[Péju, Pierre] La petite fille dans la forêt des contes
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[Péju, Pierre] La petite fille dans la forêt des contes
La petite fille dans la forêt des contes
Pierre Péju
Robert Lafont collection "Réponses" 1981
279 pages
ISBN : 2-221-00606-2
Pierre Péju
Robert Lafont collection "Réponses" 1981
279 pages
ISBN : 2-221-00606-2
Résumé de couverture :
Dans ce livre résolument antiœdipien, qui diffère de la démarche psychanalysante de Bruno Bettelheim tout en y faisant fréquemment référence, Pierre Péju nous propose une écoute différente des contes.
Il puise non seulement dans les contes traditionnels, chez Grimm, mais aussi chez les romantiques allemands, Arnim, Brentano, Hoffmann.
Les thèmes de l'ombre, des automates, de la mandragore, des miroirs et des reflets perdus, de la sorcière et de la fée, des animaux et de l'enfant "ravi" ou séduit s'aventurant dans la forêt, sont toujours vivants dans notre inconscient et y exercent leur fascination.
La petite fille entraînée vers l'ailleurs, tentée par l'état sauvage, la liberté, la fuite, échappant aux rôles traditionnels, voilà bien celle dont toute femme se souvient comme de son aspiration première, celle qui précède la rencontre, précisément, avec le père et sa loi, le prince, le mariage, le château dont elle sera ensuite à jamais prisonnière...
Le livre se clôt sur un conte original proposé par l'auteur : Le Poisson-Chat.
Mon avis :
Comme souvent, la lecture de cet essai a une histoire, un contexte ; je ne le rappelle pas à chaque critique, mais ici, il me tient à cœur : j'ai choisi ce livre avec celui de Bettelheim justement, pour ma fille aînée (qui fait des études de psychologie) lorsque nous avons vu mon amie pour la dernière fois - elle nous a dit de prendre des livres en souvenir d'elle. Partant en vacances, ma fille a emporté la Psychanalyse des contes de fées, et moi j'ai lu celui-ci.
L'essai se propose d'examiner les impacts du conte sur notre imagination, nos images mentales et notre perception du monde, à travers des figures connues comme celle du Loup, de la fée, mais aussi des manifestations, des actions merveilleuses comme la métamorphose, l'animalisation, le passage dans un autre monde... Pour Pierre Péju, le conte n'est surtout pas un support pour donner des leçons de psychanalyse, plaquer des grilles toutes faites sur ces récits grouillant de vie et de symboles ; au contraire, il convient de les prendre comme de la matière brute, de se laisser porter par ce qu'ils nous chuchotent de liberté, d'ensauvagement. Le rôle du conte est un peu comme celui du rêve, et l'on ne devrait pas tant les décortiquer que se laisser nourrir par les images vives qu'ils nous font traverser.
Souvent, note-t-il, le conte offre aux héros, et surtout aux héroïnes (prenez Blanche-Neige), une échappée mémorable au plus profond de la forêt, la rencontre peut-être avec la sorcière, et le passage sous les radars des rôles sociaux, même si souvent le conte se referme de nouveau sur un mariage. Qu'importe... Ils auront déposé en nous au passage des "blocs d'images", ou blocs de sens, qui nous marqueront à notre insu et influenceront notre vision du monde. Ils ouvriront ainsi une porte pour que souffle un vent autre, et que nous percevions l'enfance que nous ne devrions pas perdre, la capacité extraordinaire à imaginer, à créer.
Pierre Péju évoque des contes que nous connaissons tous, ceux de Grimm ou de Perrault, osant des parallèles inédits (l'histoire de Blanche-Neige versus celle d'Œdipe), mais il s'appuie aussi sur les contes des romantiques allemands (cités dans le résumé). Je les connais peu, donc je n'ai pas pu vraiment profiter de ses analyses, quoiqu'il résume toujours l'intrigue avant d'étudier les motifs. C'est foisonnant, un peu baroque, cela donne envie de lire les textes évoqués. J'ai un peu regretté qu'il mette dans le même sac toutes sortes de contes, mêlant le fantastique et le merveilleux avec le folklore, ce qui m'a paru manquer de rigueur. De plus, tous les contes ne sont pas allemands, il aurait pu citer Andersen ; il existe aussi des contes des origines, contes de sagesse... J'ai toutefois aimé son approche, cette lecture m'a stimulée. 4/5
Citations :
Tant d’histoires jalonnent notre propre histoire, et nous savons que nous n’oublierons jamais telle voix, tel récit, telle émotion intimement unis en une boule d’enfance. Car les contes sont des déclencheurs, des brèches pour des fuites, l’occasion de voyages mentaux au cours desquels s’abolissent les frontières entre l’humain, l’animal et le végétal, entre désirs et réalités. (Présentation, page 14)
Ce lieu mental nous accompagne désormais comme certaines visions de rêves, visions qui flottent, denses et indestructibles au-dessus des choses et entre les choses de la vie… (page 24)
Ainsi l’attention de l’enfant aux vagabonds, aux êtres sans racines, tziganes et forains, aux voyageurs et hôtes de passage n’est-elle pas simplement teintée de frayeur : elle révèle aussi la possibilité très enfouie d’un lien d’amour, des possibilités d’attachement qui ne seraient ni filiaux, ni conjugaux, ni fraternels. (page 40)
Il ne faut pas considérer les contes comme de la littérature enfantine ou presque exclusivement destinée aux petits. S’ils véhiculent de l’enfance, c’est une enfance qui concerne tout le monde et à tout moment. (page 61)
Ces éléments du conte sont-ils des symboles ? Peut-on dire qu’ils répondent symboliquement à des questions inconscientes que l’enfant se pose ? Et s’ils étaient plutôt eux-mêmes des questions ? Les oiseaux inattendus de questions complexes qui viennent se poser sur l’épaule de l’enfant ? (page 76)
Ainsi, dans les plis de l’ennui, au cours de ces instants gris de l’enfance, « l’enfant qui nous accompagne » peut-il surgir et nous dévoiler la merveille sous la pierre de la banalité. (page 109)
Les souvenirs de notre enfance, les images de notre vie, les rencontres, les chocs affectifs, les situations de certains contes se mêlent ou plutôt s’empruntent réciproquement des scènes, des voix, des couleurs, des figures extraordinaires ou banales. (page 206)
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