[Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
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[Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
Les insurrections singulières / Jeanne Benameur – Ed. Actes Sud, 197 p., ISBN : 978-2742795307
Le mot de l'éditeur : Parcours de lutte et de rébellion, voyage au centre de l'héritage familial, aventure politique intime et histoire d'une rédemption amoureuse, Les Insurrections singulières emboite les pas d'abord incertains d'un fils d'ouvrier en délicatesse avec lui-même. Entre la France qu'on dit profonde et la misère ensoleillée et relative du Brésil, sur les traces d'un pionnier oublié de la sidérurgie du XIXe siècle, Jeanne Benameur signe le roman d'une mise au monde.
Ma critique : Dans ce nouveau roman Jeanne Benameur raconte l'histoire d'Antoine, jeune sidérurgiste, un peu perdu dans sa vie privée, sa petite amie vient de le quitter, et professionnelle, son entreprise délocalise au Brésil. Depuis toujours il est tiraillé entre ce qu'il vit et le destin qu'il aurait souhaité. Fils d'ouvrier il a commencé la fac sous la pression familiale pour finalement rejoindre l'usine. Quand celle-ci doit être délocalisée il se syndique et essaie de se battre. Finalement il choisit de partir au Brésil rencontrer ceux qui lui « prennent » son boulot. Jeanne Benameur décrit avec talent les relations familiales, les relations amoureuses, les amitiés,... Elle a une très belle écriture qui nous porte et nous entraine à la suite de son personnage. Un très joli livre !
Le mot de l'éditeur : Parcours de lutte et de rébellion, voyage au centre de l'héritage familial, aventure politique intime et histoire d'une rédemption amoureuse, Les Insurrections singulières emboite les pas d'abord incertains d'un fils d'ouvrier en délicatesse avec lui-même. Entre la France qu'on dit profonde et la misère ensoleillée et relative du Brésil, sur les traces d'un pionnier oublié de la sidérurgie du XIXe siècle, Jeanne Benameur signe le roman d'une mise au monde.
Ma critique : Dans ce nouveau roman Jeanne Benameur raconte l'histoire d'Antoine, jeune sidérurgiste, un peu perdu dans sa vie privée, sa petite amie vient de le quitter, et professionnelle, son entreprise délocalise au Brésil. Depuis toujours il est tiraillé entre ce qu'il vit et le destin qu'il aurait souhaité. Fils d'ouvrier il a commencé la fac sous la pression familiale pour finalement rejoindre l'usine. Quand celle-ci doit être délocalisée il se syndique et essaie de se battre. Finalement il choisit de partir au Brésil rencontrer ceux qui lui « prennent » son boulot. Jeanne Benameur décrit avec talent les relations familiales, les relations amoureuses, les amitiés,... Elle a une très belle écriture qui nous porte et nous entraine à la suite de son personnage. Un très joli livre !
yaki- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 10/06/2008
Re: [Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
J'ai très envie de le lire celui-ci. Merci pour ton avis
Invité- Invité
Re: [Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
Il me faisait déjà de l'oeil puis je l'ai vu à La Grande Librairie et ça a confirmé mon envie
Invité- Invité
Re: [Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
Comme l'explique Jeanne Benameur à la fin du livre, elle a voulu écrire ce livre parce que les ouvriers d'Arcelor-Mittal à Montataire et ceux de Godin à Guise l'ont touchée dans les groupes de parole auxquels elle a participé. Le groupe Mittal investit vraiment au Brésil, à Monlevade, et elle a découvert l'histoire de Jean de Monlevade.
Bien sûr, le livre rend hommage à ces gens privés de parole, passés au rouleau compresseur de la mondialisation. Et à ce titre-là, c'est un récit qui sonne juste. Mais c'est aussi, comme la couverture le suggère, l'histoire singulière d'un envol, celui d'Antoine qui, grâce à l'amitié de Marcel, grâce aux livres, parvient à taire la colère et le malaise qui l'étouffent pour habiter sa propre vie, ses rêves, ses désirs. Et dans cette découverte, il s'interroge et nous interroge sur les valeurs qui construisent notre être, il parvient à faire place aux rêves des autres, ceux de son père qui lui paraissaient si étriqués, ceux de la femme qu'il aime.
Un récit de révolte et de liberté, de passion et d'amitié, servi par une très belle écriture, sensible et poétique, qui nous provoque à nous demander si nous ne sommes pas nous-mêmes engourdis dans un système qui nous maintient bien au chaud.
"Je pèse chaque pierre qui tombe de ma poitrine dans les rythmes manouches et je repense à toutes mes nuits solitaires quand je marchais dans les rues et que je regardais comment est construite une ville.
Comment je suis construit, moi, dedans ?
Toutes mes années, comme des bâtiments posés les uns contre les autres. Sans harmonie. Rien que du disparate. Et même plus d'espace pour que l'air passe entre mes côtes, comme la lumière entre les ruelles.
A l'intérieur, je me sens disjoint." (p. 47)
"Pourquoi la vie des uns ne pourrait-elle pas éclairer celle des autres ? Sinon c'est quoi une société. Je veux que la vie des ouvriers brésiliens éclaire quelque chose pour moi. C'est quoi le travail pour eux ? Je veux apprendre ça. Je veux aussi que la vie de Jean de Monlevade éclaire quelque chose pour moi. C'est quoi, oser ? C'est quoi, partir ? Tout quitter ?" (p. 100)
"J'ai toujours aimé les fous, Antoine. Les décalés, c'est les seuls qui lui laissent la place, au désir. Dans le décalage, c'est là. Je me méfie des gens trop bien installés, riches ou pauvres, dans leur peau, garantie cent pour cent tranquilles. J'aime pas les cimetières ambulants. La moitié des gens sont déjà morts. Tu vois, au marché, j'ai appris plein de choses. Combien j'ai de clients, moi, sur tous ceux qui achètent au marché ?... même pas dix pour cent ! Ceux-là en plus des carottes et des pommes de terre, il leur faut une épice, le goût de quelque chose d'autre. Ils viennent le chercher dans les livres. Sinon ils savent bien que toutes les carottes du monde, même bio, et tous les steaks, ça ne servira pas à grand-chose pour traverser les jours. Dans les livres, il y a le décalage. La place pour le désir." (p. 165)
Bien sûr, le livre rend hommage à ces gens privés de parole, passés au rouleau compresseur de la mondialisation. Et à ce titre-là, c'est un récit qui sonne juste. Mais c'est aussi, comme la couverture le suggère, l'histoire singulière d'un envol, celui d'Antoine qui, grâce à l'amitié de Marcel, grâce aux livres, parvient à taire la colère et le malaise qui l'étouffent pour habiter sa propre vie, ses rêves, ses désirs. Et dans cette découverte, il s'interroge et nous interroge sur les valeurs qui construisent notre être, il parvient à faire place aux rêves des autres, ceux de son père qui lui paraissaient si étriqués, ceux de la femme qu'il aime.
Un récit de révolte et de liberté, de passion et d'amitié, servi par une très belle écriture, sensible et poétique, qui nous provoque à nous demander si nous ne sommes pas nous-mêmes engourdis dans un système qui nous maintient bien au chaud.
"Je pèse chaque pierre qui tombe de ma poitrine dans les rythmes manouches et je repense à toutes mes nuits solitaires quand je marchais dans les rues et que je regardais comment est construite une ville.
Comment je suis construit, moi, dedans ?
Toutes mes années, comme des bâtiments posés les uns contre les autres. Sans harmonie. Rien que du disparate. Et même plus d'espace pour que l'air passe entre mes côtes, comme la lumière entre les ruelles.
A l'intérieur, je me sens disjoint." (p. 47)
"Pourquoi la vie des uns ne pourrait-elle pas éclairer celle des autres ? Sinon c'est quoi une société. Je veux que la vie des ouvriers brésiliens éclaire quelque chose pour moi. C'est quoi le travail pour eux ? Je veux apprendre ça. Je veux aussi que la vie de Jean de Monlevade éclaire quelque chose pour moi. C'est quoi, oser ? C'est quoi, partir ? Tout quitter ?" (p. 100)
"J'ai toujours aimé les fous, Antoine. Les décalés, c'est les seuls qui lui laissent la place, au désir. Dans le décalage, c'est là. Je me méfie des gens trop bien installés, riches ou pauvres, dans leur peau, garantie cent pour cent tranquilles. J'aime pas les cimetières ambulants. La moitié des gens sont déjà morts. Tu vois, au marché, j'ai appris plein de choses. Combien j'ai de clients, moi, sur tous ceux qui achètent au marché ?... même pas dix pour cent ! Ceux-là en plus des carottes et des pommes de terre, il leur faut une épice, le goût de quelque chose d'autre. Ils viennent le chercher dans les livres. Sinon ils savent bien que toutes les carottes du monde, même bio, et tous les steaks, ça ne servira pas à grand-chose pour traverser les jours. Dans les livres, il y a le décalage. La place pour le désir." (p. 165)
Invité- Invité
Re: [Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
Mon avis :
Certains sont motivés par une passion, d'autres, comme Antoine avancent grâce à
la rage. Mais ce n'est pas constructif. "Tout juste bon à finir à l'usine." Alors, il faut prendre le temps, faire
une pause, pour comprendre. Les conflits sociaux à l'usine, la rupture avec Karima sont des catalyseurs. Marcel, un vieil homme amoureux des livres, emmène Antoine en voyage.
Derrière cette introspection, il y a l'actualité politique et sociale, la mondialisation et la décentralisation. L'usine d'Antoine doit fermer pour produire au Brésil. Antoine part à la rencontre de ces ouvriers brésiliens, en apprenant la vie de jean de Monlevade, industriel français qui construisit le premier haut-fourneau au Brésil. Mais les ouvriers sont-ils partout des esclaves qui s'ignorent? La Bourse obligera bientôt l'entreprise à quitter le Brésil pour aller ailleurs, où la main d’œuvre est encore moins chère.
