[Boislève, Jacques] Promenades littéraires en Pays de la Loire
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[Boislève, Jacques] Promenades littéraires en Pays de la Loire
Promenades littéraires en Pays de la Loire
Anthologie de textes littéraires par Jacques Boislève
Ateliers Kerdoré - 1991
249 pages
ISBN : 2-908924-04-8
Anthologie de textes littéraires par Jacques Boislève
Ateliers Kerdoré - 1991
249 pages
ISBN : 2-908924-04-8
Résumé de couverture :
C'est une démarche à bien des égards apéritive qui se trouve entreprise pour susciter l'envie de découvrir un pays qui le mérite tout en donnant le goût de lire les auteurs, et souvent non des moindres, qui l'ont parcouru. Mais, littérature régionale oblige, sans mépriser les petits maîtres, souvent charmants. Ces lectures, on gagnera à les faire "in situ", à l'occasion de promenades littéraires. Quatre sont ici proposées : du bocage à la Loire et de la Loire à l'océan, avec des pages vertes pour commencer et des pages bleues pour continuer.
Mon avis :
Bien qu'il soit difficile à classer, entre recueil thématique de textes littéraires et guide de voyage, j'ai eu un véritable coup de cœur pour ce livre atypique, agencé de main de maître par l'écrivain et journaliste Jacques Boislève, déjà auteur de La Loire vue du ciel, avec le concours de Yann Arthus-Bertrand. L'auteur présente chaque partie, situant la zone évoquée dans son cadre historique et géographique : la forêt et le bocage, le massif des Mauges, le pays chouan et vendéen, les abbayes, la Loire, l'Anjou, la région nantaise, l'océan...
La composition de ce recueil de textes est absolument remarquable : tout en adoptant une approche thématique par genre de paysages, Jacques Boislève a su associer ces endroits avec des auteurs et des personnages particuliers ; on peut y croiser aussi bien des auteurs locaux que des auteurs nationaux de passage dans ces régions, des paysans, des faux-saulniers, des matelots ou corsaires, des personnages historiques comme Gilles de Rais et Jeanne d'Arc, Foulque Nerra, Rabelais, Alexandre Dumas... Mais aussi des personnages de fiction, comme Rouget le Braconnier, Marche-à-terre, le père Grandet... Que de monde, et que de diversité en tout : j'en suis arrivée à mieux aimer la région où je vis, et dont je ne connais somme toute qu'une infime parcelle. Cette région de France seule était d'une si absolue diversité, de paysages et de végétation, d'architecture, de modes de vie et de travail ! Nous aurions mieux fait de conserver nos traditions que de tout uniformiser...
Les textes se succèdent, toujours d'une qualité sans défauts, opérant entre de subtils recoupements, des échos d'un auteur à l'autre - j'ai vraiment compris avec ce livre les enjeux d'une anthologie réussie. J'ai découvert des auteurs que je ne connaissais pas, qu'ils soient un peu anciens comme René Bazin, le père d'Hervé, moins connus comme Lucien Bodard, ou Marc Elder et Jean Yole, qui plus est auteurs attachés à leur région. Les phrases sont belles, les idées séduisantes, les faits instructifs, l'Histoire nous guette toujours au détour d'un paragraphe, comme des talus du pays chouan, et nous dérivons dans les courbes sensuelles de la Loire et sa fameuse "douceur angevine", nous sommes fouettés par le vent du grand large, nous sommes bercés par les modes de vie d'autrefois ou motivés par la modernité des chantiers de l'Atlantique. C'est un voyage à faire et refaire, à parachever par un cheminement réel sur les traces des grands auteurs ou des grands personnages, sur les chemins de nos paysages, toujours riches en surprises et en secrets... 5/5
Citations :
La forêt offre naturellement un refuge salutaire au paysan révolté et le prêtre traqué retrouve spontanément pour officier le chemin des vieux chênes. ("Dans les profondeurs du bocage" - Le Pays profond, partie I, page 19)
Ce château* est comme un fantôme, muet, froid, abandonné, dans cette campagne déserte ; il a l'air maudit et plein de ressouvenances farouches. Il fut habité pourtant, le séjour triste dont les hiboux semblent maintenant ne pas vouloir. Dans le donjon, entre quatre murs livides comme le fond des vieux abreuvoirs, nous avons compté la trace de cinq étages. A trente pieds en l'air une cheminée est restée suspendue avec ses deux piliers ronds et sa plaque noircie.
