[Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
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louloute
Step
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[Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Quatrième de couverture
"La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s'étonna de l'autorité qui émanait d'une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l'obscurité. “ On dirait une enfant ”, pensa la première, “elle ressemble à une poupée”, songea la seconde.Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire."À travers l'histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d'une époque où l'on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s'expose et se vend, jusqu'au bonheur familial.
Mon avis
Lorsque j’ai ouvert ce livre parce qu’il est écrit par une de mes autrices préférées Delphine de Vigan, j’ai été vraiment époustouflée, lisant rarement les quatrièmes de couverture avant de commencer un livre je ne m’attendais pas à ça.
Deux femmes vont se faire face, très différentes Mélanie qui a grandi dans le culte de loft story et de toutes ces téléréalités que je connais très peu, et Clara femme flic qui après la disparition de Kimmy la fille de Mélanie va découvrir un monde qu’elle ne connaissait pas (moi non plus !!!) d’enfants lâchés dans un supermarché pour mettre dans le chariot de maman tout ce qui commence par un f par exemple sous l’oeil de la caméra, un bonheur rose bonbon en tenu de paillettes, de baskets de marques, de robes de princesse.
Tout cela retransmis sur une chaine familiale sur une plateforme en ligne, tout cela rétribué par des partenariats de toutes sortes, boissons, jouets, vêtements etc.. etc…
C’est un univers qu’on appelle « les influenceurs enfants » ils peuvent tourner toute la journée des petites vidéos d’une minute environ dans un univers idyllique, enfin le bonheur par la consommation et les cadences infernales car plus il y a d’abonnés ou de like et plus les marques et les plateformes rétribuent des parents bourreaux complètement inconscients du mal qu’ils font à leurs enfants.
Depuis juin 2020 c’est parait-il encadré juridiquement mais la loi est détournée.
D. de Vigan a surement voulu faire connaitre cette exploitation des enfants et ne serait-ce que pour cela ce livre vaut la peine d’être lu. Un livre coup de poing qui change du style habituel de D.de Vigan
Le style et le vocabulaire impeccables de l’autrice, le thème résolument actuel en font une lecture addictive qui se fond dans les actualités ou faits divers vite oubliés.
EXTRAIT : Toutes ces vidéos obéissent au même ressort dramaturgique: la satisfaction immédiate du désir!
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Tenir debout de Mélissa da Costa
Step- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Merci Step pour ta critique
louloute- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Merci pour cet avis qui me donne vraiment envie de le lire. Mazette ! Je ne croyais pas que c'était réel, je croyais que c'était une sorte d'anticipation dystopique...
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
La deuxième partie dont je n'ai pas parlé est une anticipation...elea2020 a écrit:Merci pour cet avis qui me donne vraiment envie de le lire. Mazette ! Je ne croyais pas que c'était réel, je croyais que c'était une sorte d'anticipation dystopique...
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Step- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Dans ce roman, j’ai appris qu’en France, certaines chaînes You Tube ou autres mettent en scène depuis des années des familles et des enfants qui sont suivis par des millions d’internautes, ce sont les enfants qui sont les vedettes de ces chaînes, dites familiales, animées et gérées par leurs parents qui filment leurs faits et gestes, ces enfants reçoivent des cadeaux dont ils font la publicité et cumulent plusieurs millions d’abonnés. Dans cette histoire qui est en réalité de société, que l’ont pourrait nommé criminelle, Delphine de Vigan nous fait suivre le parcours de deux enfants avec en toile de fond les conséquences des réseaux sociaux. Mais aussi le portrait de deux femmes, l’une s’appelle Mélanie, la maman addictive et harceleuse et Clara jeune policière qui participe aux recherches de la petite fille disparue. Ce roman inquiétant et palpitant m’incite à me poser des questions, Quel avenir est-il réservé à nos petits-enfants, quelle sera la société de demain ? Ai-je raison de m’inquiéter ? A chacun de voir…..4/5
lalyre- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Comme elle est étrange, Mélanie Claux avec ce désir d’être reconnue, « aimée ». Sans doute lié à son enfance et à ce sentiment de ne pas être aimée par sa mère, de sentir sa sœur parfaite et préférée. Alors elle essaie les « télés réalités » mais elle échoue.
Ce désir d’être exceptionnelle, reconnue et aimée elle va le découvrir avec les chaines You tube. Elle met en scène sa vie de mère, de mère parfaite, avec des enfants parfaits… elle filme, avec ne l’oublions pas la complicité et l’aide du père.
