[Aragon, Louis] Une vague de rêves
Page 1 sur 1
Quel est votre avis sur ce récit ?
[Aragon, Louis] Une vague de rêves
Une vague de rêves
Louis Aragon
Seghers "Poésie d'abord"
1923
56 pages
EAN : 9782232122903
Louis Aragon
Seghers "Poésie d'abord"
1923
56 pages
EAN : 9782232122903
Résumé de l'éditeur :
Avec Une vague de rêves, c’est un texte splendide tombé dans les oubliettes de l’histoire littéraire qui revoit le jour. Légèrement antérieure au Manifeste de Breton, et rédigée dans une langue qui est moins doctrinaire que la sienne, Une vague de rêves est l’un des textes fondateurs du surréalisme. Publié pour la première fois en octobre 1924 dans le numéro 2 de la revue Commerce que dirigeaient Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valéry Larbaud, ce texte d’Aragon appartient de plein droit à l’aventure du surréalisme, ses expériences, sa théorisation et sa mise en œuvre littéraire.
Aragon y exprime la fascination que lui inspire l’univers du rêve, les " Rivieras de l’irréel ", les frissons du délire et l’écriture du désastre. Ce texte témoigne également d’une incapacité à supporter la contradiction entre son implication dans le mouvement surréaliste et l’aspiration à l’écriture romanesque. Les phrases qui " cognent à la vitre " du sommeil seront le point de départ des romans à venir.
Mon avis :
Je lis les Œuvres poétiques complètes de Louis Aragon, tome I dans la Pléiade, mais pour plus de commodité, je préfère présenter les livres achetables séparément en volume - j'indique donc les références de ceux-ci.
J'ai découvert avec un grand intérêt ce court texte (guère plus de 20 pages dans mon édition), dans lequel Aragon nous relate l'aventure surréaliste et à sa manière poétique, presque hypnotique, nous en donne une définition. Il est dommage que cet écrit soit resté aussi méconnu alors que, de l'aveu du poète, cette brochure "coûtait fort cher". Sans entrer en concurrence avec le futur Manifeste du Surréalisme d'André Breton, Aragon nous présente autrement l'espoir des surréalistes liés à la langue, à une manière de dépasser la littérature pour exprimer le cœur même de la réalité, ou plutôt de la vérité, puisqu'il est formé du réel et de l'irréel, réunis en une réalité supérieure qui s'exprime par images libres.
En nous rappelant les expériences tentées par ces poètes, aux marges du sommeil, de l'hypnose, du rêve, Aragon nous en explicite également les dangers. Certains auteurs se suicidèrent, frôlèrent de près la folie, d'autres se battirent... Après avoir appris à contrôler le "sommeil hypnotique", durant lequel leurs paroles atteignaient à l'étrangeté et à la beauté des prophéties, il fallait parfois "enlever les couteaux des mains des dormeurs", en peinant même à les réveiller. Ils durent temporiser et mettre fin à leurs expériences. Avec une écriture magnifique, toute d'élan et de lyrisme, Aragon nous présente la quête merveilleuse des poètes et peintres surréalistes. Il nous fait même la liste des membres de leur groupe, avec un portrait en brèves notations pour chacun, et chacune, puisqu'il respectait et n'oubliait pas les femmes.
C'est un document saisissant et très vivant qu'il nous livre là, j'avoue qu'il m'a donné envie de relire les surréalistes connus comme Breton, Desnos, Eluard, mais aussi de découvrir Crevel, Benjamin Péret, Philippe Soupault, Pierre Reverdy... Aragon est un immense poète dont le lyrisme a toujours résonné en moi, et je suis impatiente d'avancer vers ses plus grandes œuvres, Les Yeux d'Elsa, La Diane française, mais aussi de connaître Le Paysan de Paris, Le Mouvement perpétuel. Ces années entre les deux guerres sont une époque glorieuse de la littérature, dont Aragon est un digne représentant, mais aussi, nous apercevons-nous, un chroniqueur passionné. Ce texte en prose est court et vraiment important à découvrir pour toute personne qui s'intéresse au surréalisme. J'ajoute que la notice de l'édition Pléiade et les notes m'en ont appris de belles :
- détails croustillants:
- Robert Desnos, durant une série de sommeil dirigé, a poursuivi Paul Eluard avec un couteau... Il a été extrêmement difficile de le réveiller et de les séparer. Certains ont pensé que c'était une simulation, qu'il avait voulu l'agresser.
Crevel lors d'une autre séance de sommeil a terrorisé les dames avec une prophétie très sombre.
Enfin, une réunion a tourné à la bagarre générale : cette fois, c'est Eluard qui s'en est pris à d'autres membres : il a fini par être maîtrisé et plaqué sur le piano.
Citations :
Alors l’esprit se déprend un peu de la mécanique humaine, alors je ne suis plus la bicyclette de mes sens, la meule à aiguiser les souvenirs et les rencontres. (page 83)
Leurs esprits sont des monstres hybrides, enfants du singulier amour de l’huître et de la buse. (page 84)
Ils s’y sont jetés comme à une mer, et comme une mer trompeuse voici que le surréalisme menace de les emporter vers un large où croisent les requins de la folie. (page 86)
Ainsi les premiers surréalistes, quand ils eurent atteint à une fatigue extrême par l’abus de ce qui leur semblait encore un simple jeu, virent se lever les prodiges, les grandes hallucinations qui accompagnent l’ivresse des religions et des stupéfiants physiques. C’était au temps que nous nous réunissions le soir comme des chasseurs, nous faisions notre tableau de la journée, le compte des bêtes que nous avions inventées, des plantes fantastiques, des images abattues. (page 86)
Nous éprouvions toute la force des images. Nous avions perdu le pouvoir de les manier. Nous étions devenus leur domaine, leur monture. (page 86)
Chaque jour ils veulent dormir davantage. Ils sont enivrés de leurs paroles si on les leur rapporte. Partout ils s’endorment. (page 89)
Rêves, rêves, rêves, tout n’est que rêve où le vent erre, et les chiens aboyeurs sortent sur les chemins. (page 91)
Grande inutilité, mer moutonnante, je suis ta falaise rongée. (page 96)
elea2020- Grand sage du forum
-
Nombre de messages : 5875
Age : 56
Localisation : 44
Emploi/loisirs : enseignante en reconversion
Genre littéraire préféré : dystopies et classiques, littérature russe
Date d'inscription : 02/01/2020
Sujets similaires
» [Aragon, Louis] Feu de joie
» [Trainar, Guy] Vague de divin
» [Aragon, Louis] Le Paysan de Paris
» [Aragon, Louis] Le collaborateur et autres nouvelles
» [Lafontaine, Jean-Louis] La machine à rêves
» [Trainar, Guy] Vague de divin
» [Aragon, Louis] Le Paysan de Paris
» [Aragon, Louis] Le collaborateur et autres nouvelles
» [Lafontaine, Jean-Louis] La machine à rêves
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum