[Sorman, Joy] A la folie
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[Sorman, Joy] A la folie
- A la folie de Joy Sorman
- Editions Flammarion
- Epoque contemporaine, 288 pages
- Date de parution : 3 février 2021
- Editions Flammarion
- Epoque contemporaine, 288 pages
- Date de parution : 3 février 2021
Quatrième de couverture :
« Ce jour-là j’ai compris ce qui me troublait. Peut-être moins le spectacle de la douleur, de la déraison, du dénuement, que cette lutte qui ne s’éteint jamais, au bout d’un an comme de vingt, en dépit des traitements qui érodent la volonté et du sens de la défaite, ça ne meurt jamais, c’est la vie qui insiste, dont on ne vient jamais à bout malgré la chambre d’isolement et les injections à haute dose. Tous refusent, contestent, récusent, aucune folie ne les éloigne définitivement de cet élan-là. »
Durant toute une année, Joy Sorman s’est rendue au pavillon 4B d’un hôpital psychiatrique et y a recueilli les paroles de ceux que l’on dit fous et de leurs soignants. De ces hommes et de ces femmes aux existences abîmées, l’auteure a fait un livre dont Franck, Maria, Catherine, Youcef, Barnabé et Robert sont les inoubliables personnages. À la folie est le roman de leur vie enfermée.
Mon avis :
J’ai découvert ce livre complètement par hasard, lors d’une interview télévisée de l’autrice. Et j’ai eu de suite envie de me le procurer car je trouvais le sujet intéressant : relater un an de vie d’un secteur (le pavillon 4B dans l’œuvre mais deux unités psychiatriques dans la vraie vie) d’un hôpital psychiatrique, tout en ayant un point de vue extérieur et neutre puisque Joy Sorman n’est ni médecin ni journaliste. Et ce n’est pas juste une description car on se retrouve face à des problématiques à certains moments de la lecture. L’autrice les évoque, parfois elle amorce une réponse, parfois elle laisse l’interrogation perdurer.
Donc, dans ce livre, elle va décrire au fur et à mesure les différents patients qui séjournent dans ce pavillon, nous expliquant leur pathologie, leurs symptômes, leur parcours de vie, leurs relations à autrui, leur traitement, leurs opinions quant à leur état. On est étonné de voir que nombreux de ces malades sont la conséquence d’un facteur génétique (souvent) mais aussi et surtout d’un facteur émotionnel (familial ou sociétal), d’un événement difficile qui va faire émerger complètement la maladie. Ce serait les troubles actuels de la société qui accentueraient les maladies mentales aujourd’hui. Il y a d’ailleurs toute une partie sur cette interrogation quant à la responsabilité de notre société actuelle, sur nos présidents…Est-ce qu’on ne demande pas trop à la médecine psy de s’occuper de patients qui ne sont absolument pas atteints par de telles pathologies mais qui sont plutôt happés par le gouffre de la misère et de l’angoisse provoquée par la rentabilité au travail par exemple, par le manque d’argent, par la promiscuité et dont on ne sait que faire ?
L’écriture est parfois dure, les situations étouffantes, nous sommes les témoins de crises, de cette atmosphère si particulière, pesante, baignée d’un silence spécial dû aux neuroleptiques ; je n’imaginais pas à quel point certaines maladies mentales pouvaient faire souffrir car comme le stipule si bien Joy Sorman, les « fous » ont des moments de lucidité… et ne sont pas dupes des solutions médicales insuffisantes et peu bienveillantes qui leur sont proposées.
L’autrice parvient à dégager autant la douceur que la souffrance de leurs conditions. Elle nous présente certains soignants vraiment à l’écoute des patients et bienveillants malgré les conditions de plus en plus difficiles dans lesquelles ils évoluent. Et d’autres, plus blasés, qui ont oublié toute une partie de leur travail telle que la parole, l’échange, la communication, et qui fonctionnent en mode robot. Joy Sorman parvient même à mettre de l’humour dans ce livre, elle arrive à nous faire sourire par une phrase émanant d’un des malades ou une situation cocasse. Le lecteur passe par différents sentiments au fur et à mesure qu’il avance dans l’histoire, avec parfois de puissants ressentis.