L’appât du gain n’est pas suffisant, au moins au début, pour expliquer les dérives de Mélanie. L’argent, c’est un plus. (Pas négligeable certes, mais la faute aux « Followers - Suiveurs ».
Elle est très atypique, Clara. Elle assume sa petite taille, et porte en elle la douloureuse perte de son père, puis de sa mère, sans aucun signe préventif. Restera-t-elle fille toute sa vie ? C’est une procédurière hors pair… exceptionnellement elle va travailler sur l’enlèvement de la petite Kimmy Diore.
On n’a pas attendu les réseaux sociaux pour faire des enfants stars, et chaque génération à ses modèles qui font rêver enfants et parents. Mais ces enfants choisis n’ont pas des vies de rêve !
Que deviennent-ils ?
Delphine de Vigan poursuit l’aventure jusqu’ aux années 2030.
Intéressant, glaçant… Une intrigue ayant pour but de mettre le doigt sur certaines dérives parentales, bien menée pour montrer les dérives sournoises et la maltraitance qui ne se dit pas !
Les lectures de Joëlle.
Ce désir d’être exceptionnelle, reconnue et aimée elle va le découvrir avec les chaines You tube. Elle met en scène sa vie de mère, de mère parfaite, avec des enfants parfaits… elle filme, avec ne l’oublions pas la complicité et l’aide du père.
L’appât du gain n’est pas suffisant, au moins au début, pour expliquer les dérives de Mélanie. L’argent, c’est un plus. (Pas négligeable certes, mais la faute aux « Followers - Suiveurs ».
Elle est très atypique, Clara. Elle assume sa petite taille, et porte en elle la douloureuse perte de son père, puis de sa mère, sans aucun signe préventif. Restera-t-elle fille toute sa vie ? C’est une procédurière hors pair… exceptionnellement elle va travailler sur l’enlèvement de la petite Kimmy Diore.
On n’a pas attendu les réseaux sociaux pour faire des enfants stars, et chaque génération à ses modèles qui font rêver enfants et parents. Mais ces enfants choisis n’ont pas des vies de rêve !
Que deviennent-ils ?
Delphine de Vigan poursuit l’aventure jusqu’ aux années 2030.
Intéressant, glaçant… Une intrigue ayant pour but de mettre le doigt sur certaines dérives parentales, bien menée pour montrer les dérives sournoises et la maltraitance qui ne se dit pas !
Les lectures de Joëlle.
joëlle- Modérateur
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Très intéressant vos avis encore. @Joëlle, tu attires de nouveau mon attention sur ce roman qui est maintenant dans ma PAL (je l'ai emprunté à ma mère). Je vais le lire en mars.
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Je suis en train de la lire, et après une recherche pour voir ce qu'était ce phénomène de chaînes d'enfants, j'ai découvert que la chaîne de Mélanie et de ses deux enfants existe vraiment... C'est affligeant !
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Mon avis :
J'ai du mal maintenant à donner mon avis sur des livres qui ont été beaucoup lus, j'ai l'impression de ne rien apporter de plus que ce qui a déjà été écrit, et je n'en vois pas l'utilité.
Pourtant, il est rare que je lise aussi vite un roman, même quand je l'apprécie : j'ai dévoré l'ensemble en deux jours, sans guère pouvoir m'arrêter, tant il me rappelait des faits connus (le début des émissions de téléréalité), tant il résonne avec l'époque et mes propres interrogations sur l'emprise du numérique, et surtout, la marchandisation croissante qui a pris le pas sur l'internet libre.
Le roman est conçu en deux parties : la première relate le contexte du travail de Mélanie Claux sur sa chaîne Youtube, autour de sa vie familiale avec ses deux enfants, Sammy et Kimmy, la disparition de la fillette de 6 ans lors d'une banale partie de cache-cache dans le parc d'une résidence sécurisée, et l'enquête qui s'ensuit, menée par Clara, officier de police judiciaire et procédurière de l'équipe Berger. Cette première partie m'a passionnée, et par l'évocation du milieu des Youtubeurs familiaux (auquel je ne m'intéressais pas, même si j'ai suivi un peu quelques chaînes Youtube et connais le principe), et par la mise en place de l'enquête, les stratégies, le déroulement... C'est relaté d'une manière réaliste et technique, je voyais le personnage de Clara un peu comme une Clarisse Starling, toute dévouée à son métier, mais non dépourvue de ses zones d'ombre. On se représente bien le métier de policier, sa difficulté, comme son utilité, malgré l'impression de ne jamais faire assez. Nous ne pouvons qu'être gagnés par le malaise et l'angoisse (j'avoue que je m'attendais au pire concernant cet enlèvement) devant ces enfants quasiment privés d'enfance, qu'on jurerait utilisés par leur mère pour gagner un statut rêvé, une importance narcissique dans la société.
