pauvreté par sa grand-mère, qui fait le ménage dans un hôtel. Et pourtant... le garçonnet est brillant, doué pour apprendre, passionné par les mots, les discours, plus particulièrement par un disque qu'il écoute en boucle : les discours du révérend Martin Luther King, vibrants de dignité et d'amour universel. Elwood croit en la possibilité de changer ce monde qui sépare Blancs et Noirs, et condamne les seconds à s'effacer pour ne pas avoir d'ennuis avec les premiers.
Il y croit, et la marche de l'Amérique semble lui donner raison, à travers le combat pour les droits civiques. Il va pouvoir étudier à l'université - mais l'erreur judiciaire, terrifiante, se met en travers de son chemin, il est envoyé en maison de redressement, la "Nickel House", et va y apprendre l'envers d'un monde qui ne changera jamais.
Au nord de Nickel, dans la partie réservée aux Noirs, composée de trois bâtiments, la vie est dure et au-delà : on y mange peu, on y dort mal, on y est astreint à des tâches épuisantes, mais on n'y apprend rien. Ou plutôt, si la scolarité est bel et bien une porte désormais condamnée, les garçons y apprennent pour de bon la cruauté des surveillants, confinant au sadisme et à la prédation sexuelle. Les coups sont monnaie courante, toutefois Elwood peut compter sur un petit nombre d'amis, surtout Turner, l'impassible et désenchanté Turner, qui règle les problèmes dans le silence, parfois avec un joyeux sifflement.
Nous sommes loin en ces années 60 de la découverte des corps suppliciés dans le cimetière, l'officiel ou le secret, toutefois Elwood ne plie pas encore, et met activement en action certains des moyens connus de quitter Nickel : gagner des points sans se faire rien reprocher, s'évader, dénoncer. Il est vif, repère et note tout lors des sorties pour leurs travaux d'intérêt général. Il ne se peut pas que l'État reste indifférent à la situation des garçons de Nickel...
Une lecture instructive et passionnante, une plume élégante et acérée, un sens de l'ironie qui instaure une distance caustique et refuse la victimisation, mais rend possible l'empathie. Je n'ai éprouvé qu'une gêne légère à lire continuellement que les Blancs sont "soit cons, soit moins cons", que tous sont soit racistes décomplexés, soit gosses de riches qui se donnent bonne conscience ; bref, on l'aura deviné, le racisme est systémique, et les Noirs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Un discours peut-être original en 2020, mais qui me fatigue aujourd'hui, comme l'assentiment aux émeutes, la haine des policiers. Ainsi que, tant qu'on y est, cette façon qu'a l'auteur de penser le monde, encore aujourd'hui, en deux entités irrémédiablement distinctes, la communauté noire et la blanche. Et puis, quand un livre a été autant lu et a reçu plus de 400 critiques, je me demande s'il a vraiment besoin d'une lectrice de plus... Cela ne m'a pas empêchée de lire et d'accompagner Elwood dans sa quête, en souhaitant qu'il s'en sorte, mais avec un mauvais pressentiment. 4,5/5
Citations :
Ce n'était pas la première fois que les garçons évoquaient le cimetière clandestin, loin de là, mais, comme toujours quand il s'agissait de Nickel, personne ne les croyait tant qu'ils étaient les seuls à s'exprimer. (page 12)
À en croire la réclame, un bulletin de notes parfait, dûment tamponné par le professeur, donnait droit à une entrée gratuite. Elwood avait des A dans toutes les matières et conservait sa liasse de preuves pour le jour où Fun Town serait accessible à tous les enfants de Dieu, comme l'avait promis le révérend King. (page 21)
Les Noirs, eux, l'appelaient la Maison-Blanche parce que c'était son nom officiel ; il lui allait bien et il n'y avait rien à ajouter. La Maison-Blanche édictait la loi et tout le monde obéissait. (page 85)
Il allait devoir accorder sa confiance à un inconnu. C'était impossible, autant que d'aimer ceux qui veulent vous détruire, mais tel était le message du mouvement : avoir foi dans la droiture qui subsiste au fond de chaque cœur humain. (page 214)
L'exode des Blancs en sens inverse. Les enfants et petits-enfants de ceux qui avaient fui Manhattan des années plus tôt, fui les émeutes, la municipalité en faillite et les graffiti qui leur disaient "cassez-vous" de mille manières différentes. Il ne pouvait pas leur en vouloir, la ville était une décharge quand il était arrivé. Leur xénophobie, leur peur et leur découragement avaient financé sa nouvelle vie. (page 228)
Elwood est un jeune garçon d'origine noire américaine, peu gâté par la vie : ses parents se sont enfuis, il a été élevé dans la pauvreté par sa grand-mère, qui fait le ménage dans un hôtel. Et pourtant... le garçonnet est brillant, doué pour apprendre, passionné par les mots, les discours, plus particulièrement par un disque qu'il écoute en boucle : les discours du révérend Martin Luther King, vibrants de dignité et d'amour universel. Elwood croit en la possibilité de changer ce monde qui sépare Blancs et Noirs, et condamne les seconds à s'effacer pour ne pas avoir d'ennuis avec les premiers.