Nous suivons donc ce service du côté des patients mais aussi du côté des soignants. C’est ce qui est intéressant car cela nous permet de mieux appréhender les choses. Nous n’avons pas qu’une vision unique de proposée.
Les soignants (ASH, aide-soignant, infirmier…) qui sont là depuis des décennies font une comparaison avec l’époque ancienne, avant que l’hôpital ne soit davantage géré comme une entreprise (le manque d’empathie, la réduction des lits, la médicalisation à outrance par manque de personnel car réduction de budget…). On y constate les résultats négatifs de cette gestion où la traçabilité informatique a pris le pas sur le bien-être et la relation au patient.
Une autre comparaison est faite également entre les soins d’avant et ceux actuellement proposés. On se retrouve face à des questionnements, on entrevoit la complexité de la situation (par exemple, est-ce que les sorties programmées pour le groupe et les nombreuses activités proposées avant étaient réellement plus satisfaisantes ?? Pas certain puisque les malades se sentaient alors comme chez eux et ne voulaient plus sortir de l’hôpital, dans lequel ils étaient moins angoissés. Mais en même temps, ce manque d’activités aujourd’hui rend les malades complètement réduits au silence, à l’attente… alors que faire ?).
Elle finit en se demandant quel sens donné à la guérison et si l’hôpital psychiatrique de demain sera celui qu’on laisse entrapercevoir, c’est-à-dire un hôpital sans médecin, avec encore plus de chimie…
Pour conclure, j’ai trouvé ce livre vraiment intéressant même s’il y a quelques longueurs (on se retrouve parfois avec des cas semblables et un peu redondants), mais je pense que le lecteur doit déjà être intéressé par le sujet sinon je ne suis pas sure qu’il aille jusqu’au bout (même si l’autrice avait expliqué durant l’interview qu’elle s’était laissée quelques libertés de retranscription pour que le livre soit plus agréable à lire).
Quelques citations :
« Ici on réfléchit toute la journée, on n’a rien d’autre à foutre, mais ça ne rend pas intelligent car pour être intelligent, il faut agir », dit Maria, une patiente.
« A l’hôpital psychiatrique, chaque parole prononcée a des conséquences, réconfortantes ou délétères, sans qu’on puisse toujours les mesurer, sans qu’on puisse toujours juger si les mots apaisent ou déchirent. »
« On dit que Pinel libère les fous, inventant l’orthopédie mentale, considérant que le dément est moins un malade à soigner qu’une victime des affres de la société ».
« Se soumettre c’est déjà guérir, c’est tout ce qu’on vous demande. »
Selon une soignante, « il s’agit non seulement de régler tous les problèmes de la société mais de le faire à coups de pilules et de solutions buvables. Il s’agit finalement de psychiatriser toute résistance, toute plainte, toute déviance, de médicaliser les conséquences destructrices de nos conditions de vie, les questions existentielles les plus fondamentales, quand elles devraient être traitées économiquement, socialement, politiquement. »
lilalys- Grand expert du forum
-
Nombre de messages : 1137
Localisation : France
Date d'inscription : 11/10/2018
Re: [Sorman, Joy] A la folie
J'ai vu je crois deux interviews de Joy Sorman au sujet de ce livre et j'ai chaque fois été impressionnée...
Elle a eu un grand courage de faire ce livre... pourtant il fallait bien que quelqu'un le fasse. J'espère que de nombreux médecins et psychiatres le liront car je pense qu'il y a beaucoup de choses à en tirer.
Vu ses propos lors des interviews, elle a fait un gros travail et posé les bonnes questions...
Être un an en immersion dans une clinique psychiatrique, ça ne doit pas être marrant... elle a dû en sortir psychologiquement impactée....
Je n'ai pas lu ce livre (trop lourd pour moi... suis trop fragile)
- Lilalys, tu as fait une super critique !
Elle a eu un grand courage de faire ce livre... pourtant il fallait bien que quelqu'un le fasse. J'espère que de nombreux médecins et psychiatres le liront car je pense qu'il y a beaucoup de choses à en tirer.
Vu ses propos lors des interviews, elle a fait un gros travail et posé les bonnes questions...