La seconde partie se déroule en 2031 et évoque les suites de cette affaire, une fois que Sam et Kimmy sont jeunes adultes. Clara entrera de nouveau en action, mais ce n'est plus une "affaire", toutefois nous voyons les séquelles de cette histoire hors du commun, qui a défrayé la chronique. D'ailleurs, ce n'est plus hors du commun, puisque le numérique s'est développé, de nouvelles technologies ont vu le jour, des psychiatres se sont spécialisés dans les addictions liées aux réseaux sociaux...
Lire ce roman est une expérience qui engage, je ne suis pas sûre qu'on puisse la traverser sans se poser de questions sur le monde tel qu'il est, tel qu'il deviendra si nous laissons faire. Il m'a fait une forte impression, bien que j'aie un peu moins aimé la seconde partie - j'ai été également troublée par la reprise d'éléments réels comme Loftstory et les chaînes Youtube familiales, jusqu'au nom de Mélanie, ou encore la chaîne Le Chevalier du Net. Cette émergence du réel dans une fiction m'a un peu dérangée, j'aurais préféré que ce soit totalement fictif, ou que les deux parties soient liées à la même temporalité. C'est toutefois, je le répète, une forte expérience de lecture, et je ne peux qu'engager les lecteurs à découvrir ce roman, de même que je savais devoir passer par ce tunnel de réflexion, pour mieux voir notre monde à la sortie. Je vote "très apprécié" (4,5/5).
Citations :
L'arrivée de nouveaux supports accélèrerait bientôt le phénomène. Dorénavant, chacun existerait grâce à la multiplication exponentielle de ses propres traces, sous forme d'images ou de commentaires, traces dont on ne tarderait pas à découvrir qu'elles ne s'effaceraient pas. (Page 20)
Les appels au milieu de la nuit ou au petit matin, les repas interrompus, les jours fériés dilapidés dans le froid ou sous les néons de son bureau, les congés reportés, toute cette mythologie plus ou moins héroïque attachée à son métier, elle s'y était préparée et adaptée. Cependant, ce qu'elle n'avait pas imaginé et qui revêtait chaque jour une réalité très concrète, c'était l'état de tension auquel son corps, pendant toutes ces années, serait soumis. Même dans le sommeil, ses muscles, ses articulations restaient mobilisés. De fait, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, elle était capable, en un rien de temps, de sauter sur ses pieds, de s'habiller et de partir. (Page 66)
Mais limiter ses traces, réduire le halo qu'elle produit, effacer son sillage numérique sont des combats auxquels elle refuse de renoncer. (Page 276)
Si elle y réfléchit, elle ne tient pas tant que ça à cette vie penchée sur un écran, à dialoguer avec une intelligence artificielle, où on ne lui demande de relever la tête que pour obéir aux exigences de la reconnaissance faciale. (Page 321)
J'ai du mal maintenant à donner mon avis sur des livres qui ont été beaucoup lus, j'ai l'impression de ne rien apporter de plus que ce qui a déjà été écrit, et je n'en vois pas l'utilité.
Pourtant, il est rare que je lise aussi vite un roman, même quand je l'apprécie : j'ai dévoré l'ensemble en deux jours, sans guère pouvoir m'arrêter, tant il me rappelait des faits connus (le début des émissions de téléréalité), tant il résonne avec l'époque et mes propres interrogations sur l'emprise du numérique, et surtout, la marchandisation croissante qui a pris le pas sur l'internet libre.
