[Minville, Benoit] Rural noir

Titre : Rural noir
Auteur : Benoit Minville
éditeur : édition Gallimard
Nombre de pages : 256 pages

Présentation de l’éditeur :

Adolescents, Romain, Vlad, Julie et Christophe étaient inséparables; ils arpentaient leur campagne et formaient un « gang » insouciant. Puis un été, tout bascule. Un drame, la fin de l’innocence.
Après dix ans d’absence, Romain revient dans sa Nièvre désertée, chamboulée par la crise, et découvre les différents chemins empruntés par ses amis.

Mon avis :

Nous on n’a pas les plombiers polonais ici, on a les garagistes serbes.

Voilà ce que dit J.R. (diminutif de Jean-René, gendarme de son état) à Chris et Rom, deux frères qu’il auditionne. Tous trois se connaissent depuis l’enfance, ils ont pris des voies très différentes, mais tous aujourd’hui se retrouvent dans ce trou paumé de la Nièvre qui les a vus naitre et grandir. Comme tant d'autres, la Nièvre est un département que l’on laisse crever dans l’indifférence générale, pas d’industrie, pas de commerce, des agriculteurs qui tiennent comme ils peuvent, des hommes politiques qui se moquent bien d’eux. On ne peut pas vivre là ? Aller vivre ailleurs (simple, net, efficace).

Rom est parti voici dix ans, sans que son frère et ses amis ne comprennent pourquoi. Quand il revient, il découvre en accéléré ce qui s’est passé en dix ans, ce qui a fermé, ce qui a perduré, ce que sont devenus ses amis, dont Julie, la belle Julie, aujourd’hui infirmière en chef dans un service qui part à vau l’eau, comme tout l’hôpital public en France. Il ne raconte pas des bobards à ses proches, non, il ne s’est pas enrichi, il s’est laissé porter, allant là où il avait envie de vivre, trouvant des petits boulots, partant quand il n’y avait plus rien, et espérant bien trouver du travail ici. Il en est bien qui s’acharne à faire vivre ce trou perdu.

Et un drame survient. Inattendu, tragique, replongeant le trio (Romain, Chris et Julie) dans un passé que certains auraient voulu oublier, alors qu’un autre ne sait pas réellement ce qui s’est passé, ne s’est pas que ce qui s’est passé quinze ans plus tôt a tout changé pour son frère, pour ses amis, même pour ceux qu’il n’appréciait pas tant que cela. Les ennemis de mes amis sont mes ennemis. Mais les amis de mes amis, je ne les comprends pas toujours pourrait dire Romain et Chris. Ceux qui paraissent les plus étranges, ou les plus ruraux, pour ne pas utiliser un autre mot (oui, je pense à cette fratrie que personne ne veut fréquenter, dont tout le monde s’écarte) ne sont pas forcément les personnes les plus à craindre, sauf si l’on vient troubler leur tranquillité. Il en est, d’ailleurs, qui trouble la tranquillité de tout le monde. Il en est qui donne bien du fil à retordre aux gendarmes, J.R. en tête, qui ne supporte pas qu’on lui dise qu’il ne fait rien – parce que ce n’est pas vrai ! Sauf que rien n’est facile dans ce trou perdu ignoré de tous.

Alors je pourrai conclure par des banalités, vous dire que nous naviguons entre passé et présent sans que cela ne nous pose problème, que l’on change de narrateur aussi, même si nous suivons toujours Romain, qui voit ce qui a été construit et ce qui a été dévasté depuis qu’il est parti. Je pourrai dire aussi que les femmes sont toujours les grandes victimes, où que l’on aille. Ce serait oublier l’extraordinaire force de ce roman.