[Sangarcia, Eduardo] Anna Thalberg
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[Sangarcia, Eduardo] Anna Thalberg
Titre : Anna Thalberg
Auteur : Eduardo SANGARCIA
Traduction : Marianne MILLON
Parution : en espagnol (Mexique) en 2021, en français en 2023 (La Peuplade)
Pages : 168
Présentation de l'éditeur :
Un après-midi, alors qu’elle attise le feu dans la cheminée de sa chaumière, la jeune Anna Thalberg aux yeux de miel est enlevée par des hommes brutaux et amenée à la prison de Wurtzbourg, où on l’accuse de sorcellerie. Isolée et torturée pendant des jours, elle tient tête au cruel examinateur Melchior Vogel tandis que Klaus, le mari d’Anna, et le père Friedrich, curé de son village, tentent tout ce qui est en leur pouvoir pour lui éviter les flammes du bûcher. Petit à petit, le visage du Diable se révèle être celui du Dieu des hommes, et la sorcière un nouveau Christ.
Par un tour de force stylistique, Eduardo Sangarcía parvient à réunir dans un même souffle les préoccupations de chacun des personnages de ce drame, faisant revivre avec brio la folie meurtrière du procès des sorcières de Wurtzbourg, qui ébranla le sud de l’Allemagne aux XVIe et XVIIe siècles.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Eduardo Sangarcía est né en 1985 à Guadalajara, au Mexique. Il a consacré son doctorat à l’étude de la littérature latino-américaine de l’Holocauste. Anna Thalberg est son premier roman, lauréat du prestigieux prix Mauricio-Achar.
Avis :
En ce tournant du XVIIe siècle, Anna Thalberg, une étrangère rousse de vingt-deux ans dont l’éclat attire un peu trop le regard des hommes pour ne pas contrarier leurs épouses, mène avec son mari Klaus l’existence paisible des paysans de Bavière, lorsque, fort opportunément dénoncée pour diverses diableries par sa voisine – depuis son arrivée au village, des nourrissons sont morts, la sécheresse sévit, on l’a même vue chevaucher une chèvre dans les airs –, elle est arrêtée et transférée dans les geôles de Wurtzbourg en attendant son procès pour sorcellerie.
Malheureusement pour elle, son sort dépend du prince-évêque catholique de Mespelbrunn, contre-réformateur bien décidé à débarrasser la région des hérétiques idées luthériennes, fût-ce par le biais de la persécution et au moyen d’une chasse aux sorcières qui, dans tout l’évêché de Wurtzbourg, va causer la mort de neuf cents personnes. Désormais entre les mains d’un examinateur déterminé à la voir finir sur le bûcher pour le bien-être de la ville et du diocèse, Anna ne comprend pas encore qu’elle a beau être innocente et ne pas cesser de le clamer malgré l’atrocité des tortures qu’on lui inflige, il n’existe plus pour elle que deux alternatives : être brûlée vive ou déjà morte, selon qu’elle persiste à nier ou qu’elle se résolve à des aveux.
Relaté avec force détails éprouvants, le supplice d’Anna, en l’occurrence fille de charpentier, n’est pas sans évoquer la passion du Christ : lui, convaincu jusqu’au bout que Dieu ne l’abandonnera pas ; elle, longtemps confiante en la force de son innocence et de la vérité. Si la jalousie et la peur ont motivé la calomnie et la délation à l’encontre de la jeune femme, sa condamnation est le fruit de convictions fanatiques, qui, au nom de la religion et du Bien, mènent au pire des hommes follement persuadés de détenir la vérité. A ce radicalisme aveugle répond l’inflexible résistance d’Anna, qui ne sauvera certes pas sa vie, mais saura, en un très ironique dénouement, prendre le Mal à son propre piège. A user de la violence et de l’arbitraire, ne s’expose-t-on pas toujours à un retour de feu ?
Animé par le ressac de longues phrases sans fin, où les paragraphes s’enchaînent comme autant de vagues signalées chacune par un retrait, le texte s’épand comme un irrépressible raz-de-marée, emportant personnages et lecteur au bout d’une folie absurde et destructrice touchant à l’insupportable. Cette cohérence parfaitement étudiée entre la forme et le fond parachève la puissance de cette dénonciation des fanatismes, extrémismes et radicalismes de tout poil, en particulier religieux et politiques, pour en faire simultanément une œuvre littéraire dont il n’est pas étonnant qu’elle ait valu à son auteur le prestigieux prix Mauricio Achar. (4/5)
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