Le roman est conçu en deux parties : la première relate le contexte du travail de Mélanie Claux sur sa chaîne Youtube, autour de sa vie familiale avec ses deux enfants, Sammy et Kimmy, la disparition de la fillette de 6 ans lors d'une banale partie de cache-cache dans le parc d'une résidence sécurisée, et l'enquête qui s'ensuit, menée par Clara, officier de police judiciaire et procédurière de l'équipe Berger. Cette première partie m'a passionnée, et par l'évocation du milieu des Youtubeurs familiaux (auquel je ne m'intéressais pas, même si j'ai suivi un peu quelques chaînes Youtube et connais le principe), et par la mise en place de l'enquête, les stratégies, le déroulement... C'est relaté d'une manière réaliste et technique, je voyais le personnage de Clara un peu comme une Clarisse Starling, toute dévouée à son métier, mais non dépourvue de ses zones d'ombre. On se représente bien le métier de policier, sa difficulté, comme son utilité, malgré l'impression de ne jamais faire assez. Nous ne pouvons qu'être gagnés par le malaise et l'angoisse (j'avoue que je m'attendais au pire concernant cet enlèvement) devant ces enfants quasiment privés d'enfance, qu'on jurerait utilisés par leur mère pour gagner un statut rêvé, une importance narcissique dans la société.
La seconde partie se déroule en 2031 et évoque les suites de cette affaire, une fois que Sam et Kimmy sont jeunes adultes. Clara entrera de nouveau en action, mais ce n'est plus une "affaire", toutefois nous voyons les séquelles de cette histoire hors du commun, qui a défrayé la chronique. D'ailleurs, ce n'est plus hors du commun, puisque le numérique s'est développé, de nouvelles technologies ont vu le jour, des psychiatres se sont spécialisés dans les addictions liées aux réseaux sociaux...
Lire ce roman est une expérience qui engage, je ne suis pas sûre qu'on puisse la traverser sans se poser de questions sur le monde tel qu'il est, tel qu'il deviendra si nous laissons faire. Il m'a fait une forte impression, bien que j'aie un peu moins aimé la seconde partie - j'ai été également troublée par la reprise d'éléments réels comme Loftstory et les chaînes Youtube familiales, jusqu'au nom de Mélanie, ou encore la chaîne Le Chevalier du Net. Cette émergence du réel dans une fiction m'a un peu dérangée, j'aurais préféré que ce soit totalement fictif, ou que les deux parties soient liées à la même temporalité. C'est toutefois, je le répète, une forte expérience de lecture, et je ne peux qu'engager les lecteurs à découvrir ce roman, de même que je savais devoir passer par ce tunnel de réflexion, pour mieux voir notre monde à la sortie. Je vote "très apprécié" (4,5/5).
Citations :
L'arrivée de nouveaux supports accélèrerait bientôt le phénomène. Dorénavant, chacun existerait grâce à la multiplication exponentielle de ses propres traces, sous forme d'images ou de commentaires, traces dont on ne tarderait pas à découvrir qu'elles ne s'effaceraient pas. (Page 20)
Les appels au milieu de la nuit ou au petit matin, les repas interrompus, les jours fériés dilapidés dans le froid ou sous les néons de son bureau, les congés reportés, toute cette mythologie plus ou moins héroïque attachée à son métier, elle s'y était préparée et adaptée. Cependant, ce qu'elle n'avait pas imaginé et qui revêtait chaque jour une réalité très concrète, c'était l'état de tension auquel son corps, pendant toutes ces années, serait soumis. Même dans le sommeil, ses muscles, ses articulations restaient mobilisés. De fait, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, elle était capable, en un rien de temps, de sauter sur ses pieds, de s'habiller et de partir. (Page 66)
Mais limiter ses traces, réduire le halo qu'elle produit, effacer son sillage numérique sont des combats auxquels elle refuse de renoncer. (Page 276)
Si elle y réfléchit, elle ne tient pas tant que ça à cette vie penchée sur un écran, à dialoguer avec une intelligence artificielle, où on ne lui demande de relever la tête que pour obéir aux exigences de la reconnaissance faciale. (Page 321)
elea2020- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 02/01/2020
Re: [Vigan, Delphine (de)] Les enfants sont rois
Mon avis :
Livre choc, livre coup de poing, livre qui devrait remettre les idées en place à certains, mais je serai juste : les personnes qui exhibent leurs enfants sur les réseaux sociaux ne seront pas ceux qui lisent ce livre. Ils n’ont pas le temps, il faut bien qu’ils montrent leur vie plutôt que de la vivre vraiment.
Le sujet de ce livre est tragiquement contemporain : l’addiction aux réseaux sociaux, et la surexposition dont peuvent être victimes les enfants, à leur corps défendant. Oui, il est des parents qui collent leurs enfants devant des écrans pour être tranquilles, parce qu’ils sont fatigués, parce qu’ils veulent, parfois, un peu de répit. ce sont des choses qui peuvent arriver. Il est des parents qui filment leurs enfants. Ce n’est pas très grave, j’ai moi-même vu des vidéos de ma petite-nièce. Oui, mais c’est toute la différence : les vidéos en question sont d’ordre privée, et plus tard, quand elle les reverra, cela lui rappellera de jolis moments de bonheur familial simple. Ici, ce n’est pas le cas. Mélanie Claux, épouse Diore (avec un -e, à son grand désappointement) met en scène ses deux enfants quasi quotidiennement, pour une chaine youtube. Tout au log du récit, sera décrite la typologie des différentes vidéos postées. Edifiant, même pour quelqu’un qui, comme moi, fréquente tout de même régulièrement les réseaux sociaux – pas si régulièrement que cela, finalement.
Ce qui fait la force de ce roman, c’est sa brutalité. Delphine de Vigan nous livre les faits, rien que les faits, et ne juge pas, elle laisse ses lecteurs se faire leur opinion eux-mêmes avec ce qui est raconté, et avec l’après, le devenir de ses enfants dont l’enfance a été livré à des milliers, des millions d’internautes que ce soit pour un instant (les fameuses « story ») ou pour l’éternité : rien ne se perd jamais sur internet.
J’en viendrai presque à oublier le point de départ du roman, l’enlèvement de Kimmy, la fille de Mélanie, la vedette de sa chaine Youtube. J’ai pensé à tous ses enfants qui avaient été enlevés, et jamais retrouvés, ou alors si, mais avec quelles séquelles. J’ai pensé (saut du coq à l’âne) à l’enlèvement de Mélodie, la fille de Kiméra, dans les années 80 (sans doute à cause du jeu des sonorités). L’enquête policière est menée par Clara, qui est l’antithèse de Mélanie. Elle est toute entière dévouée à son travail, elle n’expose pas sa vie sur les réseaux sociaux, qu’elle connaît à peine. Elle tend non pas à l’effacement, mais à l’épure – laisser le moins de trace possible derrière soi. Elle n’est pas mariée, n’a pas d’enfants, et n’est pas carriériste non plus : elle donne le meilleur d’elle-même pour son métier, sans chercher une promotion, elle aime ce qu’elle fait, point. Et quand le roman se prolonge dix ans plus tard, nous ne sommes pas vraiment dans une dystopie, nous sommes presque, déjà, dans ce monde qui nous est décrit, dans lequel le numérique a entraîné de nouvelles pathologies, qu’il faut soigner, et qu’il n’aurait pas été nécessaire de soigner si…. Je me demande si je dois compléter la phrase, parce qu’elle peut se terminer de plusieurs manières. Si les parents avaient joué leur rôle ? S’ils n’avaient eu, comme Mélanie Claux, le désir d’être aimé, non par leurs proches, mais par le plus grand nombre ? L’image qui est donné de soi est très importante pour Mélanie, on le voit avant même qu’elle ouvre sa chaine Youtube. Sa vie, c’était le virtuel, elle qui passait ses journées sur les réseaux, elle qui veillait à toujours dire d’elle ce qui donnait une bonne image d’elle. Elle, elle, toujours elle. Même parler au sujet d’une fin de grosses difficile lui était impossible puisque cela ternissait l’image de bonne mère qu’elle voulait donner. Et si cela vous paraît insensé, allez jeter un coup d’oeil sur les comptes insta dédiées à la maternité ou à l’allaitement. Il est heureusement des femmes qui osent dire ce qu’elles ressentent, ce qu’elles vivent réellement et disent bien qu’il est important de parler, de ne pas s’isoler. Je m’écarte presque du sujet du livre, du sujet d’écrire une chronique sur un livre, pourtant, il offre matière à maints débats, tant le virtuel envahit nos vies peu à peu.
Un livre que l’on referme sans savoir si l’on doit être subjugué par la solidité de la construction de ce récit, ou fortement inquiet par toutes les conséquences à venir pour nous de ce monde dans lequel nous vivons déjà.
Livre choc, livre coup de poing, livre qui devrait remettre les idées en place à certains, mais je serai juste : les personnes qui exhibent leurs enfants sur les réseaux sociaux ne seront pas ceux qui lisent ce livre. Ils n’ont pas le temps, il faut bien qu’ils montrent leur vie plutôt que de la vivre vraiment.
