[Chaine, Pierre] Mémoires d'un rat
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[Chaine, Pierre] Mémoires d'un rat
Mémoires d'un rat
Suivi des Commentaires de Ferdinand, ancien rat des tranchées
Pierre Chaine
Collection Classiques et Contemporains
Magnard
150 pages
ISBN : 978-2-210-74348-9
Suivi des Commentaires de Ferdinand, ancien rat des tranchées
Pierre Chaine
Collection Classiques et Contemporains
Magnard
150 pages
ISBN : 978-2-210-74348-9
Résumé de couverture :
Si seulement Ferdinand avait écouté les sages conseils de son vieux maître rat, il aurait pu vivre sa vie de rongeur au côté de Ratine. Mais quand on naît dans l'abri d'un capitaine, on ne peut guère échapper à son destin ! Enrôlé malgré lui, le rat Ferdinand devient vite la mascotte du soldat Victor Juvenet, et se trouve entraîné avec lui dans la Grande Guerre, à vivre le quotidien dans les tranchées et les assauts à Verdun.
Mémoires d'un rat, écrit pendant la Première Guerre mondiale, est un récit plein de vivacité et d'esprit. Critique de la guerre, ce récit fait par un rat offre une vision humoristique et originale de la vie des poilus. L'attente au front, les décevantes permissions, la violence des combats sont observées avec recul et causticité par cet attachant rongeur dans un style particulièrement accessible.
Mon avis :
Mémoires d'un rat est un récit de guerre qui nécessite une base de connaissances sur les conditions de vie des Poilus pendant la Première Guerre Mondiale, dans les tranchées et au front - connaissances sur l'organisation de la vie militaire, l'alimentation, l'hygiène, les loisirs (si l'on peut dire), et surtout la censure et la propagande. C'est en tout cas un texte idéal pour le programme de Troisième, avec l'apport de l'histoire. Toutefois, mon intérêt pour ce roman va bien au-delà du document qu'il offre sur le quotidien et l'état d'esprit des soldats au front, car l'auteur y fait preuve d'une si féroce et réjouissante ironie que je me suis littéralement régalée de cette brève lecture.
Jugez plutôt : Ferdinand, le narrateur, se fait bêtement attraper par gourmandise, alors qu'il menait la vie de rat de tranchée la plus épanouissante qui soit. Il va devoir composer avec sa nouvelle situation de prisonnier, et vivre au milieu des soldats. Cependant, une solide amitié se noue avec son maître, Juvenet, amitié qui se renforce lorsqu'un gradé décrète que les rats sont d'une grande utilité pour prévenir d'une attaque aux gaz. On se doute que les Poilus ont quelque antagonisme avec les rongeurs, mais à présent c'est en véritable mascotte du régiment que Ferdinand fait honneur à son maître. Un changement s'opère : Ferdinand est touché par la fierté patriotique, et s'éloigne de plus en plus de sa condition initiale de rat.
Ferdinand connaîtra tous les secrets de la vie du Poilu, puisqu'il sera transporté dans sa petite caisse aussi bien au front, sous les obus (sauvant ainsi la vie de son maître et lui valant la croix de guerre), qu'à l'arrière dans les cuisines. Enfin, Juvenet et lui seront même de la partie lors de l'offensive de la Marne. De son oeil de rat, à la fois acteur et spectateur des tribulations des hommes, Ferdinand observe et nous livre ses réflexions sur les aléas de la vie de Poilu. C'est parfois très drôle, parfois d'une ironie grinçante, parfois même poignant, mais cela fait réfléchir, et l'on saisit vite l'universalité du propos. Le commentaire annonce un récit accessible, mais c'est bien plus que cela : il nous plonge littéralement au milieu des combats, ou de la vie ennuyeuse des soldats, toujours dans l'attente de commandements qui ne viennent pas, ou mieux, de la relève. Car chacun a une conscience aiguë d'une chance qui pourrait ne pas durer.
Il s'agit également d'une charge contre la vie à l'arrière, qui se déroule comme si de rien n'était, et lorsque le Poilu rentre pour une permission, certes on le fête, mais il est tenu de correspondre à l'image glorieuse qu'on veut se faire de la guerre, car avant tout, n'est-ce pas, il faut bien parader grâce à lui, et profiter un peu du lustre patriotique qu'il permet de se donner... à peu de frais. On ne peut s'empêcher de penser que le véritable retour, une fois démobilisé, sera difficile. C'est un constat amer, mais toujours humaniste auquel se livre l'auteur, qui a vraiment bien exploité la condition animale de son narrateur. Pour tout dire, je vois là un essentiel, et vais de ce pas le commander en version intégrale, car j'ai été déçue que cette édition scolaire ne propose que des extraits choisis, même si l'ensemble est arrangé avec cohérence.
Extraits :
"Par réaction après la crise que nous venions de traverser, il se produisit une détente morale qui nous fit omettre les plus élémentaires précautions. Nous goûtions sans arrière-pensée la joie de vivre et la douceur de la liberté."
"Mais Juvenet était un excellent tireur, sûr de son arme comme de lui-même et je l'ai toujours soupçonné d'avoir manqué le but exprès.
Cette manifestation de l'esprit offensif lui paraissait peu glorieuse. Il lui semblait que pour avoir le droit de tuer il fallait soi-même courir un risque équivalent.
En vain lui répétait-on que l'agression allemande nous avait mis une fois pour toutes en état de légitime défense, il ne pouvait s'empêcher d'appliquer à chaque cas en particulier les règles de l'honnêteté et de l'honneur."
"La guerre n'est pour l"historien qu'un synchronisme de mouvements et de dates ; pour les chefs elle représente un formidable labeur et pour le profane un intéressant spectacle. Mais pour le soldat qui combat dans le rang, la guerre n'est qu'un long tête-à-tête avec la mort."
"Mais ce sont là des réflexions qu'on ne peut dégager des faits qu'à tête reposée et seulement après qu'on est sorti de la fournaise. Lorsque tout gicle, tout pète, tout tremble autour de soi, on ne s'arrête pas à calculer le pourcentage de coups heureux, mais on guette de minute en minute, de seconde en seconde l'obus qui doit vous tomber dessus, bien qu'on sache cependant que celui-là on ne l'entendra pas."
"La grande différence entre les hommes et les rats, c'est que ces derniers ne se battent jamais que volontairement et par goût, tandis que je n'ai jamais rencontré aucun homme qui fît la guerre pour son plaisir. Chacun d'eux paraissait céder à la nécessité, aussi bien parmi les agresseurs que chez les autres. Il faut donc supposer que ceux qui veulent la guerre ne sont pas ceux qui la font. Le chef-d'oeuvre de l'organisation consiste alors par faire accomplir par la collectivité ce à quoi chacun de ses membres répugne le plus.
C'est pourquoi il est nécessaire qu'il y ait dans une nation une certaine masse d'individus qui soient dispensés d'exposer leur vie, afin qu'ils soient mieux excités à poursuivre la victoire par l'assurance d'en risquer seulement le profit. Ils gardent ainsi l'esprit libre pour suggérer les mesures les plus sanglantes et pour en exiger l'exécution. Trop près du danger, ils pourraient être enclin à moins d'énergie."
elea2020- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 02/01/2020
Re: [Chaine, Pierre] Mémoires d'un rat
Merci Elea pour ta critique
louloute- Grand sage du forum
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Emploi/loisirs : mère au foyer
Genre littéraire préféré : thriller, historique, policier
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