*château de Tiffauges, où vécut Gilles de Rais (Gustave Flaubert, "Par les champs et par les grèves", page 80)
Pour cette salle demi-enterrée, pour l'élan si pur de la nef, pour les moisissures roses, vertes et noires qui peignent à fresque certains murs, je suis revenu pendant plus de vingt-cinq années... J'ai entendu l'air siffler aux fenêtres élevées, j'ai suivi le vol des oiseaux qui entrent et sortent, j'ai vu les pommiers fleuris à travers les fenêtres en trinité au fond du chœur, où paraît d'abord la lumière. (Clairmont, Jean-Loup Trassard, page 112)
Les durs capitaines n'avaient guère de religion : ils juraient pis que des païens. Leurs hommes ne leur cédaient en rien sur ce chapitre. Jeanne [d'Arc] les pria de cesser leurs jurons et les envoya en confesse. Ils ne surent qu'obéir avec promptitude. Ah ! Frère qu'il suffit de peu pour retourner un homme, fût-il recuit par l'enfer des batailles... (Requiem pour Gilles, Georges Bordonove, page 140)
Cette recherche m'aura du moins donné l'occasion d'entrer dans la vie intime de la ville plus avant que nous n'avons coutume de le faire, nous, Parisiens, quand nous nous promenons en province. J'ai ainsi battu Saumur en tous sens, parcourant les vieilles rues, pénétrant dans les vieilles demeures, causant avec les vieilles gens, écoutant les vieilles plaisanteries que rendent plus savoureuses encore les vieux vins tirés des vieilles caves... Puis, pour connaître toute la puissance du génie de Balzac, il n'est rien de tel que de relire un de ses livres* sur place, dans la ville et parmi les hommes qu'il a décrits. C'est ainsi que l'on découvre la miraculeuse vérité de ses peintures.
L'auteur cherche la maison de Jean Niveleau, donné comme une source du Père Grandet. (Touraine, Anjou et Maine, André Hallays, page 145)
Au petit matin qui lève sur les eaux des lames de brouillard comme des copeaux blancs, un bateau plat quittait la prairie de Mauves et traversait la Loire. L'homme, qui le conduisait à la pêche, avait la moustache humide de brume, et la vie joyeuse dans les yeux. Les deux mains appuyées sur la hampe ferrée dont le bout touchait le sable du fond, marchant le long du bord de son bateau qui filait sous lui, souple et frissonnant dans son gilet de tricot bleu, il se dirigeait en oblique vers la rive opposée, où sont deux petites îles, l'île Héron et l'île Pinette (...).
Un silence prodigieux l'enveloppait. À peine un cri de bécassine ouvrant l'aile et commençant la pâture dans les herbes mouillées. La crue était finie. (De toute son âme, René Bazin, page 184)
Le lendemain matin nous reprenons le bateau.
La dame de Paris est encore avec ma mère et je suis avec ses fils.
Ils sont plus remuants que moi et ne s'arrêtent pas au milieu du pont, les lèvres entrouvertes et le nez frémissant pour respirer et boire le petit vent qui passe : brise du matin qui secoue les feuilles sur les cimes des arbres et les dentelles au cou des voyageuses. Le ciel est clair, les maisons sont blanches, la rivière bleue ; sur la rive, il y a des jardins pleins de roses, et j'aperçois le fond de la ville qui dégringole tout joyeux !
Sur le pont, je regarde au loin, dans un champ, des oiseaux qui font des cercles autour d'un grand arbre, puis s'abattent et plongent dans l'argent des trembles et dans l'or des osiers.
Dans ma géographie, j'ai vu qu'on appelait ce pays le jardin de la France. (L'Enfant, Jules Vallès, page 190)
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