[Marquez, Gabriel Garcia] L'aventure de Miguel Littin clandestin au Chili

Miguel Littin est chilien et metteur en scène de cinéma. Il fait partie des 5000 Chiliens qui sont interdits de séjour dans leur pays. Au début de l’année 1985, pourtant, Miguel Littin est rentré clandestinement au Chili. Pendant six semaines, grâce à la résistance intérieure, il a réussi à diriger secrètement trois équipes de nationalités différentes pour filmer clandestinement, jusque dans le palais présidentiel, la réalité du pays sous la dictature militaire. Le résultat visible de cette aventure est un film de quatre heures pour la télévision et une version de deux heures pour les salles de cinéma.
Les résultat lisible est autre chose encore : l’aventure de Miguel Littin, c’est de retrouver son pays sans avoir le droit de s’y montrer autrement qu’en étranger ; c’est aussi de confronter ses opinions d’exilé avec la réalité de la résistance d’aujourd’hui. C’est enfin de s’interroger sur la validité et sur l’utilité de la création dans une lutte politique. On comprend dès lors les raisons pour lesquelles Gabriel Garcia Marquez a tenu à écrire ce récit.

Lorsqu’on prononce le mot clandestin, la première chose qui vient généralement à l’esprit est l’immigration clandestine, le travail forcé, les trafics de toutes sortes. C’est oublier que, dans nombre de dictatures, la clandestinité est le seul moyen de survivre pour des citoyens que leur gouvernement juge indésirables.

La dictature de Pinochet n’est certes pas la plus connue, et n’a peut-être pas été la plus sanglante de l’histoire. Mais ce récit, écrit à la première personne, nous fait admirablement ressentir la frustration d’un homme obligé de se cacher dans son propre pays, exilé alors même qu’il foule la terre de son enfance.

Sobrement mais inexorablement, la crainte ressort de chaque mot, de chaque phrase : crainte de se faire prendre, crainte de mettre ses alliés en danger, crainte de ne jamais revoir les siens. D’autant que l’auteur sait glisser avec tact un paragraphe de pure auto-dérision entre deux dangers bien réels, comme un éclat de rire nerveux qui permet d’évacuer une trop grande tension.

Miguel Littin a déclaré à propos de son film : « Ce n’est pas l’acte le plus héroïque de ma vie, mais le plus digne ».
Ce livre est quant à lui un hommage brillant aux exilés politiques et à la résistance intellectuelle.