Le sujet de ce livre est tragiquement contemporain : l’addiction aux réseaux sociaux, et la surexposition dont peuvent être victimes les enfants, à leur corps défendant. Oui, il est des parents qui collent leurs enfants devant des écrans pour être tranquilles, parce qu’ils sont fatigués, parce qu’ils veulent, parfois, un peu de répit. ce sont des choses qui peuvent arriver. Il est des parents qui filment leurs enfants. Ce n’est pas très grave, j’ai moi-même vu des vidéos de ma petite-nièce. Oui, mais c’est toute la différence : les vidéos en question sont d’ordre privée, et plus tard, quand elle les reverra, cela lui rappellera de jolis moments de bonheur familial simple. Ici, ce n’est pas le cas. Mélanie Claux, épouse Diore (avec un -e, à son grand désappointement) met en scène ses deux enfants quasi quotidiennement, pour une chaine youtube. Tout au log du récit, sera décrite la typologie des différentes vidéos postées. Edifiant, même pour quelqu’un qui, comme moi, fréquente tout de même régulièrement les réseaux sociaux – pas si régulièrement que cela, finalement.
Ce qui fait la force de ce roman, c’est sa brutalité. Delphine de Vigan nous livre les faits, rien que les faits, et ne juge pas, elle laisse ses lecteurs se faire leur opinion eux-mêmes avec ce qui est raconté, et avec l’après, le devenir de ses enfants dont l’enfance a été livré à des milliers, des millions d’internautes que ce soit pour un instant (les fameuses « story ») ou pour l’éternité : rien ne se perd jamais sur internet.
J’en viendrai presque à oublier le point de départ du roman, l’enlèvement de Kimmy, la fille de Mélanie, la vedette de sa chaine Youtube. J’ai pensé à tous ses enfants qui avaient été enlevés, et jamais retrouvés, ou alors si, mais avec quelles séquelles. J’ai pensé (saut du coq à l’âne) à l’enlèvement de Mélodie, la fille de Kiméra, dans les années 80 (sans doute à cause du jeu des sonorités). L’enquête policière est menée par Clara, qui est l’antithèse de Mélanie. Elle est toute entière dévouée à son travail, elle n’expose pas sa vie sur les réseaux sociaux, qu’elle connaît à peine. Elle tend non pas à l’effacement, mais à l’épure – laisser le moins de trace possible derrière soi. Elle n’est pas mariée, n’a pas d’enfants, et n’est pas carriériste non plus : elle donne le meilleur d’elle-même pour son métier, sans chercher une promotion, elle aime ce qu’elle fait, point. Et quand le roman se prolonge dix ans plus tard, nous ne sommes pas vraiment dans une dystopie, nous sommes presque, déjà, dans ce monde qui nous est décrit, dans lequel le numérique a entraîné de nouvelles pathologies, qu’il faut soigner, et qu’il n’aurait pas été nécessaire de soigner si…. Je me demande si je dois compléter la phrase, parce qu’elle peut se terminer de plusieurs manières. Si les parents avaient joué leur rôle ? S’ils n’avaient eu, comme Mélanie Claux, le désir d’être aimé, non par leurs proches, mais par le plus grand nombre ? L’image qui est donné de soi est très importante pour Mélanie, on le voit avant même qu’elle ouvre sa chaine Youtube. Sa vie, c’était le virtuel, elle qui passait ses journées sur les réseaux, elle qui veillait à toujours dire d’elle ce qui donnait une bonne image d’elle. Elle, elle, toujours elle. Même parler au sujet d’une fin de grosses difficile lui était impossible puisque cela ternissait l’image de bonne mère qu’elle voulait donner. Et si cela vous paraît insensé, allez jeter un coup d’oeil sur les comptes insta dédiées à la maternité ou à l’allaitement. Il est heureusement des femmes qui osent dire ce qu’elles ressentent, ce qu’elles vivent réellement et disent bien qu’il est important de parler, de ne pas s’isoler. Je m’écarte presque du sujet du livre, du sujet d’écrire une chronique sur un livre, pourtant, il offre matière à maints débats, tant le virtuel envahit nos vies peu à peu.
Un livre que l’on referme sans savoir si l’on doit être subjugué par la solidité de la construction de ce récit, ou fortement inquiet par toutes les conséquences à venir pour nous de ce monde dans lequel nous vivons déjà.
Sharon- Modérateur
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