[McDowell, Christina] L'usine à privilèges
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[McDowell, Christina] L'usine à privilèges
L’usine à privilèges (The Cave Dwellers)
Auteur : Christina McDowell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valentine Leÿs
Éditions : Liana Levi (17 Mars 2022)
ISBN : 979-1034905416
416 pages
Quatrième de couverture
Discrétion, tel est le maître-mot chez les ultra-privilégiés de Washington. Se faire remarquer ? Quelle horreur ! Si vulgaire, si nouveau-riche…Tandis que les adultes mettent tout en branle pour que leurs secrets ne soient pas exposés au grand jour, les jeunes s’étourdissent dans la fête et la drogue. Mais à l’ère des réseaux sociaux, leurs frasques pourraient bien entacher la réputation de leurs parents.
Mon avis
Ils sont blancs, nantis (ou font comme si afin de faire illusion), ne fréquentent que des gens comme eux, lisses, bien propres sur eux, appartenant à des clubs de privilégiés où on ne rentre que par intermédiaire. Ils habitent les beaux quartiers de Washington, une ville où le proverbe dit « Pas besoin de regarder la météo pour savoir dans quel sens souffle le vent. » Une cité où beaucoup de choses ne sont qu’apparence, où il faut rentrer dans le « moule » et suivre les codes donnés par cette micro société pour être acceptés, aimés…. On surveille les fréquentations de ses enfants, si possible on les guide, les incitant à rencontrer « les bonnes personnes ». Il ne faudrait pas qu’ils aillent frayer avec des gens de couleur, des plus pauvres, des individus avec qui ils n’ont rien à faire. Leur avenir est déjà défini, tracé, ils iront dans telle université, feront carrière dans le même milieu que ceux qui les ont précédés et dont ils doivent être fiers…. Un quotidien réglé comme du papier à musique, qui se veut sans vague, avec de sourires de façade, parce que quand on creuse….
C’est ce qu’a fait Christina McDowell, puisqu’en fin d ‘ouvrage, elle confie : « Que se passe-t-il lorsqu’on cherche à briser ce cercle vicieux, que ce soit dans un contexte institutionnel, dans notre vie personnelle ou dans notre propre famille ? » Elle est allée plus loin que l’image d’Épinal.
Dans son récit, elle montre comment ces ultras privilégiés sont installés dans un fonctionnement un tantinet archaïque, ne vivant qu’entre eux sans s’ouvrir aux autres, se croyant tellement plus beaux, plus forts, plus riches, plus puissants qu’ils peuvent écraser de leur mépris tous ceux qui ne leur ressemblent pas. De plus, ils essaient de gommer, de cacher, ce qu’ils croient être des imperfections, allant jusqu’à manipuler ou terroriser leur progéniture.
Mais dès les premières pages de ce roman, cet ordonnancement est mis à mal. Une famille entière est assassinée. Le mal serait-il arrivé vers eux ? Ce fait divers va déstabiliser, interroger et secouer. Les adultes seront rapidement soulagés, un homme noir est arrêté et il est emprisonné. Mais certains adolescents connaissant la jeune fille tuée, veulent comprendre, obtenir des explications pour cet acte odieux. D’autres n’ont pas le souhait de poursuivre la tradition familiale et aspirent à une vie qu’ils choisiront. Une mini révolution dans ce microcosme où tout paraît bien huilé, prévu et prévisible. Les parents vont essayer de calmer les ardeurs de leurs jeunes, en leur montrant la voie à suivre mais quelques-uns se rebellent, refusant de se soumettre au schéma familial.
Nous suivons tout ce petit monde dans leurs rapports parfois conflictuels, pas forcément respectueux, difficilement sincères et ouverts. L’écoute, l’échange, sont quasiment inexistants, les pères et les mères estiment avoir raison, savent ce qui est bon et ne souhaitent pas se justifier. Les « c’est ainsi », « tu feras comme nous » sont des réponses fermes et définitives. De plus, « Personne à Washington ne veut être mêlé à un scandale. »
J’ai beaucoup apprécié cette lecture, qui nous décrit tout ce que l’on peut voir lorsqu’on gratte le vernis. J’ai aimé le cheminement de la jeune Bunny qui prend la réalité en pleine figure une fois qu’elle ouvre les yeux. « On dirait que toutes ces choses qu’elle commence seulement à remarquer restent invisibles pour les autres. ». C’en est presque douloureux pour elle. J’ai été impressionnée par tant de superficialité, tant de « m’as-tu vu ». Il est peut-être un peu dommage que l’on ait vu que ce « côté » » de Washington mais ce sera sans doute pour un autre livre.
L’écriture est agréable (merci à la traductrice), il y a pas mal de personnages mais ils sont aisément repérables. Le rythme est soutenu et on se questionne souvent en se demandant comment les différentes situations présentées vont évoluer. Je ne me suis pas ennuyée une seconde et j’ai trouvé ce récit édifiant et très intéressant !
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