[Boisbaudry, Cédric (du)] Dictionnaire insolite de la Corée du Sud

Résumé de couverture :
La Corée du Sud déconcerte assurément. Dans ce pays à la croissance exponentielle, tout va vite, dans un tourbillon de lumières et de bruits. On en connaît la K-pop, qui déferle sur la jeune génération. Mais sait-on que, lors des épreuves orales du baccalauréat, les avions ont interdiction de voler, que l'on peut traverser une ville de long en large sans perdre de vue une église et qu'au Pays du Matin clair les ventilateurs sont associés à un danger de mort ? Ici, la division du pays semble n'être qu'un lointain souvenir, que seules les bases américaines et la DMZ rappellent. Conjuguant de matière étonnante modernité et tradition, la Corée du Sud ne peut être... qu'insolite.

Mon avis :
J'ai terminé ce court ouvrage de 150 pages environ, lu - n'en déplaise à Flaubert en référence à son Dictionnaire des idées reçues - de A à Z. Les entrées sont variées, et concernent aussi bien la géographie que la vie politique, les symboles culturels et artistiques, la gastronomie ou la K-pop. Il s'agit de courts paragraphes, qui souvent présentent l'essentiel, mais aussi quelques anecdotes insolites, dans la mesure où c'est le propos de cet ouvrage. Le ton est à la fois factuel et informatif, mais parfois aussi un peu amusé, voire critique.

Cet ouvrage est un compagnon pour toute personne intéressée par la Corée ; il ne s'agit pas d'un guide de voyage, mais plutôt d'un ouvrage d'accompagnement à la lecture, aux séries - je me sentais dans un univers familier grâce aux dramas que je regarde, même si j'ai incontestablement appris beaucoup de choses. C'est l'occasion de réviser le système scolaire, avec son lot d'épreuves : emplois du temps surchargés, pression de la réussite, harcèlement scolaire, mais aussi un pays où l'on est capable d'arrêter la circulation et de mobiliser les agents et policiers le temps de l'épreuve du suneung (baccalauréat), institution presque sacrée en Corée du Sud. Ou encore de s'informer sur les genres musicaux, les modes de consommation, de restauration : je sais par exemple par les dramas de quelle façon il faut boire le soju, en tenant toujours à deux mains le verre, et en se détournant pour ne pas boire face à un aîné, je sais qu'après une soirée bien arrosée, on peut finir la nuit en dormant au sauna, ou encore, dans un registre plus sérieux, quelles libations et quelles salutations on doit faire lors d'une cérémonie funéraire.

Ce dictionnaire très complet malgré son apparence mignonne (format, couverture, typographie - des feuilles de gingko biloba ornent les pages à chaque début de chapitre) et simple à parcourir, est une mine également en ce qui concerne l'histoire du pays, si l'on veut un aperçu concis et juste, entre la domination japonaise, la séparation des deux Corée, les scandales et la corruption qui minent la vie politique, ou encore des tragédies telles le naufrage du Sewol. On y verra aussi la politique volontariste de développement et rayonnement culturel du pays, ce qu'on appelle la hallyu ou vague coréenne : qui ignore encore le cinéma de Bong Joon-Ho ou des séries au succès planétaire comme Squid Game, pour ne pas parler de la K-pop ? J'ai l'impression d'énoncer un poncif en posant cette question... Cette politique paye, semble-t-il, au point que cela fait rager la Chine et le Japon.

Un ouvrage sans prétention mais enrichissant, l'auteur étant d'ailleurs fort qualifié en ce domaine (diplômé en géopolitique, il vit depuis 2005 en Corée comme enseignant). À garder bien en vue pour revenir sur différentes entrées, selon les besoins, ou à picorer avec plaisir, c'est l'avantage de ce type d'ouvrages. Il commence cependant à être un chouïa daté, en ce qu'il reporte des faits antérieurs à 2018, ce qui commence à faire un peu loin - des mises à jour seraient les bienvenues. (4,5/5)

Citations :


Les Coréennes subissent, durant leur jeunesse, le diktat de la beauté et le machisme de la société. Passé la cinquantaine, elles se rebellent. Foin de discrétion et de coquetterie, une ajumma parle fort, revêt toujours une tenue décontractée : casquette à très large visière, vêtements aux couleurs peu assorties, cheveux courts et permanentés. Elle bouscule tout le monde sur son passage pour une place dans le métro ou le bus. Page 18.



En retard ? Ce n'est pas possible ! Pas de rattrapage autorisé. maman compose le 112, les urgences. Un policier vient chercher Yeong-Gil sur sa moto. Gyrophare. C'est parti. Ce jour-là, avant le début des épreuves, la police est au service des candidats. Heureusement, les employés sont, à ce moment-là, tenus de se présenter une heure plus tard au travail pour laisser la voie libre aux élèves. De plus, durant les épreuves de compréhension orale, les avions ont interdiction de voler. La fréquence des transports publics est augmentée. Page 25.



Car il est un lieu, secret de polichinelle, où se succèdent, plus que ne se rassemblent, les fumeurs : les terrasses et toits des buildings. Plus près de la chaleur du soleil, au-dessus du vacarme incessant de la rue et caché de tous, c'est bien souvent l'endroit de la pause clope. Page 41.



Le genre musical emprunte à la dance, au hip-hop, au R'n'B, à la ballade et à tout autre ingrédient propice à faire recette. Ainsi l'image est-elle primordiale : les chorégraphies sont millimétrées, les hommes, maquillés, jouent souvent les bad boys et les filles sont mises en scène suivant des lignes marketing diverses : provocantes, sexy, ado, mystérieuses... Page 88.



La première [syllabe] est le nom de famille et les deux dernières le prénom. (...)
Plus de la moitié de la population coréenne est dotée du patronyme Kim, Park, ou Lee (prononcer "hi"). Si bien que la formule consacrée est : si l'on jette une pierre du haut de Namsan (un des monts au cœur de Séoul), elle atterrira presque toujours sur un Kim, un Park ou un Lee ! Page 106.



Par conséquent, le service dure plus ou moins deux ans, selon le corps d'armée, et est réservé aux garçons de moins de 31 ans. Bien qu'il soit décrié, tenter d'y échapper n'est pas une option et les rares stars qui ont essayé sont aujourd'hui bannies du pays. Les permissions sont exceptionnelles et les relations de couple deviennent difficiles. Il est commun à l'université de voir des étudiants disparaître et revenir deux ans plus tard, comme si de rien n'était. Page 134.