[Plath, Sylvia] La cloche de détresse
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[Plath, Sylvia] La cloche de détresse
Titre : La cloche de détresse (The Bell Jar)
Auteur : Sylvia PLATH
Traduction : Michel PERSITZ
Parution : 1963 en anglais (Etats-Unis), dès 1972 en français (Gallimard en 1988)
Pages : 280
Présentation de l'éditeur :
Esther Greenwood, dix-neuf ans, est invitée à New York après avoir remporté un concours de poésie. Une existence agitée et futile faite de réceptions s’ouvre à elle. Tout bascule quand elle retourne dans sa ville natale et apprend qu’elle n’est pas reçue à son cours de littérature d’été. Elle devra alors passer ses vacances dans l’ennui, face à elle-même. Comment se libérer de la condition qui l’attend ? Esther peut-elle réaliser ses ambitions littéraires sans ressembler à toutes les femmes de son époque ? Découragée, la jeune femme ne mange plus, ne dort plus, n’écrit plus, ne lit plus. Esther glisse peu à peu dans une dépression sévère qui la détache de la vie, des siens, de son avenir et même de son corps. Elle cherche à en finir avec une obstination qui déroute, dérange tout en nous mettant face à l’Amérique des années 50.
D’inspiration autobiographique et écrit à la première personne, La cloche de détresse est l’unique roman de Sylvia Plath qui met fin à ses jours un mois après sa publication. Elle nous offre ici une écriture éblouissante, à la fois poétique, torturée et haletante où se mélangent critique de la société et réflexions sur ce qui définit la femme de son époque.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Poètesse et romancière américaine, Sylvia Plath est née en 1932 dans le Massachusetts. Mariée à Londres avec le poète Ted Hughes, elle a mis fin à ses jours en 1963.
Avis :
Célèbre d’abord pour sa poésie, Sylvia Plath a publié cet unique roman sous un pseudonyme, en 1963, un mois avant son suicide. Il s’agit d’un roman à clef, inspiré de ses propres troubles bipolaires. Il a été réédité après sa mort, sous sa véritable identité cette fois, provoquant une polémique et s’attirant le procès d’une femme qui s’était reconnue dans l’un des personnages du livre.
Nous sommes dans les années cinquante et l’Américaine Esther Greenwood a dix-neuf ans. Elle est l’une des lauréates d’un concours de poésie organisé par un magazine de mode, et, avec d’autres filles, elle est conviée à un séjour à New York pendant lequel elle découvre une vie futile et mondaine qui l’attire autant qu’elle lui répugne. De retour chez sa mère, alors qu’une profonde dépression s’empare d’elle, elle consulte un psychiatre, suit une thérapie qui ne l’empêche pas d’enchaîner les tentatives de suicide, et se retrouve en institution psychiatrique pour un long séjour dont elle sortira pleine d’espoir. Une fin qui résonne bien tristement quand on sait le dramatique épilogue qui devait succéder à l’écriture de ces pages.
Paradoxalement, aussi terrible soit-elle, jamais cette histoire n’écrase son lecteur de la pesanteur de son désespoir. C’est au fil d’un humour corrosif, qui épingle les travers de la société avec une lucidité pleine de révolte, que l’on s’achemine vers la perception de cette cloche de verre invisible qui se referme peu à peu sur la narratrice, l’emprisonnant toujours plus étroitement dans un sentiment d’étrangeté au monde, avant de déboucher sur celui de l’inanité de vivre.
Cette fille brillante, qui rêve de devenir écrivain à une époque où écrire est encore un geste essentiellement masculin, se voit sans cesse renvoyée à un avenir d’épouse et de mère, au mieux, si son futur mari l’autorise à travailler, à un emploi subalterne de secrétaire : « Ma mère me répétait sans cesse que personne ne voulait d’une licenciée en lettres tout court. Par contre, une licenciée en lettres connaissant la sténo, ça c’était autre chose, on se la disputerait. On se l’arracherait parmi les jeunes cadres en flèche, et elle prendrait en sténo lettre passionnante après lettre passionnante. » Et ce n’est pas le si décevant prix décroché par ses talents littéraires - un séjour dans un hôtel réservé aux femmes, dévolu à de futiles occupations réputées féminines, entre chiffons et maquillage, cadeaux ridicules et infantilisants, et dont elle ne parvient à s’échapper que pour découvrir la très inégale liberté sexuelle des femmes comparée à celle des hommes – qui pourrait lui redonner espoir. « Le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien. » « La seule chose pour laquelle j’étais douée, c’était de gagner des bourses et des prix, mais cette ère-là touchait à sa fin. Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d’hippodromes, ou un champion de football universitaire parachuté à Wall Street dans un costume d’homme d’affaires, ses jours de gloire réduits à une petite coupe en or posée sur sa cheminée avec une date gravée dessus, comme sur une pierre tombale. »
A cette désespérance dont, comme tout le monde alors, il ne peut envisager les dérangeantes origines sociétales, le monde médical n’oppose qu’enfermement et électrochocs, se limitant à des pratiques inadaptées dont les établissements les plus hauts de gamme ne parviennent pas à gommer l’inhumanité foncière. Combien de filles, d’épouses, enfermées et maltraitées parce que non conformes aux normes féminines de leur époque ? Les allusions faites en passant dès le début du roman, puis la restitution de faits précis identiques aux terribles expériences vécues par l’auteur, pointent toutes vers le désespoir de cette femme que sa révolte contre l'écrasante domination patriarcale, les convenances et les attentes sociales à l'égard de ses contemporaines, a mené à une dépression traitée de manière coercitive comme une espèce de folie qu'il convenait d'éradiquer. Esther, tout comme Sylvia, sort calmée de son hospitalisation, bien décidée à se conformer à ce que la société attend d'elle. On en connaît hélas la suite dramatique.
Portrait d'une jeune femme déchirée entre son désir d'acceptation sociale et sa rébellion contre l'inégalité des sexes, ce livre très nettement autobiographique est un acte de désobéissance, une façon de clamer sa révolte alors qu'elle cherche l'issue entre pression sociale et aspirations personnelles, se refusant à choisir entre une carrière d'écrivain et une vie privée heureuse. En y rendant palpable l'étouffement vécu par les femmes, elle réussit une critique au vitriol de la société patriarcale et de cet American Way of Life que le monde envie alors à l'Amérique, transformant ce récit d'un ressenti intime en un document qui n'a pas fini d'alimenter les réflexions sociologiques sur son époque, d'intriguer les innombrables analystes d'une oeuvre désormais reconnue, et de simplement toucher le lecteur, séduit par les qualités du roman autant que consterné du si tragique destin de son auteur. Coup de coeur. (5/5)
Re: [Plath, Sylvia] La cloche de détresse
Merci Canetille pour cette belle critique. J'ai très envie de découvrir ce roman, mais j'attendrai une période plus sereine pour cela.
Re: [Plath, Sylvia] La cloche de détresse
Curieusement, ce livre n'est pas pesant à lire. Je m'attendais à du très noir, mais ce n'est finalement pas ce que j'ai ressenti.
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