Être un an en immersion dans une clinique psychiatrique, ça ne doit pas être marrant... elle a dû en sortir psychologiquement impactée....
Je n'ai pas lu ce livre (trop lourd pour moi... suis trop fragile)
- Lilalys, tu as fait une super critique !
DameLecture- Membre connaisseur
-
Nombre de messages : 341
Localisation : france
Date d'inscription : 12/06/2021
Re: [Sorman, Joy] A la folie
Je te remercie beaucoup DameLecture.
C'est exactement ce que j'ai ressenti lorsque je l'ai entendue en interview.
C'est exactement ce que j'ai ressenti lorsque je l'ai entendue en interview.
lilalys- Grand expert du forum
-
Nombre de messages : 1137
Localisation : France
Date d'inscription : 11/10/2018
Re: [Sorman, Joy] A la folie
Mon ressenti
C’est une immersion au cœur d’une unité psychiatrique que l’autrice propose. Elle ouvre une porte sur un monde fermé et méconnu qui fait peur et est l’objet de nombreux fantasmes et préjugés. Le propos n’est pas toujours simple mais c’est avec bienveillance, humilité que pour une fois, la parole est donnée à ceux que l’on ignore car ils sont « fous ».
Un monde à part, une unité de 12 lits et une chambre d’isolement accueille 12 patients, homme ou femmes. Ils ont tous une pathologie en lien avec une certaine forme de folie. Ce sont les mots qui identifient une pathologie et pourtant : deux patients atteints de la même chose n’auront pas forcément les mêmes comportements. Le « fou » reconstruit la réalité avec un certain dérèglement du langage, il nous bascule dans le romanesque, il nous montre un autre univers non accessible.
L’hôpital public va mal, celui de la psychiatrie va encore plus mal. Sujet de tous temps politique et social, la psychiatrie et la folie viennent percuter notre quotidien. Parfois démunis ou sachant, l’équipe de soignant, nous montre qu’il n’y a pas de vérités exactes dans la psychiatrie.
J’ai été touchée par ce livre, par la véracité des propos, des chocs qu’ils procurent. J’ai et je côtoie des personnes suivies en psychiatrie (enfants ou adultes), c’est un combat de tous les jours qu’ils peuvent livrer contre les ténèbres de l’esprit. Au travers de ces lignes, la frontière entre le réel et la folie est moindre, il ne faut parfois pas grand-chose pour basculer du côté obscur sans s’en rendre compte. C’est une de mes plus grandes peurs.
Un libre fort, à découvrir
C’est une immersion au cœur d’une unité psychiatrique que l’autrice propose. Elle ouvre une porte sur un monde fermé et méconnu qui fait peur et est l’objet de nombreux fantasmes et préjugés. Le propos n’est pas toujours simple mais c’est avec bienveillance, humilité que pour une fois, la parole est donnée à ceux que l’on ignore car ils sont « fous ».
Un monde à part, une unité de 12 lits et une chambre d’isolement accueille 12 patients, homme ou femmes. Ils ont tous une pathologie en lien avec une certaine forme de folie. Ce sont les mots qui identifient une pathologie et pourtant : deux patients atteints de la même chose n’auront pas forcément les mêmes comportements. Le « fou » reconstruit la réalité avec un certain dérèglement du langage, il nous bascule dans le romanesque, il nous montre un autre univers non accessible.
L’hôpital public va mal, celui de la psychiatrie va encore plus mal. Sujet de tous temps politique et social, la psychiatrie et la folie viennent percuter notre quotidien. Parfois démunis ou sachant, l’équipe de soignant, nous montre qu’il n’y a pas de vérités exactes dans la psychiatrie.
J’ai été touchée par ce livre, par la véracité des propos, des chocs qu’ils procurent. J’ai et je côtoie des personnes suivies en psychiatrie (enfants ou adultes), c’est un combat de tous les jours qu’ils peuvent livrer contre les ténèbres de l’esprit. Au travers de ces lignes, la frontière entre le réel et la folie est moindre, il ne faut parfois pas grand-chose pour basculer du côté obscur sans s’en rendre compte. C’est une de mes plus grandes peurs.
Un libre fort, à découvrir
Pinky- Grand sage du forum
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