[Rolin, Olivier] Jusqu'à ce que mort s'ensuive
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[Rolin, Olivier] Jusqu'à ce que mort s'ensuive
Titre : Jusqu'à ce que mort s'ensuive
Auteur : Olivier ROLIN
Parution : 2024 (Gallimard)
Pages : 208
Présentation de l'éditeur :
« Ceux devant qui se sont dressés, sous l’éclatant ciel bleu de juin, ces deux effrayants chefs-d’œuvre de la guerre civile, ne les oublieront jamais » : Victor Hugo, dans un chapitre des Misérables, évoque ainsi les deux plus formidables barricades de l’insurrection parisienne de juin 1848, dont il fut un témoin et même un acteur. À la tête de l’une un « gamin tragique », ouvrier mécanicien, derrière l’autre un géant truculent, ex-officier de marine.
Emmanuel Barthélemy, l’ouvrier, et Frédéric Cournet, le marin, ne sont pas des personnages de fiction, ils ont réellement existé. Ils ont beau se battre du même côté en ces jours de sang, ils vont devenir des ennemis mortels. Hugo résume leur destinée furieusement romanesque en quelques lignes qui m’ont donné envie de reconstituer du début jusqu’à la fin, de Paris à Londres, l’histoire croisée de ces deux figures oubliées des révolutions du dix-neuvième siècle. On y voit des barricades, le bagne, des évasions, un coup d’État, un duel à mort, plusieurs meurtres, le gibet, et des comparses comme Karl Marx et Napoléon III. Et Hugo lui-même, excusez du peu.
C’est ce livre.
Un mot sur l'auteur :
Né en 1947, Olivier Rolin a obtenu le prix Femina pour Port-Soudan en 1994, le prix France Culture pour Tigre en papier en 2003 et le prix du Style pour Le Météorologue en 2014. Il a reçu en 2010 le grand prix de littérature Paul Morand de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Avis :
Intrigué par un court passage digressif des Misérables, Olivier Rolin a entrepris une enquête remarquable, qu’il qualifie humblement de « note en bas de page » du célèbre ouvrage. « Les livres servent à en susciter d’autres » écrit-il. Le sien est d’une précision chirurgicale, fruit d’une documentation titanesque, et nous plonge en plein souffle révolutionnaire au XIXe siècle.
Au début du cinquième tome des Misérables, celui où Gavroche tombe sous les balles des gardes nationaux, Victor Hugo fait une digression sur les « deux plus mémorables barricades » qu’ait connu l’histoire sociale, non pas pendant l’insurrection républicaine de 1832 qui sert de cadre à son roman, mais plus tard, lors de la révolte ouvrière de juin 1848, peu après la proclamation de la IIe République. Barrant l’entrée du faubourg Saint Antoine et l’approche du faubourg du Temple d’une hauteur atteignant de deux à trois étages, ces « Charybde » et « Scylla » furent édifiées par deux chefs révolutionnaires, selon Hugo des antithèses l’un de l’autre – l’herculéen et tonitruant Frédéric Cournet, ex-officier de marine, et le « maigre, chétif, pâle » ouvrier Emmanuel Barthélemy, « une espèce de gamin tragique » –, qui, proscrits à Londres, finirent par s’entretuer en duel trois ans plus tard. C’est en l’occurrence le malingre qui eut raison du colosse.
Olivier Rolin qui, ancien militant d’extrême gauche investi dans l’organisation de sabotages, enlèvements et intimidations dans les années 1970, a écrit depuis sur la perte et la nostalgie de l’idéal révolutionnaire, était sans doute prédisposé comme personne à relever l’aparté de Victor Hugo et à s’intéresser de plus près à ces deux meneurs insurgés qui ont marqué le grand homme avant de tomber dans l’oubli. Son souci d’exactitude lui fait explorer d’une façon quasi maniaque la moindre trace, si ténue soit-elle. La littérature – Hugo, Balzac, Sue, Gauthier, Dickens et bien d’autres –, mais aussi la peinture, l’aident à superposer lieux et atmosphères d’alors à ceux et celles d’aujourd’hui. « La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d’une ville disparue, est une activité d’essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d’autant plus grande qu’elles sont minuscules. »
Parfois, les informations manquent, ou se contredisent, le génie hugolien n’étant pas le dernier à prendre des libertés avec les détails réels pour parfaire son matériau romanesque. Scrupuleuse, la narration annonce ses limites, avance ses hypothèses, avoue ses erreurs, le tout dans une reconstitution qui reste fluide, se teinte d’humour, et surtout réussit à redonner vie à ses deux personnages historiques, sans les dénaturer, avec une intensité d’autant plus impressionnante que les indices sont rares, disséminés, et que les réunir relève de l’exploit. Et puis, l’on sait depuis le début que ces deux-là vont en venir à la confrontation. Attendue dans un certain suspense, cette partie du récit, avec le duel, la fuite, d’autres coups de feu meurtriers, une arrestation mouvementée et une exécution capitale n’a rien à envier aux péripéties d’un polar, captivant, immersif, véridique.
C’est admiratif que l’on referme cet ouvrage intéressant, modestement construit avec les copeaux laissés par le temps à travers lieux et littérature, et qui parvient magistralement à faire revivre dans toute leur authenticité les figurants d’un grand roman classique. (4/5)
Re: [Rolin, Olivier] Jusqu'à ce que mort s'ensuive
Tu as piqué ma curiosité.
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Lectures en cours :
Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli
Pourquoi le saut des baleines de Nicolas Cavaillés
Un loup quelque part d'Amélie Cordonnier.
La pensée du moment :
"Les Hommes sont malheureux parce qu'ils ne réalisent pas les rêves qu'ils ont" Jacques Brel.
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