Il y croit, et la marche de l'Amérique semble lui donner raison, à travers le combat pour les droits civiques. Il va pouvoir étudier à l'université - mais l'erreur judiciaire, terrifiante, se met en travers de son chemin, il est envoyé en maison de redressement, la "Nickel House", et va y apprendre l'envers d'un monde qui ne changera jamais.
Au nord de Nickel, dans la partie réservée aux Noirs, composée de trois bâtiments, la vie est dure et au-delà : on y mange peu, on y dort mal, on y est astreint à des tâches épuisantes, mais on n'y apprend rien. Ou plutôt, si la scolarité est bel et bien une porte désormais condamnée, les garçons y apprennent pour de bon la cruauté des surveillants, confinant au sadisme et à la prédation sexuelle. Les coups sont monnaie courante, toutefois Elwood peut compter sur un petit nombre d'amis, surtout Turner, l'impassible et désenchanté Turner, qui règle les problèmes dans le silence, parfois avec un joyeux sifflement.
Nous sommes loin en ces années 60 de la découverte des corps suppliciés dans le cimetière, l'officiel ou le secret, toutefois Elwood ne plie pas encore, et met activement en action certains des moyens connus de quitter Nickel : gagner des points sans se faire rien reprocher, s'évader, dénoncer. Il est vif, repère et note tout lors des sorties pour leurs travaux d'intérêt général. Il ne se peut pas que l'État reste indifférent à la situation des garçons de Nickel...
Une lecture instructive et passionnante, une plume élégante et acérée, un sens de l'ironie qui instaure une distance caustique et refuse la victimisation, mais rend possible l'empathie. Je n'ai éprouvé qu'une gêne légère à lire continuellement que les Blancs sont "soit cons, soit moins cons", que tous sont soit racistes décomplexés, soit gosses de riches qui se donnent bonne conscience ; bref, on l'aura deviné, le racisme est systémique, et les Noirs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Un discours peut-être original en 2020, mais qui me fatigue aujourd'hui, comme l'assentiment aux émeutes, la haine des policiers. Ainsi que, tant qu'on y est, cette façon qu'a l'auteur de penser le monde, encore aujourd'hui, en deux entités irrémédiablement distinctes, la communauté noire et la blanche. Et puis, quand un livre a été autant lu et a reçu plus de 400 critiques, je me demande s'il a vraiment besoin d'une lectrice de plus... Cela ne m'a pas empêchée de lire et d'accompagner Elwood dans sa quête, en souhaitant qu'il s'en sorte, mais avec un mauvais pressentiment. 4,5/5
Citations :
Ce n'était pas la première fois que les garçons évoquaient le cimetière clandestin, loin de là, mais, comme toujours quand il s'agissait de Nickel, personne ne les croyait tant qu'ils étaient les seuls à s'exprimer. (page 12)
À en croire la réclame, un bulletin de notes parfait, dûment tamponné par le professeur, donnait droit à une entrée gratuite. Elwood avait des A dans toutes les matières et conservait sa liasse de preuves pour le jour où Fun Town serait accessible à tous les enfants de Dieu, comme l'avait promis le révérend King. (page 21)
Les Noirs, eux, l'appelaient la Maison-Blanche parce que c'était son nom officiel ; il lui allait bien et il n'y avait rien à ajouter. La Maison-Blanche édictait la loi et tout le monde obéissait. (page 85)
Il allait devoir accorder sa confiance à un inconnu. C'était impossible, autant que d'aimer ceux qui veulent vous détruire, mais tel était le message du mouvement : avoir foi dans la droiture qui subsiste au fond de chaque cœur humain. (page 214)
L'exode des Blancs en sens inverse. Les enfants et petits-enfants de ceux qui avaient fui Manhattan des années plus tôt, fui les émeutes, la municipalité en faillite et les graffiti qui leur disaient "cassez-vous" de mille manières différentes. Il ne pouvait pas leur en vouloir, la ville était une décharge quand il était arrivé. Leur xénophobie, leur peur et leur découragement avaient financé sa nouvelle vie. (page 228)
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