[Bégaudeau, François] Entre les murs

Je dois avouer que, passées les premières pages, déroutantes, ce livre est passionnant.

Le style est habile, volontairement neutre, détaché, presque brut, laissant filtrer avec talent les états d’âmes des protagonistes. Intérêt, fatigue, appréhension, joie, exaspération, des profs, des élèves, face aux profs, face aux élèves. On y perçoit une structure dépassée, sans âme ni compassion pour ses fonctionnaires, gérant les problèmes à coups de théories fumeuses et de circulaires absurdes. Pas de formation, pas de soutien face à des élèves et des situations parfois difficiles.
L’administration, vaguement personnalisée au travers d’un principal épisodique et d’un CPE blasé, est loin, très loin des murs et de ses réalités. Des enfants qui n’ont pas acquis les bases mais qu’on ne peut pas faire redoubler, auxquels on propose des orientations obscures selon une procédure compréhensible uniquement d’une poignée d’énarques.
Seul bémol, même si je n’arrive pas à déterminer si cette impression est voulue ou pas, le ton employé par l’anti-héros de ce roman - prof de français expérimenté et nonchalant - est particulièrement déplaisant. Tout au long du roman, Monsieur X semble ressentir un certain mépris pour ses élèves. Ignorants (selon ses propres critères). Fagotés comme des sacs (là encore, affaire de goût). Sans curiosité (parce que lui, évidemment, connaît leurs centres d’intérêts). Il semble ressentir le même complexe de supériorité envers ses collègues, du vieux dépressif à la jeune débutante, du gothique à la forte poitrine.

En dehors de ce petit point sombre, c’est une lecture à ne pas manquer.