[Westover, Tara] Une éducation
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[Westover, Tara] Une éducation
Une éducation
Tara Westover
Traduit de l'anglais par Johan Frederik Hel Guedj
14/10/2020
Le Livre de poche
576 pages
ISBN : 978-2-253-82036-9
Tara Westover
Traduit de l'anglais par Johan Frederik Hel Guedj
14/10/2020
Le Livre de poche
576 pages
ISBN : 978-2-253-82036-9
Résumé de couverture :
Enfant, Tara Westover n’a jamais fréquenté l’école, ni vu de médecins, ni même été déclarée à l’administration parce que son père, mormon, ne croyait ni en la Médecine officielle ni en l’école publique, orchestrée par le diable. Il attendait la Fin des temps. Alors que son père s’enferme dans ses convictions survivalistes et radicales et qu’un de ses frères cède à la violence, Tara décide à seize ans de prendre son destin en main et de s’éduquer toute seule. Sa détermination l’éloignera de ceux qu’elle aime et l’emmènera au-delà des océans, d’Harvard à Cambridge sans qu’elle ne cesse de s’interroger. Quel est le prix à payer quand la loyauté envers sa famille entre en conflit avec la loyauté envers soi-même ?
Une éducation est le récit d’une construction de soi et d’une rupture douloureuse. Forte de la lucidité propre aux grands auteurs, Tara Westover nous raconte comment elle est devenue adulte grâce à une éducation qui lui a appris à penser, à douter, tout en restant fidèle à elle-même.
Mon avis :
Un autre coup de cœur que ce roman avec une base autobiographique, que j'ai hésité un bref instant à classer dans "récits", "témoignages" - et puis non, il est tellement plus qu'un simple récit de vie !
L'autrice, Tara Westover, nous relate son enfance dans les montagnes de l'Idaho, née dans une famille dont le père est un original, survivaliste mormon, et la mère une préparatrice de remèdes à base de plantes et sage-femme. Au milieu de sa nombreuse fratrie, une sœur et 5 frères (en espérant ne pas en oublier), Tara vit dans un monde sauvage et insouciant, à l'écart de l'école et de toute institution de l'État : surtout pas de médecins, surtout pas d'hôpital. Et pourtant ! Le père est si dur et exigeant qu'il fait travailler ses fils et Tara à la ferraille, manipulant des engins ou outils des plus dangereux, sans protection, parce que "ça fait perdre du temps" ; et de toute manière, comme il dit, "Dieu y pourvoira".
Dieu y pourvoit si bien que deux de ses frères sont affreusement blessés, l'un avec la jambe brûlée au 3ème degré, l'autre faisant une chute sur la tête et une hémorragie cérébrale interne. Je le déconseille aux personnes sensibles aux blessures et à la douleur, car même au point de ne pouvoir respirer, chez les Westover on se soigne à base de décoctions de plantes, quand il faudrait plus sérieusement être sous morphine dans un lit d'hôpital. Mais leur mère est supposée avoir reçu des dons de guérisseuse directement des mains de Dieu.
Pendant ce temps, chez les Westover, quand on n'est pas occupé à se mutiler, on prépare la fin du monde, en commandant et enterrant des armes, en creusant des abris pour entasser de la nourriture. Tara aimerait un peu de normalité, elle est par ailleurs douée pour les études, et va réussir l'examen d'entrée à la Brigham Young University, qui accepte les enfants de familles mormones non scolarisés antérieurement. Toutefois, elle le cache, et essaie de faire son chemin sans trop se faire remarquer - ce qui n'est pas évident quand vous demandez en plein cours à un professeur juif âgé ce que signifie "holocauste"...
Toutefois, alors qu'elle n'est pas du tout encouragée par sa famille, mais au contraire maltraitée physiquement par son frère Shawn, Tara réussit à poursuivre ses études, grâce à la bienveillance de certains enseignants, et finit par entrer à Oxford puis Harvard. C'est la force des études historiques que de lui révéler la puissance des mots, de la recherche, pour construire sa propre histoire, ses propres valeurs, et non plus subir celle imposée par les autres. Cela ne va pas sans de durs sacrifices et des choix affectifs, des renoncements, tout en essayant de maintenir un lien avec ses parents.
