[Chevalier, Gabriel] La peur
Page 1 sur 1
A propos de La peur
[Chevalier, Gabriel] La peur
Quatrième de couverture
Gabriel Chevallier, que l’on reconnaît sous les traits de Jean Dartemont, raconte la guerre de 1914-1918 telle qu’il l’a vécue et subie, alors qu’il n’avait que vingt ans.
Le quotidien des soldats – les attaques ennemies, les obus, les tranchées, la vermine – et la Peur, terrible, insidieuse, « la peur qui décompose mieux que la mort ». Parue en 1930, censurée neuf ans plus tard, cette oeuvre, considérée aujourd’hui comme un classique, brosse le portrait d’un héros meurtri.
"Inoubliable.Voilà plus de trente ans qu’une exceptionnelle estime m’attache secrètement à ce livre." Roger Martin du Gard, 21 janvier 1956.
La Peur de Gabriel Chevallier est un très beau, très vrai livre de guerre. Sa sincérité est totale, effrayante et parfois cynique. Pierre Scize, Le Canard enchaîné.
Un témoignage peut-être encore plus terrifiant que Le Feu d’Henri Barbusse et Les Croix de bois de Roland Dorgelès. Bernard Pivot, Le Journal du dimanche.
Ma critique
Autant le dire tout de suite, voilà un grand récit. Qui par moments fait penser au Voyage au bout de la nuit de Céline. Et en plus, c'est bien écrit. Normal, l'auteur n'est autre que celui de Clochemerle. Mobilisé en 1914 à 19 ans, blessé un an après, il retournera au front et fera les Vosges, le Chemin des Dames, la Champagne, l'Argonne puis l'Alsace au prémices de l'armistice. Réédité en 2008 ( ) ce récit de guerre ne présente pas de morceaux de bravoures venant de soldats patriotes convaincus et dont la propre vie passe après la patrie... Non, Chevallier nous présente la guerre, la vraie, du moins celle que l'on imagine plus facilement : les marches sans fin, l'attente dans les tranchées, l'absence d'information ou au contraire les rumeurs les plus folles, et puis le mépris de ces chefs qui ne se sentent pas comptable des vies humaines et qui en sacrifient à tour de bras pour quelques bout de pierre d'un village sans intérêt stratégique. C'est terrible, terrifiant, et accusateur. Petit extrait :
"La colère de l'artillerie ne fait que croître. Jour et nuit, nous n'avons plus guère de repos moral. Jour et nuit les pioches forcenées creusent sur nous, toujours plus profondément. Jour et nuit les projectiles s'acharnent sur ce lambeau de terrain que nous devons défendre. Nous comprenons qu'une attaque se prépare, qu'il faut un dénouement à cette fureur. Nous comprenons que deux états-majors ont entamé sur ces plateaux une lutte qui met en jeu leur vanité et leur réputation militaire, que de cette conquête dépendent l'avancement de l'un et la disgrâce de l'autre, que cet acharnement, qui n'est que désespoir chez les soldats, est calcul ambitieux de quelques généraux allemands, qui mesurent chaque jour sur une carte combien de centimètres les séparent encore de cet objectif qu'ils se sont vantés d'atteindre, qu'ils sont indignés des piétinements que nous leur imposons et les imputent au manque de valeur de leurs troupes. Nous comprenons qu'il faut, de part et d'autre, des morts et des morts pour que celui qui a pris l'initiative de la bataille s'effraie des pertes et cesse sa poussée. Mais nous savons qu'il faut vraiment beaucoup de victimes pour effrayer un général, et celui qui s'obstine en face de nous n'est pas encore près de renoncer"
On sent souvent dans cette écriture de Chevallier, simple soldat, la volonté de fraterniser avec le soldat allemand, comme si l'ennemi, le seul, était la classe des nantis et des riches. Une des rares permissions de l'auteur, qui préfigure Clochemerle dans la description au scalpel, montre une société bourgeoise qui exige le sacrifice, mais pas celui de ses propres fils ; où alors qu'ils soient à l'arrière, loin des bombes et des mitrailleuses. C'est aussi une époque inconsciente de la boucherie de la guerre moderne où tous les civils exigent le jusqu’au boutisme. L'exigent sans connaître la peur de lutter non pas contre les troupes ennemies, mais contre le hasard et l'attente. On a peu écrit sur cette période, encore moins réalisé de films (il faut voir Les sentiers de la gloire !), peut-être parce qu'au fond cette plaie n'est toujours pas fermée et que la vérité qui se fait jour petit à petit entérine les versions de Chevalier ou de Barbusse, celle d'un massacre pour lequel il aurait fallu juger certains généraux : Nivelle (disgracié mais réhabilité par Maginot), Gamelin, Joffre (dont le nom désigne encore de grandes avenues de nos villes), tous partisans de la guerre à outrance, au mépris des vies humaines. Quatre millions de morts... Sans compter les "fusillés pour l'exemple" et les exécutions sommaires... Un récit de guerre donc, mais également un réquisitoire inplacable contre la guerre et le capitalisme (la diatribe de Nègre à la fin du récit et sans appel : "Je vais te dresser le bilan de cette guerre : cinquante grands hommes dans les manuels d'histoire, des millions de mort dont il ne sera plus question, et mille millionnaires qui feront la loi". Le pire, c'est que les guerres dans le monde continuent avec les mêmes ficelles et les mêmes victimes.
Ma note : chef d'oeuvre.
Edité chez J'ai lu ; 408 pages.
Invité- Invité
Re: [Chevalier, Gabriel] La peur
En voyant la couverture, je l’avoue, j’ai lâché un « allons bon, encore la guerre !… ». Après ta critique, j’ai ravalé ma phrase aussi inconsistante qu’un croissant au beurre de samedi matin. Et l’homme, là-haut, je le regarde autrement. L’incompréhension qu’il ressent à se trouver là, dans cette fosse septique, à attendre l’obus ou la balle funeste (non : libératrice), elle devient part de moi-même. Merci, marsiho. Tu m’as fait voir avec l’esprit ce que je m’étais contenté de regarder avec des yeux de grasse matinée. Ton avis donne envie.
Invité- Invité
Sujets similaires
» [Ubukata, Tow] Le chevalier d'Eon
» CHEVALIER, Tracy
» [Jan, Gabriel] Maloa
» KATZ, Gabriel
» [Follett, Ken] Peur blanche
» CHEVALIER, Tracy
» [Jan, Gabriel] Maloa
» KATZ, Gabriel
» [Follett, Ken] Peur blanche
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum