[Tolkien, J.R.R.] Contes et Légendes inachevés - Le Second Âge

Résumé de couverture :
D'années en années, le culte jaloux qui entourait le "Seigneur des anneaux" à sa publication dans les années 50 s'est transformé en succès universel. Les Hobbits, ce "peuple effacé mais très ancien" qui vivait quelque part au nord-ouest de l'Ancien Monde, nous sont devenus aussi familiers que les héros des contes de fées ou ceux des grandes épopées, avec Bilbo, Gandalf, Bombadil ou Galadriel, et tous les habitants de la Terre du Milieu.
Magistralement restitués par son fils après la mort de J.R.R Tolkien, les "Contes et légendes inachevés du Premier Âge" prolongent et élargissent l'œuvre de l'inépuisable conteur.

Mon avis :
Ce court livre pourrait être un coup de cœur, il s'en faut de peu : les textes réunis sont toutefois franchement inachevés, il m'a semblé en cours de lecture qu'il fallait obligatoirement qu'il s'adresse aux fans de l'auteur. Je vois assez mal comment un néophyte pourrait aborder ce livre et comprendre quelque chose en n'ayant pas encore lu Le Seigneur des Anneaux, voire Le Silmarillion.

Cet ouvrage regroupe donc quatre textes, dont un narratif relativement complet, un inachevé avec seulement des fragments remis bout à bout par le fils de Tolkien, et deux études sur Númenor, l'île en forme de pentacle entre la Terre du Milieu et le "paradis" Valar (les Dieux), qui sombra avant le Troisième Âge. L'ordre des documents est bien choisi, car les deux études, une description de l'île et une généalogie des Rois de Númenor, éclairent bien le sens des récits.

Le premier récit m'a beaucoup plu : il s'agit de l'histoire d'Aldarion et Erendis, un couple malheureux, lui étant un grand marin épris de navigation et d'aventure, et elle amoureuse de sa terre et des troupeaux, de la campagne, des arbres. Lui aime les arbres pour les couper afin de construire des navires, elle voudrait les protéger. Bien qu'ils s'aiment sincèrement après longtemps et finissent par se marier, ils ne se comprendront jamais, et s'opposeront violemment quant à leur indépendance et leur mode de vie. Tous deux sont orgueilleux et on peut dire que Tolkien ne plaide pas pour une vision féministe de la condition des femmes ! C'est tout de même un curieux récit chez Tolkien, chez qui les couples servent avant tout à la généalogie et à l'Histoire des peuples, non aux sentiments des conjoints. Leurs différends sont développés, des membres de l'entourage s'impliquent, leur fille, future reine, est objet de conflit et de chantage...

Le dernier récit est l'histoire de Galadriel et Celeborn, et leurs séjours et installation en Lórien. Les fragments retranscrits tels quels et discutés par Christopher sont du Tolkien pur jus, à savoir des réflexions sur les racines d'une langue elfe ou d'une autre, des légendes autour des personnages. Bien sûr, Galadriel est un personnage-clé du Seigneur des Anneaux, elle qui détient un Anneau de pouvoir et refusera l'Anneau Unique dont elle aurait fait un mauvais usage. On y raconte aussi l'histoire d'Elessar, la pierre elfique, qui sera remise par Galadriel à celui qui porte son nom - Aragorn.
J'ai apprécié à sa juste valeur dans ce récit "recousu" l'incroyable travail qu'a fourni son fils, effectuant des recoupements dans les dates, travaillant sur le choix des noms selon la volonté de son père. Mort en 2020, il manque à l'édition. 4,5/5

Citations :
Et les marins avaient coutume de dire que, même aveugles, ils sauraient que leur navire vogue dans les parages de Númenor, rien qu'à la haute clameur des oiseaux sur le rivage ; car lorsqu'un navire survenait à l'horizon, se levaient dans l'air des hardes entières d'oiseaux de mer, pour lui souhaiter joyeuse bienvenue. (page 11)

Car Aldarion s'était épris de la Mer Immense et d'un navire voguant seul, sans nulle terre en vue, porté par les vents, l'écume au poitrail, vers des côtes et des ports inconnus ; et cet amour et ce languir jamais plus ne le devaient lâcher, jusqu'au terme de son existence. (page 21)

"Les cœurs froids ne doivent pas se mêler d'en enflammer d'autres, pour venir s'y réchauffer lors de leurs allées et venues." (page 28)

Et tel était son caractère, dès qu'il soupçonnait que d'autres s'étaient entendus pour lui tracer une voie de leur choix, qu'il se butait et sur-le-champ s'en détournait. (page 37)

(...) Erendis ne voulait que des domestiques autour d'elles, et des domestiques femmes ; et elle cherchait sans cesse à modeler sa fille à son image et à éveiller en elle sa propre rancœur à l'égard des hommes. (page 47)

"Mais est-ce que les âmes véritablement grandes s'étrécissent dans l'adversité ?" (page 65)

Dès son plus jeune âge, elle [Galadriel] posséda un don merveilleux de pénétration, mais elle était miséricordieuse en ses jugements, et compréhensive, et ne refusait sa bienveillance à personne (...). (page 99)

Et en son cœur, il résolut de façonner un joyau où serait emprisonnée la claire lumière du soleil, mais qui aurait lui-même la verdeur du feuillage. (page 125)