Ce livre magnifiquement écrit et traduit est une ode puissante à l'émancipation par l'éducation, à la lutte d'une femme pour sortir des cadres pré-établis par les hommes de sa famille, tout en gardant son intégrité. Plus de 500 pages qui passent comme un rêve, soufflées par un vent de liberté, comme ces chevaux sauvages que rien ne peut arrêter dans la montagne. 5/5
Citations :
Il [mon père] ne m’a jamais dit quoi faire si je quittais la montagne, si je traversais les océans et les continents, si je me retrouvais en terre étrangère, et que je pouvais plus scruter l’horizon à la recherche de la Princesse. Il ne m’a jamais dit quel serait le signe pour moi qu’il était temps de rentrer chez nous. (page 16)
A présent, tout avait changé. L’endroit avait cessé d’être le terrain de jeux de mon enfance pour revêtir sa réalité propre, aux lois physiques mystérieuses et hostiles. (page 109)
Ce que j’allais acquérir là était essentiel, la patience de lire des choses que je ne pouvais pas encore comprendre. (page 120)
Ou peut-être mon père tel que j’aurais aimé qu’il soit, un défenseur tant attendu, un champion plein d’imagination, qui ne me jetterait pas au milieu d’une tempête, et qui, si j’étais blessée, saurait avoir le geste réparateur. (page 178)
Toute ma vie, cet instinct m’avait inculqué cette doctrine simple - on a plus de chance de s’en sortir si on ne compte que sur soi-même. (page 187)
D’ordinaire, je voyais autre chose. La preuve que mes ancêtres arpentaient cette montagne, aux aguets, en attente, avec les anges à leur disposition. (page 380)
En sachant que la terre n’avait rien de ferme,j’espérais pouvoir me tenir dessus. (page 415)
Tout ce pour quoi j’avais travaillé, toutes mes années d’études avaient existé afin que je puisse m’offrir ce privilège : voir et vivre plus de vérité que celles qui m’étaient données par mon père, et me servir de ces vérités-là pour me construire mon propre esprit. Je savais à présent que la faculté de remettre en question des idées, des histoires, des points de vue, était au cœur de ce que signifie la création de soi. (page 520)
Mais la justification n’a aucun pouvoir sur la culpabilité. Aucune colère, aucune fureur dirigée contre les autres ne peuvent la soumettre, parce que la culpabilité n’est jamais liée à eux. La culpabilité, c’est la peur de sa propre détresse. (page 557)
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Westover, Tara] Une éducation
Extraordinaire comme une jeune fille arrive a s’extirper d'un milieu fermé et "intégriste" !
Des mois après l'avoir lu je me questionnes encore sur des passages et des situations vécus par la narratrice.
Des mois après l'avoir lu je me questionnes encore sur des passages et des situations vécus par la narratrice.
marie do- Grand sage du forum
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Genre littéraire préféré : Assez varié : thriller, roman historique, contemporain, bd .....
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Re: [Westover, Tara] Une éducation
Avant de le lire, je croyais qu'elle avait échappé à une secte, mais l'emprise du père sur ses enfants, favorisée par un complet isolement social ou par l'impuissance des autres membres de la famille, est du même ordre.
Le fait même qu'il mette ses enfants en si grand danger physique avec les machines et son refus des règles de la sécurité devait créer chez eux une sorte de sidération qui les rendait confus : c'est tellement différent de ce qu'un père devrait faire !
On dit dans le roman qu'il est bipolaire, je ne suis pas sûre, même s'il avait sûrement un trouble de l'humeur. Pour moi, il réunit plutôt des traits borderline. Mais peut-être qu'il avait les deux troubles... Il n'a pas dû consulter lui-même un psychiatre, je suppose qu'on ne peut que deviner.
Merci pour ton avis. C'est vraiment un livre fort.
Le fait même qu'il mette ses enfants en si grand danger physique avec les machines et son refus des règles de la sécurité devait créer chez eux une sorte de sidération qui les rendait confus : c'est tellement différent de ce qu'un père devrait faire !
On dit dans le roman qu'il est bipolaire, je ne suis pas sûre, même s'il avait sûrement un trouble de l'humeur. Pour moi, il réunit plutôt des traits borderline. Mais peut-être qu'il avait les deux troubles... Il n'a pas dû consulter lui-même un psychiatre, je suppose qu'on ne peut que deviner.
Merci pour ton avis. C'est vraiment un livre fort.
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Westover, Tara] Une éducation
Je crois que le père a de nombreux problèmes psychiatrique ! je m’étais amusée à l'époque à dénombrer les pathologies potentielles avec la description de sa fille
marie do- Grand sage du forum
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Re: [Westover, Tara] Une éducation
Ce roman m’a déçue. Je vais essayer d'expliquer pourquoi.
Tout d'abord, je sais que je suis une personne sceptique et que je n'ai pas tendance à croire les choses facilement, simplement parce qu'elles sont écrites. Je n'insinue pas qu'elle mente. Je pense qu'elle a écrit « Une éducation » en se basant sur ses souvenirs, des souvenirs qui ont peut-être été déformés avec le temps, surtout avec une vie aussi difficile. Je ne dis pas non plus que sa famille n'a pas fait ce qu'elle a fait, juste que je n'ai pas trouvé son histoire si crédible que ça. Je veux dire, pour une famille survivaliste elle réside certes au pied des montagnes mais très proche d’une petite ville. Cela ne cadre pas avec l’esprit. Ils finissent par s’accorder un certain luxe avec le téléphone, une télévision et Internet (sans parler de l'immense propriété qu'ils semblent avoir à la fin). Leur vie de famille n'était certes pas standard car les enfants n'avaient même pas eu d'acte de naissance pendant longtemps, n'étaient pas allés à l'école et travaillaient à la casse. Mais c’est la paranoïa du père avec ce refus d’avoir affaire à tout ce qui émane du gouvernement qui mène leurs existences.Elle le décrit comme bipolaire. D’accord. Même en y ajoutant les préceptes mormons, cela n’explique pas tout.
Une autre chose qui m'a dérangée, ce sont les nombreux accidents graves, certains mettant leur vie en danger. Ont-ils tous été guéris avec des huiles essentielles et d'autres remèdes à base de plantes ? J’en doute fortement. Je ne dis pas qu'ils n'étaient pas blessés, juste que les blessures n'étaient peut-être pas aussi graves que dans son souvenir. Quoi qu'il en soit, ce comportement imprudent, ce mépris pour la sécurité des autres et les guérisons "miraculeuses" étaient invraisemblables pour moi.
Autre chose m’a surprise : l'argent. Comment diable a-t-elle réussi à réunir les sommes pour entrer dans une université prestigieuse, en Angleterre ? Je sais qu'il y a des bourses, mais elles ne couvrent pas tout et nous parlons de beaucoup d'argent pour des frais de scolarité prohibitifs. Et puis faire plusieurs allers-retours entre les États-Unis et le Royaume-Uni ? Les vols coûtent à eux seuls une fortune, et ne sont sûrement pas couverts par la bourse. Un vrai mystère pour moi.
Il y a aussi la question de savoir comment elle est arrivée dans la première université américaine, d'autant plus qu'elle n'a jamais vraiment été scolarisée à la maison. D'une manière ou d'une autre, être capable d'obtenir des scores très élevés avec l'auto-apprentissage des mathématiques avancées et de tout le reste demandé sur le test, n'est pas crédible pour moi. Bon on peut imaginer qu’étant donné que cet examen consiste en un QCM, elle a eu de la chance … Ou alors peut-être avait-elle un niveau d'éducation plus élevé que celui indiqué ? Je ne sais pas, mais je reste sceptique. Je ne dis pas qu'elle n’a pas obtenu ses diplômes, et je suis sûre qu'elle a eu une vie difficile, surtout avec son frère Shawn, manifestement malade mental, mais malheureusement ses souvenirs ne m’ont pas convaincue.
