[Desprairies, Cécile] La propagandiste
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[Desprairies, Cécile] La propagandiste
Titre : La propagandiste
Auteur : Cécile DESPRAIRIES
Parution : 2023 (Seuil)
Pages : 224
Présentation de l'éditeur :
Dans le Paris des Trente Glorieuses, une enfant assiste aux réunions des femmes de la famille organisées au domicile de sa mère, Lucie, dans un immeuble haussmannien. On parle chiffons et on s’échange les potins du jour. L’ambiance est joyeuse. Plus agitée, aussi, quand il s’agit d’évoquer, à mots voilés, le passé de Lucie, ce grand amour qu’elle aurait connu, pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de se remarier.
Qui est Lucie ? Qu’a-t-elle fait précisément, avant ?
De fil en aiguille, perçant les mensonges et les non-dits de cette mère énigmatique, l’enfant, devenue adulte et historienne de profession, met à nu la part d’ombre de Lucie et de toute une partie de sa famille. Les masques tombent, et l’histoire de cette femme, collaboratrice zélée, en France, sous l’Occupation, se révèle en plein, à l’image d’un passé collectif dont on n’a, aujourd’hui encore, pas fini de faire l’inventaire. La Propagandiste jette un regard sans concession sur la France de la collaboration et son empreinte sur notre mémoire collective.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née à Paris en 1957, Cécile Desprairies est germaniste et historienne de l’Occupation en France. Elle a publié de nombreux ouvrages sur les images de propagande, les lieux et les lois de cette période, notamment Paris dans la collaboration (Seuil, 2009). La Propagandiste est son premier roman.
Avis :
Historienne, Cécile Desprairies est devenue une spécialiste de la France occupée et collaborationniste. Auteur de nombreux ouvrages historiques sur le sujet, elle aborde pour la première fois le registre romanesque pour raconter l’histoire de sa mère, Française pro-nazie : un récit glaçant qui vient courageusement couronner une vie obsessionnellement consacrée au besoin de comprendre et, loin des discours familiaux, de replacer dans sa réalité concrète la terrible signification des mots « Occupation » et « collaboration ».
Au milieu des années 1960, la narratrice alors enfant assiste chaque matin, dans une ambiance de « gynécée », à de curieuses réunions dans le très chic appartement parisien de ses parents. Sous le patronage de sa mère, véritable « maîtresse de cérémonie », tante, grand-mère et cousine s’immergent avec nostalgie dans l’évocation à demi-mot d’un âge d’or perdu, « cette époque qui leur [a] été favorable », où « elles [ont] su se débrouiller », « une sorte de conte de fées » dont elles se félicitent de manière énigmatique de n’être « pas passées à côté. » Témoin muet d’un « spectacle en langue étrangère, sans sous-titres », la petite Cécile ne comprend pas et s’interroge, le mystère encore épaissi par les étranges marottes maternelles, comme celles de lui faire réciter, « comme une ritournelle », les verbes irréguliers allemands, ainsi que les villes et les fleuves d’outre-Rhin.
Soixante ans plus tard, l’enfant grandie dans les non-dits et un langage qu’il lui aura fallu apprendre à questionner, mettant au jour d’insondables précipices sous la prétendue innocuité des apparences, n’en finit pas d'entraîner toujours plus avant l’adulte qu’elle est devenue dans une insatiable quête de vérité. Ses parents désormais tous deux décédés – « j’ai poussé un discret soupir de soulagement. Enfin, une vie libre pouvait commencer » –, la voici donc qui, brisant le silence, poursuit son cheminement, à la fois personnel sous l’encombrant fardeau laissé en héritage par sa famille, et en faveur du devoir de mémoire avec ce rare et courageux témoignage, non pas du côté des victimes, mais de ceux qui ont profité de la situation en ralliant sans vergogne le camp de l’ignominie.
C’est dans un effroi sidéré que l’on découvre, par-delà les coupables agissements des membres de cette famille pendant la guerre et leur rebond en toute impunité après la Libération, la profondeur des convictions qui, leur vie durant, ne faibliront jamais, confinant même à une forme de folie dans le cas de Lucie, la mère de l’auteur. Jamais remise de la mort, en 1944, de son grand amour et premier mari, le jeune nazi Friedriech dont les travaux sur la biologie génétique faisaient un Mengele en puissance, cette femme farouchement antisémite et germaniste convaincue, si efficace dans sa participation « aux publications du Cahier jaune, réservé aux adultes, et à celles de la brochure Youpino, destinée aux enfants, tous édités par le Commissariat général aux questions juives » et aux campagnes de propagande nazie dans la France occupée qu’on la surnomma la « Leni Riefenstahl de l’affiche » et « la propagandiste », sut, avec son clan, jouer les caméléons quand le vent tourna, mais s’enferma alors, jusqu’à la fin de ses jours, dans l’antalgie d’un déni qui la fit, en privé, s’imaginer sa vie « als ob », « comme si » « ces salauds » n’avaient pas « condamné Pétain », « Laval » ou « assassiné Henriot ». Opportunément remariée à un haut fonctionnaire, pétainiste antisémite reconverti résistant au bon moment et profitant pleinement de l’euphorie des Trente Glorieuses, on la retrouve riche bourgeoise et mère de quatre enfants, pétrie de ressentiment envers ses contemporains dans ce qui devenu un culte à ses idoles nazies, ne vivant plus que de ses réminiscences heureuses de l’Occupation, entre appartements et meubles spoliés par les siens.
Décortiquant la psychologie complexe de sa mère pour un portrait vertigineux où opportunisme se conjugue avec aveuglement, Cécile Desprairies brise silence et tabous pour un récit aussi personnel et courageux qu’édifiant et nécessaire. « À [elle] de combler les blancs, donner du sens, lier les événements, au-delà de ce qui a été. C’est [s]on héritage, la part qui [lui] échoit, [elle] n’en aura pas d’autre. » (4/5)
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