[Cesbron, Gilbert] Je suis mal dans ta peau
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[Cesbron, Gilbert] Je suis mal dans ta peau
Je suis mal dans ta peau
Gilbert Cesbron
J'ai Lu
Éditions Robert Laffont
1969
315 pages
ISBN : 2-277-11634-3
Gilbert Cesbron
J'ai Lu
Éditions Robert Laffont
1969
315 pages
ISBN : 2-277-11634-3
Résumé de couverture :
En Afrique Noire, le moyen-âge se rencontre au sortir de l'aéroport, des fauves traversent l'autoroute, un cercueil sur deux contient le corps d'un petit enfant. A cent mètres d'un building d'affaires, la mer est encore rougie du sang d'un buffle qu'un sorcier vient d'y sacrifier...
Mais ces contrastes, ces paradoxes et ces déchirements n'épargnent pas non plus les hommes. Emmanuel Toukara et Augustin M'Bengué, qui viennent de décrocher à Paris leurs diplômes d'avocat et de médecin, sont partagés entre la culture occidentale et la tradition africaine, entre le christianisme et la magie, entre leur ambition et leur impuissance, entre le souvenir des femmes blanches et la splendeur sensuelle des Noires.
De retour dans leur pays, encore ivre de son indépendance, ils se sentent à la fois « mal dans notre peau d'Occidental et mal dans leur peau d'Africain ». Après s'être trompés d'amour, d'ambition, de fidélité, où se retrouveront-ils, ces « enfants naturels que l'Occident a faits à leur mère l'Afrique » ?
Mon avis :
Ce n'est pas un des meilleurs titres de Gilbert Cesbron, auteur catholique et humaniste : on peut le dire au sens propre, car Cesbron sut capter l'attention par des titres remarquables, comme Il est minuit, docteur Schweitzer, Il est plus tard que tu ne penses, Notre prison est un royaume... Ici, le titre, s'il est moins percutant, a le mérite d'annoncer la couleur - il est question de garder son identité lorsqu'on a un regard à la fois africain (inné) et européen (acquis).
Le lecteur suit le retour au pays de deux jeunes Sarakolais (j'ai cherché bêtement, avant de me rendre compte que le pays est imaginaire), l'un avocat, du nom d'Emmanuel, neveu de l'actuel Président du pays, le second médecin, Augustin. Alors qu'Emmanuel a toujours rêvé de faire de la politique et cherche à convaincre son oncle de lui confier un poste, Augustin exerce à l'hôpital et fait face à des situations décourageantes pour sa vocation médicale. Chacun est amené, de son côté, à voyager, et se lie de nouveau à l'Afrique, et au mode de vie africain.
Au travers de ses deux personnages un peu idéalistes, ambitieux, Gilbert Cesbron nous donne à voir les paradoxes africains, le désir de modernité qui se heurte à la sagesse ancestrale, la Tradition, et peut-être ne devrait pas chercher à l'éradiquer aussi vite, les restes du colonialisme, la corruption, les frictions de religions, de castes, la place des femmes, et toujours la nature, la chaleur, le climat. La pauvreté est également une toile de fond, mais aussi les couleurs, la musique, les odeurs. L'auteur manie la nuance et l'humanisme, d'une manière souvent désabusée mais attendrie ; il réussit le tour de force d'éviter les clichés, notamment grâce à ce procédé de double regard sur la condition africaine.
L'expression est parfois un peu datée, en particulier lorsque l'auteur, à travers ses personnages, se laisse aller à l'exaltation, ou à un enthousiasme qui manque de naturel. Toutefois, il recrée si bien le décor et les sensations, du village de cases du grand-père d'Emmanuel et les longues palabres sous le fromager tutélaire, au village traditionnel de pêcheurs, ou à la casbah d'un kalife renommé ; de la touffeur des nuits à la pluie tant attendue... C'est un roman qui fait réfléchir et en ce sens nécessite des pauses, sans toutefois lasser. Une fausse relecture pour moi, car si j'aimais beaucoup l'auteur dans ma jeunesse, je n'avais pas lu ce roman-là. Il faut vraiment lire ou relire Cesbron, ses propos sur l'Afrique sonnent de manière prophétique, parfois ironique, mais c'est toujours instructif et bien vu. 4,5/5
Citations :
L’élite… Sans doute la constituaient-ils, faute de concurrents : c’était un privilège, nullement un mérite. (page 25)
- Mais le vrai progrès, c’est de savoir apprivoiser la vie et la mort, et ce ne sont pas les Européens qui nous l’apprendront. Tu les as vus ? Ils confondent vivre et gagner sa vie. (page 45)
À la torpeur torride avait succédé une fraîcheur tellement inespérée qu’elle donnait l’impression d’une présence vivante. Elle prenait possession de ce continent endormi et lui rendait la vie comme on ranime à son insu un malade dans le coma. Elle réveillait les sources secrètes, désaltérait les forêts dans leur ténébreuse profondeur : elle était la grâce. (page 48)
Et lui ne se sentait rien d’autre qu’un fragment de l’espace, du soleil, du vent et de cet océan paisible, mémoire du monde, dont le ressassement parvenait jusqu’à lui. (page 59)
Et l’Afrique entière, et tous ces continents, qui brisaient si sagement au large de l’Occident, supporteraient-ils longtemps la faim, la pauvreté, le mépris surtout ? Une nuit, le grand raz-de-marée des pauvres noierait tout… (page 63)
Lui aussi avait encore les yeux vairons : un œil blanc et l’autre nègre ; cela ne durerait pas longtemps, il fallait en profiter pour s’émerveiller avant que tout cela, qu’on venait voir du bout du monde, lui devînt familier. (page 101)
- L’argent, ça se trouve toujours, notamment dans la main du pauvre. Vous nous aidez d’une main et, de l’autre, vous nous ruinez en maintenant les matières premières, notre seule richesse, à un barème dérisoire. (page 202)
- Finalement rien ne sert de courir quand on n’est pas parti à point, on s’épuise pour rien. (page 236)
- (…) Quand accepteras-tu que ceux qui bâtiront l’Afrique sont justement n’importe quel médecin, n’importe quel ingénieur, n’importe quel architecte, pourvu qu’ils acceptent de servir là où l’on a besoin d’eux. (page 312)
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