[Maistre, Xavier (de)] Le Lépreux de la cité d'Aoste
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[Maistre, Xavier (de)] Le Lépreux de la cité d'Aoste
Le Lépreux de la cité d'Aoste
Xavier de Maistre
1811
36 pages
Livre numérique
Xavier de Maistre
1811
36 pages
Livre numérique
Présentation Cultura (extrait) :
(...) En 1793, son régiment, combattant contre les troupes françaises, se replie sur le Petit-Saint-Bernard et prend ses quartiers d'hiver à Aoste. Il y retrouve sa famille qui s'y est réfugiée en 1792, depuis l'invasion de la Savoie. C'est là qu'il entre en conversation avec un lépreux, Pierre-Bernard Guasco, qui vivait dans une tour près de l'ancien Hospice de charité. Cette rencontre est à l'origine de son futur roman. En 1798, le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Emmanuel IV abdique, dissout son armée et se réfugie en Sardaigne. Xavier de Maistre, devenu officier sans solde, s'engage alors dans l'armée russe avec le grade de capitaine. Dans l'hiver 1809-1810, il écrit Le Lépreux de la cité d'Aoste, dont la première édition paraît en 1811 à Saint-Pétersbourg, petit ouvrage d'une grande simplicité stylistique, où est exposé un dialogue entre un soldat et un lépreux reclus dans une tour (dénommée par la suite tour du lépreux) et qui se souvient des temps heureux de sa jeunesse et pour lequel le seul bonheur reste la vision des Alpes.
Mon avis :
J'ai apprécié ce court récit d'une trentaine de pages, relatant un dialogue entre l'auteur et un lépreux qui vivait à l'écart, seul dans une tour à la sortie de la ville d'Aoste. Renseignements pris, car j'étais intriguée par les faits derrière cette histoire, il s'agissait d'une famille qui avait vécu dans cette tour, réparée par la municipalité en l'entourant d'une enceinte, quelques quinze ans plus tôt (vers 1778). Du reste, je mettrai à la fin de la critique des images de ces lieux, qui font partie visiblement d'une belle région, toute en douceur et en contrastes.
Le Militaire, étonné par ce lieu isolé de tout, prend sur lui d'entrer par la porte entrouverte et d'adresser la parole à l'habitant, qui se trouve de dos. Celui-ci le reçoit courtoisement, mais semble vouloir le décourager de rester : enfin, il se retourne et montre son visage, défiguré par la lèpre. Cela ne décourage pas le visiteur, qui engage la conversation et se montre désireux de visiter les lieux. C'est dans le jardin du "Lépreux", dont personne ne connaît le nom, que ce dernier se livre aux confidences sur sa vie douloureuse. Il a vécu ici depuis son enfance, avec une sœur, morte avant lui depuis dix ans, et un chien adopté, dont le sort inutilement cruel m'a fait de la peine. Rien ne lui est resté pour se consoler, et il a dû prendre sur lui pour traverser seul ces épreuves et trouver un peu de paix.
Xavier de Maistre nous livre ici, sous une forme presque nue, un dialogue brut entre ces deux personnages qui se comprennent, le militaire se faisant surtout oreille compatissante pour le récit de ce pauvre homme, qui survit en travaillant et en cultivant son jardin. C'est un récit édifiant, qui montre, à la manière du livre de Job, cité par le personnage lui-même, une façon exemplaire de se conduire et d'accepter les épreuves, la solitude absolue et le dénuement. Seule la nature, les lieux amis, lui apportent une consolation ; on peut espérer qu'au terme de son récit à cet étranger compatissant, il bénéficiera d'une forme de paix plus stable.
Ce récit est inclassable, car Xavier de Maistre aurait pu l'approfondir, en faire autre chose : les descriptions sont succinctes, les dialogues assez neutres, bien qu'ils comportent une touche d'un romantisme nuancé. L'écriture est effectivement simple, mais classique, et plutôt élégante, dans un style qui rappelle un peu Jean-Jacques Rousseau. J'ai toutefois apprécié les touches locales, les allusions à des bâtiments historiques d'Aoste : la tour du lépreux en premier lieu, mais aussi la tour Bramafan et sa "légende noire", l'ermitage de Saint Grat. Le jardin a droit a une jolie évocation avec ses différents points de vue, ses bosquets et ses symboles d'isolement, comme la haie de houblon qui permet au frère et à la sœur de se promener chacun de son côté en devisant sans se voir. C'est une lecture curieuse et divertissante, qui peut prêter à méditer sur l'acceptation de son destin. Pour ma part, je l'ai lu parce qu'il était cité par Balzac dans Louis Lambert, comme exemple d'enfermement et de solitude. 3,5/5
Les lieux :
La vallée d'Aoste entre ses sommets :
la tour du Lépreux, près de l'hôpital Saint-Maurice :
la tour Bramafan ("cri de faim") où le comte René de Challans aurait laissé sa première femme, princesse de Bragance, mourir de faim au XVe siècle - en fait, il s'agissait de sa première épouse, Mencie de Portugal, morte après 30 ans de mariage... :
enfin, l'ermitage de Saint Grat, lieu préféré de notre lépreux, sur la commune de Charmensod :
Citations :
LE LÉPREUX
Je cultive un petit parterre de fleurs qui pourront vous plaire ; vous en trouverez d'assez rares. Je me suis procuré les graines de toutes celles qui croissent d'elles-mêmes sur les Alpes, et j'ai tâché de les faire doubler et de les embellir par la culture." (page 5)
Le sentiment de la solitude s'adoucit aussi par le travail. (le Lépreux - page 11)
LE LÉPREUX
(...) le grand spectacle des montagnes en impose cependant davantage à mes sens : je ne puis voir ces masses énormes, recouvertes de glaces éternelles, sans éprouver un étonnement religieux. (page 13)
LE LÉPREUX
Lors même que je ne la voyais pas, je trouvais partout des traces de sa présence. (page 21)
LE LÉPREUX
Nous devions sans doute à sa laideur le choix qu'il [leur petit chien] avait fait de notre demeure pour son refuge. (page 24)
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