L’écriture n’a également rien de transcendant. C’est factuel voire même parfois simpliste. Un Docteur en histoire peut être brillant dans son domaine mais pas en littérature. C’est manifeste ici.
Donc je n’ai absolument pas été séduite par ce roman.
Tout d'abord, je sais que je suis une personne sceptique et que je n'ai pas tendance à croire les choses facilement, simplement parce qu'elles sont écrites. Je n'insinue pas qu'elle mente. Je pense qu'elle a écrit « Une éducation » en se basant sur ses souvenirs, des souvenirs qui ont peut-être été déformés avec le temps, surtout avec une vie aussi difficile. Je ne dis pas non plus que sa famille n'a pas fait ce qu'elle a fait, juste que je n'ai pas trouvé son histoire si crédible que ça. Je veux dire, pour une famille survivaliste elle réside certes au pied des montagnes mais très proche d’une petite ville. Cela ne cadre pas avec l’esprit. Ils finissent par s’accorder un certain luxe avec le téléphone, une télévision et Internet (sans parler de l'immense propriété qu'ils semblent avoir à la fin). Leur vie de famille n'était certes pas standard car les enfants n'avaient même pas eu d'acte de naissance pendant longtemps, n'étaient pas allés à l'école et travaillaient à la casse. Mais c’est la paranoïa du père avec ce refus d’avoir affaire à tout ce qui émane du gouvernement qui mène leurs existences.Elle le décrit comme bipolaire. D’accord. Même en y ajoutant les préceptes mormons, cela n’explique pas tout.
Une autre chose qui m'a dérangée, ce sont les nombreux accidents graves, certains mettant leur vie en danger. Ont-ils tous été guéris avec des huiles essentielles et d'autres remèdes à base de plantes ? J’en doute fortement. Je ne dis pas qu'ils n'étaient pas blessés, juste que les blessures n'étaient peut-être pas aussi graves que dans son souvenir. Quoi qu'il en soit, ce comportement imprudent, ce mépris pour la sécurité des autres et les guérisons "miraculeuses" étaient invraisemblables pour moi.
Autre chose m’a surprise : l'argent. Comment diable a-t-elle réussi à réunir les sommes pour entrer dans une université prestigieuse, en Angleterre ? Je sais qu'il y a des bourses, mais elles ne couvrent pas tout et nous parlons de beaucoup d'argent pour des frais de scolarité prohibitifs. Et puis faire plusieurs allers-retours entre les États-Unis et le Royaume-Uni ? Les vols coûtent à eux seuls une fortune, et ne sont sûrement pas couverts par la bourse. Un vrai mystère pour moi.
Il y a aussi la question de savoir comment elle est arrivée dans la première université américaine, d'autant plus qu'elle n'a jamais vraiment été scolarisée à la maison. D'une manière ou d'une autre, être capable d'obtenir des scores très élevés avec l'auto-apprentissage des mathématiques avancées et de tout le reste demandé sur le test, n'est pas crédible pour moi. Bon on peut imaginer qu’étant donné que cet examen consiste en un QCM, elle a eu de la chance … Ou alors peut-être avait-elle un niveau d'éducation plus élevé que celui indiqué ? Je ne sais pas, mais je reste sceptique. Je ne dis pas qu'elle n’a pas obtenu ses diplômes, et je suis sûre qu'elle a eu une vie difficile, surtout avec son frère Shawn, manifestement malade mental, mais malheureusement ses souvenirs ne m’ont pas convaincue.
L’écriture n’a également rien de transcendant. C’est factuel voire même parfois simpliste. Un Docteur en histoire peut être brillant dans son domaine mais pas en littérature. C’est manifeste ici.
Donc je n’ai absolument pas été séduite par ce roman.
Dulcie- Grand expert du forum
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Date d'inscription : 10/01/2023
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