[Lulu, Annie] Peine des faunes
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[Lulu, Annie] Peine des faunes
Peine des Faunes
Annie Lulu
Julliard
2022
312 pages
ISBN : 978-2-260-05503-7
Annie Lulu
Julliard
2022
312 pages
ISBN : 978-2-260-05503-7
Note : Il faut saluer d'emblée la couverture conçue par Valérie Gautier, elle est très belle.
Résumé de couverture :
Peine des Faunes nous plonge dans la vie quotidienne d'une famille tanzanienne en 1986. Rébecca élève seule huit enfants. Sa fille aînée, Maggie, rêve d'étudier à l'université. Mais Rébecca entre en lutte contre une compagnie pétrolière sur le point d'exproprier les habitants de son village natal. Son départ précipité fait brusquement basculer le destin de Maggie et pose la première pierre d'une tragédie familiale s'étirant sur cinq générations.
De la Tanzanie des années 80 à l'Écosse de 2047, Peine des Faunes est une ode poétique à la fragilité de la condition humaine et un urgent plaidoyer pour le vivant. Tissant ensemble les thématiques féministe et environnementale, Annie Lulu brosse une galerie de portraits de femmes inoubliables, dont le combat pour la liberté et la justice finira par être récompensé.
Mon avis :
Dès le premier chapitre, j'ai su que ce roman allait être un coup de cœur, même au-delà, il est de ces livres qu'on a envie de prêter, pour qu'il inspire d'autres personnes. Tant par ses thèmes que par son style flamboyant qui rappelle les grands romans du réalisme magique latino-américain (curieusement, alors que l'autrice est d'origine roumaine et congolaise), ce second roman est éblouissant. Je n'ai pu que le lire d'une traite.
Annie Lulu a pris le parti d'étendre son histoire d'un passé proche (les années 1980) à un futur également proche, la fin de la première moitié de notre siècle. Ainsi, les liens de causalité qui se sont tissés au fil du temps, d'une génération à l'autre, ont tout le temps de se déployer, de s'enraciner dans l'imaginaire de cette famille, et de donner leurs fruits. L'histoire commence avec une lignée de femmes tanzaniennes remarquables : la mère de Rébecca, Omra, est aveugle et a développé ce qu'on appelle dans la famille "l'Éclat", une lumière qui est en elle et se transmet aux filles. Le mythe de ces femmes commence, elles ont toutes quelque chose d'extraordinaire, notamment le don de faire pousser des plantes, qui se transmettra loin, ou de faire de brillantes études, parfois en réunissant les deux dons, pour devenir ingénieure horticole, par exemple.
Rébecca est donc partie avec son bébé sur le dos, pour une fugue dont on ne comprend pas trop la raison : contrairement à ce que dit le résumé, elle ne part pas seulement pour sauver son village, d'ailleurs c'est Omra qui participera à cette résistance. Fuit-elle ses huit enfants, sa condition de femme au foyer ? Toujours est-il qu'elle a besoin de retrouver sa mère et les terres de son village, et qu'elle laissera sa petite dernière à sa mère, pour l'élever avec plus de soin qu'elle ne l'a fait jusque-là. Mais pendant son absence, sa fille Margaret, qui termine ses années de lycée, a volontairement poussé son amoureux et fiancé officieux, qu'elle connaît et aime depuis l'enfance, à fauter. Elle en concevra une fille, mais le mariage ne se fait pas, et elle est obligée d'accepter un mariage arrangé par son père avec Samuel, fils d'un riche négociant, qui lui promet monts et merveilles et triple sa dot. Samuel est fou d'elle, jusqu'à ce qu'il apprenne le scandale et se mette à battre férocement Maggie, avant de l'emmener en Angleterre avec ses filles.
Le destin de Margaret et l'enfance de ses filles est une horreur, marquée par la barbarie des traitements de Samuel sur sa femme : il est clair que l'autrice fait mouche - il est vivement déconseillé de faire confiance à un homme qui a déjà battu sa femme, et de revenir auprès de lui, qu'on se le dise ! Toutefois, Jina, la fille réprouvée, et Viviane, s'en sortent et retrouvent leur grand-mère. Nous suivrons leur destin, surtout en la personne du fils de Viviane, Jacob, jusqu'à la fille de celui-ci. Viviane, végétarienne convaincue, élève son fils pour qu'il devienne un Protecteur, des femmes et de la faune. Car "les Faunes", ce sont les animaux en général, toutes espèces confondues, car "on ne tue pas une créature née d'une mère", c'est le crédo de Rébecca, dite Nyanya (grand-mère). Nous verrons qu'un un avenir pas si lointain, il faudra bien en arriver à se poser la question du sort des animaux...
C'est donc une lecture à la fois passionnante et émouvante à laquelle nous convie Annie Lulu, avec des sujets qui résonnent et ne laissent pas indifférents, mais qu'elle aborde d'une façon subtile, à travers des exemples individuels qui traversent la destinée des hommes, leur conscience. La narration est terriblement prenante, chaque personnage est d'une grande justesse, et les descriptions du jardin ou des plantes de balcon de Nyanya valent le détour. Tout est littéralement envoûtant dans ce roman, qui pose également la question de la transmission, consciente ou inconsciente, de valeurs et de modes de vie familiaux, et de ce que l'éducation d'un enfant dans tous ses aspects peut changer au monde. Il est question non de vivre dans un éternel conflit au sein du patriarcat, mais de redonner sa place à la femme, à ses forces de vie, et de travailler ensemble, hommes et femmes, à un monde meilleur. 5/5
Citations :
Pour être la mère d'une fille qui a su rattraper neuf ans de scolarité en quatre ans et apprendre à lire de longs livres en anglais, il faut que je sois une femme au cœur du secret des lettres, moi aussi. (page 19)
Comme un pilier de la Création d'où proviennent des centaines de planètes et d'étoiles, le jardin de Nyanya prenait naissance dans son incroyable force de gravitation : son ouvrage. Son goût du labeur. (page 25)
Qu'ils criaient à l'injustice quand on menaçait de les déposséder d'un bien qu'ils pensaient leur appartenir de droit, hurlaient quand leurs enfants étaient en péril, et qu'ils se taisaient face à la mort des créatures et laissaient agir les tueurs même en sous-nombre. (page 74)
Samuel les chérissait l'une et l'autre, mais il reprochait à Margaret de ne pas être assez pieuse pour lui donner un fils. Il hurlait fréquemment qu'une femme à ce point sans religion, ça ne s'était jamais vu dans sa famille. (page 101)
Viviane écoutait les paroles de sa grand-mère comme à l'orée d'une éclipse et glissait vers le sommeil dans la légende des femmes de sa famille. (page 187)
Ce sont les femmes qui élèvent les tueurs, avait dit Nyanya, peut-être bien, mais Viviane ajoutait à la sentence de sa grand-mère : et ce sont elles qui élèvent les protecteurs. (page 237)
Un événement auquel , bien que certains chercheurs et activistes environnementaux eussent essayé de le prévenir depuis de très nombreuses années et d'alerter sur la situation catastrophique des espèces animales, personne ne fut réellement préparé. (page 253)
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