[Appanah, Nathacha] La mémoire délavée
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[Appanah, Nathacha] La mémoire délavée
Titre : La mémoire délavée
Auteur : Nathacha APPANAH
Parution : 2023 (Mercure de France)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Ce poignant récit s’ouvre sur un vol d’étourneaux dont le murmure dans une langue secrète fait écho à toutes les migrations et surtout à celle d’aïeux, partis d’un village d’Inde en 1872 pour rejoindre l’île Maurice.
C’est alors le début d’une grande traversée de la mémoire, qui fait apparaître autant l’histoire collective des engagés indiens que l’histoire intime de la famille de Nathacha Appanah. Ces coolies venaient remplacer les esclaves noirs et étaient affublés d’un numéro en arrivant à Port-Louis, premier signe d’une terrible déshumanisation dont l’autrice décrit avec précision chaque détail. Mais le centre du livre est un magnifique hommage à son grand-père, dont la beauté et le courage éclairent ces pages, lui qui travaillait comme son propre père dans les champs de canne, respectant les traditions hindoues mais se sentant avant tout mauricien.
La grande délicatesse de Nathacha Appanah réside dans sa manière à la fois directe et pudique de raconter ses ancêtres mais aussi ses parents et sa propre enfance comme si la mémoire se délavait de génération en génération et que la responsabilité de l’écrivain était de la sauver, de la protéger. Elle signe ici l’un de ses plus beaux livres, essentiel.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Nathacha Appanah a publié son premier roman, Les Rochers de Poudre d’Or, en 2003, aux éditions Gallimard. Elle est l’autrice, notamment, du Dernier Frère, de Tropique de la violence, de Rien ne t’appartient. Son travail embrasse à la fois les relations familiales, la mémoire, les questions géopolitiques et sociales avec une plume sensible et précise. Née à l’île Maurice et vivant depuis plusieurs années en France, ses livres sont traduits en plusieurs langues et ont été couronnés de nombreux prix littéraires. En 2022, elle a reçu le Prix de la langue française pour l’ensemble de son œuvre.
Avis :
Le temps délave la mémoire, et souvent même, il la réécrit, en un palimpseste infini. Alors, comme pour la préserver en la fixant, Natacha Appanah en entreprend la traversée, explorant avec pudeur et tendresse la vie de ses aïeux jusqu’à sa propre enfance et retraçant, en même temps que l’histoire intime de sa famille, celle collective des engagés indiens à l‘île Maurice.
« Tant qu’il y aura des mers, tant qu’il y aura la misère, tant qu’il y aura des dominants et des dominés, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des bateaux pour transporter les hommes qui rêvent d’un horizon meilleur. » Comme la poétique ouverture de son récit interroge inlassablement les indéchiffrables et éphémères motifs tracés dans le ciel par les nuées d’étourneaux s’élançant chaque année dans leur long voyage migratoire, cela fait vingt ans, depuis qu’elle a commencé à prendre la plume, que l’auteur revient, encore et toujours, sur les traces de sa propre histoire de migration. Ses trisaïeux, réduits à l’état de matricules - 358444, 358445 et 358448 pour leur fils – ont débarqués à l’île Maurice en 1872. Ils avaient emprunté cette route qui, de 1834 à 1920, devait mener à Port-Louis des centaines de milliers d’engagés indiens, aussi appelés coolies, pour pallier au manque de main d’oeuvre consécutif à l’abolition de l’esclavage. « Volontaires » contraints à l’exil par la misère, ces hommes et ces femmes qui rêvaient d’une vie meilleure se sont en fait retrouvés dans un système de servage dont bien des aspects évoquent, selon les historiens, ni plus ni moins qu‘une « nouvelle forme d’esclavage ». Celle-ci est simplement passée au travers des mémoires européennes, comme le constate l’auteur chaque fois qu’en France, où elle vit depuis ses vingt ans, on l’interroge sur ses origines.
Mais ce délavage des réalités historiques n’est pas le seul fait d’une mémoire collective sélective. Lorsque, au-delà des archives et des documents officiels par lesquels elle a commencé ses investigations, elle entreprend de recueillir les souvenirs familiaux, c’est au filtre très émotionnel de la transmission intergénérationnelle qu’elle se heurte. De leur vécu dans les plantations de canne à sucre, ses grands-parents ont toujours pensé protéger leur descendance en gardant leurs mots et leurs sentiments au plus secret d’eux-mêmes. Pour écrire sur eux, pour eux, il lui faut remonter patiemment le fil des souvenirs, ceux de sa propre enfance et ceux égrenés par ses parents et ses grands-parents au gré de résurgences aléatoires et fragiles, qu’avec une infinie délicatesse, elle assemble dans le touchant souci de leur rester fidèle.
« Il y a ces minutes étranges, gris-bleu, glissantes, quand le soleil s’en va et quelque chose venu du fond des âges remonte et se rappelle à nous. » Cette chose, Nathacha Appanah nous la fait toucher du doigt au travers de ses reflets mouvants et délavés, accomplissant un essentiel devoir de mémoire et adressant à ses grands-parents un hommage magnifique de sincérité et de tendresse. (4/5)
Re: [Appanah, Nathacha] La mémoire délavée
Je retiens ce livre, car mon oncle est marié à une Mauricienne, et je ne connais pas si bien l'histoire de l'Île Maurice. Ma tante est typée indienne, leurs enfants surtout, et imprégnée de culture indienne (Bollywood, cuisine, port du sari...).
J'ai offert à ma mère un autre roman sur l'Île Maurice, mais je ne l'ai pas encore lu, c'était Rivage de la colère, de Caroline Laurent.
Tu connais peut-être déjà cette chaîne Youtube : la librairie Mollat de Bordeaux a consacré une interview, ou plutôt présentation du livre par Nathacha Appanah. Elle est très élégante dans sa façon de parler, douce et calme. J'aime bien sa réflexion sur son projet d'écriture.
J'ai offert à ma mère un autre roman sur l'Île Maurice, mais je ne l'ai pas encore lu, c'était Rivage de la colère, de Caroline Laurent.
Tu connais peut-être déjà cette chaîne Youtube : la librairie Mollat de Bordeaux a consacré une interview, ou plutôt présentation du livre par Nathacha Appanah. Elle est très élégante dans sa façon de parler, douce et calme. J'aime bien sa réflexion sur son projet d'écriture.
- vidéo librairie Mollat - Nathacha Appanah:
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Re: [Appanah, Nathacha] La mémoire délavée
Ses livres lui ressemblent, Elea.
J'avais aussi beaucoup aimé Rivage de la colère.
Ces deux livres sont tout à fait recommandables.
J'avais aussi beaucoup aimé Rivage de la colère.
Ces deux livres sont tout à fait recommandables.
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