[Blottière, Alain] Le tombeau de Tommy

Le Tombeau de Tommy
Auteur : Alain Blottière
Roman français
Époque concernée : la résistance entre 1940/1945 à Paris
Gallimard
216 pages
ISBN 978-2-07-072995-1



4è de couverture
J'avais depuis longtemps le désir de réaliser un film sur un héros, un vrai, si possible mort jeune et beau, quand j'appris l'histoire de Thomas Elek, dit "Tommy", un lycéen parisien, Juif hongrois qui combattit le nazisme aux côtés du groupe Manouchian et figura sur la fameuse Affiche Rouge.
En découvrant Gabriel, un adolescent d'aujourd'hui lui ressemblant comme un frère, je crus tenir le comédien idéal pour incarner Tommy, soixante ans plus tard. J'étais loin de me douter qu'au fil du tournage se nouerait entre le défunt et son interprète une intrigue bouleversante, invisible à l'écran. Ce roman secret, que je suis encore seul à connaître, le voici.

Une remarque préliminaire
Comme l'écrit Marine Landrot, critique littéraire pour "Télérama", bien que l'histoire soit basée sur un récit réel, celui d'Hélène, la mère de Thomas Elek, "il ne s'agit ici ni d'une biographie, ni d'une broderie. Le "Tombeau de Tommy est un livre inspiré au sens pulmonaire du terme".
L'histoire se déroule en parallèle avec le scénario du film. En quelque sorte, c'est un roman "en miroir".
Mes impressions
C'est un livre qui prend aux tripes ! "Que peuvent avoir en commun, en effet deux adolescents que soixante dix ans séparent avec, d'un côté du temps l'ombre entraînante du danger, de la douleur et de la mort, et de l'autre l'offre incessante de plaisirs d'autant plus fades qu'ils sont toujours accordés" . Il fallait tenter de montrer "cette intimité amoureuse que Tommy connut avec la mort"(p.23).
Toute l'émotion que procure ce livre tient à cette espèce "d'incarnation surnaturelle" qui va se produire : Gabriel, un adolescent faisant du skate-board rencontré dans la rue par le réalisateur du film va entrer progressivement dans la peau de Thomas Elek jusqu'à devenir lui-même Tommy, jusqu'au supplice du poteau d'exécution "qu'il vivra" dans sa chair et dans son esprit. Le passé de Tommy va prendre corps dans le présent, dans le corps et l'esprit de Gabriel qui le fait sien ! C'est toute la beauté indescriptible de ce livre qu'il faut lire dans ce face à face entre le présent et le passé, dans ce face à face de Gabriel avec Tommy qui va au bout de ses actes pour que l'espérance et la liberté ne soient pas de vains mots.
Un très grand coup de coeur.

Je l'ai reçu il y a quelques jours et ton avis donne envie de le lire

Tu verras, c'est un livre qui vaut vraiment la peine d'être lu !

pour cet avis qui donne envie.

Personne ne vote ?

François ! la personne qui a écrit cette critique nous a malheureusement quitté.

Je sais !

L'invité dit qu'il va le lire.

Alain Blottière se met dans la peau d’un metteur en scène qui fait un film sur la vie de Thomas Elek, résistant fusillé pendant la seconde guerre mondiale pour avoir fait dérailler des trains.

Tout au long du livre, on suit le récit, exprimé à la première personne, des recherches de documentaliste entreprises par le cinéaste et on découvre au fur et à mesure les scènes du film qu’il a tournées avec Gabriel dans le rôle de Tommy.

Le ressort de l’intrigue tient aux conséquences de ce rôle. Pendant le tournage, Gabriel, l’acteur principal, semble habité par la personnalité du résistant Tommy et quand on sait que le personnage réel et mort fusillé, on nourrit les plus grandes craintes quant au sort final de Gabriel.

À plusieurs reprises, l’auteur affirme, dans la bouche du cinéaste, qu’il ne veut rien inviter, ou du moins le minimum. J’aurais pourtant aimé qu’Alain Blottière ne reste pas à mi-chemin.

Les petits paragraphes présentés en italique correspondent aux scènes du film qu’ils tournent. Chaque scène est séparée de la suivante par des justifications du cinéaste sur le résultat de ses recherches documentaires. J’ai pourtant eu l’impression que c’était l’auteur du livre qui parlait le plus souvent.

Résultat : Il m’a été impossible de me plonger dans le film puisque les chapitres, les scènes, ne se suivent pas. Bien souvent, les explications données à la première personne par le cinéaste semblaient émaner d’Alain Blottière lui-même.

J’aurais préféré lire une histoire sous forme de roman retraçant les activités de résistance de Thomas Elek. D’autant que l’auteur en a manifestement le talent. Ce livre est merveilleusement écrit et bien des phrases sont magnifiques de virtuosité et d’élégance.

Un roman aurait évité ces coupures entre scène de film et explications sur la réalité de l’époque à la première personne des recherches de documents. Un roman m’aurait permis de m’identifier avec le résistant, de vivre ses actes de sabotage et de trembler avec lui pendant les jours les plus pénibles.

Evidemment, sous forme de roman, cette histoire n’aurait pu contenir l’intrigue de l’identification de l’acteur avec le résistant. Mais cette question, si souvent annoncée au fil des pages comme finissant en tragédie connait finalement un dénouement qui m’a laissé sur ma faim.

Je tire de cette lecture un bilan mitigé. L’architecture du livre faite d’une succession de plans de film et de chapitre d’explications ne m’a pas convaincu. L’écriture est pourtant sublime. En conclusion, je considère donc que l’auteur n’a pas tiré le meilleur parti de ses recherches, de cette histoire vraie poignante et de son talent.

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Citations :

Les archives... contiennent des trésors inestimables mais rangés au hasard de classements énigmatiques dans l'abandon des encres qui s'effacent et des papiers qui se déchirent.

Le regard de Tommy vers l'avenir sombre semblait vouloir se détourner de nous, du jeune Gabriel des années 2000, si vide, si seul, si privé d'idéal qu'il s'était laissé investir par un fantôme, et du vieux cinéaste impénitent chasseur d'émotions forcément éphémères, qui tentait en vain d'arrimer le temps.