[Mukherjee, Abir] Les ombres de Bombay
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[Mukherjee, Abir] Les ombres de Bombay
Les ombres de Bombay (The Shadows of Men)
Auteur : Abir Mukherjee
Traduit de l’anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson
Éditions : Liana Levi (7 Mars 2024°
ISBN : 9791034908882
374 pages
Quatrième de couverture
Calcutta 1923. Gandhi est en prison, et les tensions entre communautés religieuses sont à leur comble. La plus petite étincelle mettrait le feu aux poudres. Alors, quand un célèbre homme de lettres hindou se fait assassiner dans un quartier musulman de Calcutta, il faut tout faire pour masquer le crime. Mais la rumeur est plus rapide que le sergent Banerjee pourtant arrivé sur les lieux aussitôt. Très vite, la ville est à feu et à sang. Après quelques déboires, Banerjee se lance à la poursuite du principal suspect. Le capitaine Wyndham lui emboîte le pas, et les deux enquêteurs se retrouvent bientôt à Bombay dans un climat politique de plus en plus explosif.
Mon avis
Abir Mukherjee est un écrivain d’origine indienne, né à Londres en 1974. Il est traduit en France depuis 2019. C’est le cinquième roman que je lis de lui. Ils se situent tous en Inde après 1919 et intègrent deux personnages récurrents que l’on voit évoluer (mais chaque histoire peut se lire séparément même si c’est plus intéressant de le faire dans l’ordre). Deux hommes, collègues, mais que tout oppose et qui pourtant partagent un appartement. Il s’agit de deux policiers : le capitaine Sam Wyndham inspecteur de Scotland Yard, vétéran de la première guerre mondiale, installé à Calcutta pour rebondir et le sergent Satyendra Banerjee qui lui, est indien et dont les parents auraient souhaité une autre situation professionnelle.
Malgré leurs différences de vie, de quotidien, de culture, de formation, de perception du monde et des hommes, ils collaborent, se respectent, s’aident et essaient de mener à bien leurs enquêtes. Pour chaque récit, le contexte historique est riche, bien documenté. On comprend que rien n’est évident, ni pour le colonisateur, ni pour les colonisés. Certains faits évoqués peuvent expliquer les attitudes des protagonistes, les réactions. Il y a un gros travail de recherches de la part de l’auteur.
Cette fois-ci, nous sommes en 1923, à Calcutta, toujours sous domination britannique. Gandhi est emprisonné et les groupes communautaires religieux se déchirent. Sam et Satyen ne sont pas ensemble et ils prennent la parole à tour de rôle. En tête de chapitre, leur nom qui permet de savoir qui s’exprime. Banerjee a été envoyé en mission par un supérieur et Sam l’attend…. Sauf qu’il ne viendra jamais car rien ne s’est passé comme prévu. Le sergent est dans une situation plus que délicate et c’est très compliqué car s’il l’aide le capitaine peut se mettre en danger. Pourtant, il veut soutenir son coéquipier. Un assassinat a mis la ville en émoi et il faut agir pour calmer tout ça.
Parfois ensemble, parfois séparés, les deux policiers doivent se cacher, agir avec discrétion, dénicher des alliés (ils croisent deux femmes formidable et exceptionnelles), ruser, trouver des solutions, se faire confiance, croire ou pas ceux qu’ils rencontrent. Le lecteur est embarqué, grandeur nature, dans cette nouvelle aventure et c’est fascinant.
Je n’aurais jamais pensé qu’Abir Mukherjee pouvait encore se bonifier. Et bien si ! Tout y est ! L’ambiance est décrite avec intelligence, précision, elle est comme « vécue », les relations humaines sont bien en lien avec l’époque, le pays. On sent que tout peut exploser à n’importe quel moment.
« L’air semblait brûler, comme chargé d’une violence menaçante et électrique. »
J’aime beaucoup le style et l’écriture (en plus, dans ce recueil, il a fallu l’adapter à Sam ou Sayten et à leurs émotions, façons de penser etc). Je remercie les nouveaux traducteurs (avec une douce pensée pour la regrettée Fanchita Gonzalez Battle), ils ont su maintenir ce qui fait la « patte » de l’auteur qui a toujours une pointe d’humour malgré la gravité des événements qu’il expose.
« […] il affichait cet air d’optimiste infondé dont il est si friand et qui me rappelle celui d’un chiot devant encore se familiariser avec les bottes des hommes et le caractère traditionnellement capricieux du monde. »
Il a une immense culture et c’est très intéressant par exemple lorsqu’il évoque les Parsis, on apprend énormément. Il explique également comment tout peut être soumis à interprétation, combien les hommes peuvent changer suivant le lieu où ils sont ou les personnes qu’ils ont en face d’eux. Peut-être que quelques fois, il est nécessaire d’être caméléons pour survivre dans un lieu où les braises couvent….
« En public, ils proclament que les Britanniques ne sont que des vampires suçant le sang de l’Inde […] Mais loin des feux de la rampe, ils sont bien souvent des individus fort agréables […] »
C’est une lecture dépaysante, enrichissante, plaisante, prenante et je ne me lasse pas de cet univers !
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