[Delorme, Geoffroy] L'homme-chevreuil
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[Delorme, Geoffroy] L'homme-chevreuil
L'homme-chevreuil
Sept ans de vie sauvage
Geoffroy Delorme
Les Arènes
252 pages
février 2021
ISBN : 979-10-375-0281-0
Sept ans de vie sauvage
Geoffroy Delorme
Les Arènes
252 pages
février 2021
ISBN : 979-10-375-0281-0
Résumé de couverture :
Amoureux de la nature, Geoffroy Delorme n’a pas vingt ans quand il aperçoit, dans la forêt de Louviers en Normandie, un chevreuil curieux et joueur.
Le jeune homme et l’animal s’apprivoisent. Geoffroy lui donne un nom, Daguet, et le chevreuil lui ouvre les portes de la forêt et du monde fascinant de ses semblables. Geoffroy s’installe parmi eux et son expérience immersive va durer sept ans.
Vivre seul en forêt sans tente, ni abri, ni même un sac de couchage ou une couverture, c’est surtout apprendre à survivre. Geoffroy Delorme suit l’exemple des chevreuils. Il adopte leurs comportements, apprend à se nourrir, à dormir et à se protéger comme eux.
Il acquiert une connaissance unique de ces animaux et de leur mode de vie, il les observe, les photographie et communique avec eux. Il apprend à partager leurs joies, leurs peines et leurs peurs.
Aujourd’hui, il raconte.
Mon avis :
J'ai apprécié ce récit, témoignage très atypique, qui d'une certaine manière fait rêver comme une moderne robinsonnade, et nous apprend nombre de choses sur la forêt, et cette espèce assez méconnue, quoique familière, que peuvent être les chevreuils.
Depuis l'enfance, Geoffroy se sent mal parmi les siens : il a été déscolarisé suite à une mauvaise expérience scolaire (harcèlement et mise en danger), et s'ennuyait à apprendre chez lui, ne trouvant pas de perspective pour son avenir, et se sentant seul. Assez rapidement, il se sent attiré par la forêt, sympathise avec des animaux, jusqu'à rencontrer les chevreuils, et vivre de plus en plus dans la forêt de Louviers, en Normandie.
Geoffroy Delorme nous livre un récit varié, intéressant, relatant des temps émotionnels forts liés à ses rencontres et amitiés avec plusieurs groupes de chevreuils, les temps d'apprivoisement, lors desquels il respecte toujours la distance nécessaire avec l'animal. Il a toutefois la chance de fréquenter des individus exceptionnels, curieux, malicieux, parfois tendres, et pour certains véritablement intelligents : on se rend vite compte, et il insiste là-dessus, que chaque chevreuil est un individu, avec ses particularités et son caractère. Il nous explique leur mode de vie, en des termes précis et justes, sans surenchère de technicité, mais aussi les conséquences des pratiques humaines telles que l'exploitation forestière, la chasse... Il nous fait part également de ses propres difficultés, car, même s'il admet honnêtement être au départ rentré une à trois fois par mois pour des courses alimentaires ou pour se laver, dormir et se réchauffer, plus il avance dans le temps et moins il se sent à l'aise dans la vie humaine. Ainsi, il se met à manger des feuilles, des fruits qu'il trouve en forêt ; il adopte le cycle de vie des chevreuils - manger et dormir par cycles courts (pour ne pas souffrir d'hypothermie par exemple), les suivant sur leurs territoires et faisant tout comme eux, traversant leurs épreuves, et apprenant d'eux comme ils apprennent de lui.
J'ai été séduite par ces êtres adorables qu'il nous présente, par les photographies, je me suis intéressée à chaque famille, aux étapes familiales : naissance des faons, défense du territoire, émancipation des chevrillards, période des amours... J'ai bien sûr été émue par les inévitables drames de cette vie sauvage. Il me semble qu'il est tout à fait possible d'adhérer pleinement à son choix et de le comprendre, même si cela a impliqué de grands sacrifices, et des difficultés physiques. L'auteur a vécu ainsi 7 ans, ce qui lui confère une légitimité existentielle que l'on peut difficilement remettre en cause. Mais, c'est là où le bât blesse : comment qualifier ce récit ? Geoffroy Delorme n'a pas de formation scientifique, quoiqu'il finisse par prendre parti et propose des solutions pour une gestion plus durable de la forêt. Il ne m'a pas paru excessif en ce qui concerne la chasse, ni le déboisement, il a une vision modérée de la situation. On voit toutefois trop bien ce en quoi des esprits hostiles peuvent facilement le discréditer. Pourtant, je le répète, il ne pêche même pas par excès d'anthropomorphisme, ni d'ingérence dans la vie animale. Pour autant, se présenter aujourd'hui comme "spécialiste des chevreuils" me paraît abusif, même si je comprends qu'il souhaite les faire connaître et défendre leur cause.
Alors certes, le récit est assez plat, plus journalistique que littéraire ; toutefois, on s'y prend facilement, je n'ai pas constaté de longueurs, et de belles pages nous attendent au tournant de cette étonnante expérience. A découvrir, pour élargir nos perspectives et rêver de vie sauvage.
Citations :
Tous ces éléments de mon enfance sont là comme pour me dire que la vie sauvage m'attend quelque part et que lorsque je serai délivré du carcan des contraintes humaines, la forêt sera là pour m'accueillir. (Page 19)
Je voudrais faire des nuits complètes pour récupérer, mais je suis réveillé beaucoup trop souvent et je peine à me rendormir. Les chouettes qui hululent, les renards qui hurlent, et surtout les sangliers, tous ces animaux font un vacarme ahurissant. Ca grince, ça crie, ça grogne et ça court dans tous les sens. (...) Mais le pire ennemi du sommeil, c'est le froid. Je tombe plusieurs fois en hypothermie. (Page 36)
Au petit matin, les sensations que j'éprouve à voir le soleil se lever sur la prairie, iriser la brume et les herbes folles encore givrées, aux côtés de mon ravissant ami chevreuil, sont irremplaçables. Je vis mon rêve. Et il m'est impossible de revenir en arrière. (Page 38)
On ne va pas se raconter d'histoires, dans un premier temps tout cela est franchement répugnant. Passer d'un univers gastronomique où tout est saturé de sucre et de sel à un régime amer et âcre n'a rien d'évident. Toutes ces plantes , ces racines sont bonnes pour la santé, mais il faut faire son deuil de toute satisfaction gustative. (Page 47)
Ce manque de considération des forestiers pour la forêt et ses habitants me désole complètement. Une forêt, c'est avant tout une communauté d'arbres qui accueille d'autres communautés végétales et animales. Lorsque l'équilibre sylvestre est ébranlé, ce sont toutes les communautés qui sont fragilisées. La forêt, c'est le reflet de la vie : complexe, mystérieuse, changeante. Elle offre à ses habitants ressources, protection, ombrage, réconfort, beauté et, surtout, elle est d'une grande importance biologique. Je peux vivre avec les chevreuils et les autres animaux sauvages non pas parce que j'applique une science mais parce que j'ai pénétré leurs secrets en comprenant l'une des œuvres les plus magnifiques de la nature : la forêt. On n'apprend pas une langue en traduisant mot à mot. On apprend une langue grâce à la subtilité de son langage, au mode de vie des habitants qui la parlent, sans rien comparer à ce que l'on connaît de sa propre langue. J'ai la chance de vivre avec les animaux car je ne traduis pas la nature, je la parle. (Page 177)
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Re: [Delorme, Geoffroy] L'homme-chevreuil
J'ai lu plusieurs documents sur cet homme. Certains l'accusent d'avoir triché et disent que ce n'est pas tout à fait la réalité. Est-ce que tu as eu le sentiment que son récit pouvait être un tantinet exagéré ou romancé?
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Re: [Delorme, Geoffroy] L'homme-chevreuil
Non, justement : il est même honnête en expliquant qu'il rentrait chez lui de temps en temps, ou faisait des réserves de boîtes de conserve dans la forêt, au début.
A la fin seulement, la justification de son retour au monde humain est un peu nébuleuse, pas vraiment préparée.
J'ai lu un article qui l'accusait (pas franchement, un peu par sous-entendus) de ne pas avoir vraiment vécu avec les chevreuils, mais il était signé par un élu responsable de la chasse... Il peut aussi avoir déplu aux éthologues : les scientifiques ne doivent pas apprécier qu'un OVNI comme lui prenne la parole comme "un expert" (ce qu'à mon sens, il aurait dû éviter).
A la fin seulement, la justification de son retour au monde humain est un peu nébuleuse, pas vraiment préparée.
J'ai lu un article qui l'accusait (pas franchement, un peu par sous-entendus) de ne pas avoir vraiment vécu avec les chevreuils, mais il était signé par un élu responsable de la chasse... Il peut aussi avoir déplu aux éthologues : les scientifiques ne doivent pas apprécier qu'un OVNI comme lui prenne la parole comme "un expert" (ce qu'à mon sens, il aurait dû éviter).
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Re: [Delorme, Geoffroy] L'homme-chevreuil
Merci Elea, oui, je pense que se placer en "expert" a été une erreur....
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