Si Antoine ne trouve pas de solution sociale au Brésil, il retrouvera peut-être l'amour et pourra s'adonner à une passion qui l'aidera à avancer.
Jeanne Benameur a un style bref et efficace qui exprime une grande intériorité. Comme tous les livres qui parlent du malaise humain, l'ambiance est assez lourde. heureusement, le personnage de Marcel donne optimisme et dynamisme et nous évoque si bien, à nous lecteurs, la passion des livres.
Certains sont motivés par une passion, d'autres, comme Antoine avancent grâce à
la rage. Mais ce n'est pas constructif. "Tout juste bon à finir à l'usine." Alors, il faut prendre le temps, faire
une pause, pour comprendre. Les conflits sociaux à l'usine, la rupture avec Karima sont des catalyseurs. Marcel, un vieil homme amoureux des livres, emmène Antoine en voyage.
Derrière cette introspection, il y a l'actualité politique et sociale, la mondialisation et la décentralisation. L'usine d'Antoine doit fermer pour produire au Brésil. Antoine part à la rencontre de ces ouvriers brésiliens, en apprenant la vie de jean de Monlevade, industriel français qui construisit le premier haut-fourneau au Brésil. Mais les ouvriers sont-ils partout des esclaves qui s'ignorent? La Bourse obligera bientôt l'entreprise à quitter le Brésil pour aller ailleurs, où la main d’œuvre est encore moins chère.
Si Antoine ne trouve pas de solution sociale au Brésil, il retrouvera peut-être l'amour et pourra s'adonner à une passion qui l'aidera à avancer.
Jeanne Benameur a un style bref et efficace qui exprime une grande intériorité. Comme tous les livres qui parlent du malaise humain, l'ambiance est assez lourde. heureusement, le personnage de Marcel donne optimisme et dynamisme et nous évoque si bien, à nous lecteurs, la passion des livres.
Invité- Invité
Re: [Benameur, Jeanne] Les insurrections singulières
Antoine se souvient de son désir de fuite lorsqu’il était petit garçon. Ce désir d’être ailleurs ne l’a jamais quitté. Son père ouvrier à l’usine, sa mère qui reste à la maison ; il va aller d’essais en essais, de la fac à l’usine qui, pour lui, lui est destinée. Toujours entre deux rêves, entre deux chaises, jamais bien à sa place, enfermé par des mots qui ne peuvent sortir. Mais comment faire sortir cette colère, cette clameur. Et puis, il y eût Karima, il aimait tant la caresser mais son amour le quitte et le revoici à la case départ, chez ses parents « je suis ici depuis huit jours. A nouveau dans la maison de mes parents. Revenu ». Il se souvient, le syndicalisme, le radicalisme pour épater son amour. . « Certains m’ont dit. Bien sûr toi t’as rien à perdre, pas de femme pas d’enfants, tu peux te permettre de gueuler ! Eh bien il faut en profiter, hein ! Je peux me permettre ? Je me permets ! Ils ne comprenaient pas mais moi l’ardeur de Karima avait réveillé ma rage. »
Au fil de rencontres, il commence à apercevoir quelque chose, de comprendre. « Je me suis perdu et Karima n’y pouvait rien. Elle m’a fait tenir plus longtemps, c’est tout. Cette nuit, je commence juste à comprendre. Et ça fait mal.» L’usine croqueuse d’hommes se personnalise et devient Lusine. Oui Lusine que l’on va délocaliser au Brésil à Monlevade. Il part avec Marcel pour cette ville dont le nom vient de Jean de Monlevade, un ingénieur français du 19ème siècle. Un voyage initiatique qui lui permet de sortir de lui-même, de trouver les mots, de retrouver son corps, de savoir bouger, de renaître, de se retrouver. Là-bas, il rencontrera non pas ceux qui vont manger son pain, mais des hommes heureux de travailler, mais la délocalisation les guette.
Jeanne Benameur est une conteuse de la vie, de la vie familiale, de ce petit monde des ouvriers, des prolos. Elle a su nous faire partager l’inquiétude (mot faible) des ouvriers français pour cette mondialisation soi-disant indispensable ou la globalisation des brésiliens qui leur semblent si lointaine et pourtant si proche.
Dans ce livre, Jeanne Benameur est le peintre de la difficulté d’être, de vivre dans ce monde de performance. Sa palette se fait poétique pour parler de l’ordinaire, se fait coupante lorsqu’elle parle des globalisations, se fait humaine lorsqu’elle modèle ses héros.
Un très bon livre que je vous recommande. C’est le second ouvrage de Jeanne Bénameur que je lis et ce ne sera pas le dernier !
Au fil de rencontres, il commence à apercevoir quelque chose, de comprendre. « Je me suis perdu et Karima n’y pouvait rien. Elle m’a fait tenir plus longtemps, c’est tout. Cette nuit, je commence juste à comprendre. Et ça fait mal.» L’usine croqueuse d’hommes se personnalise et devient Lusine. Oui Lusine que l’on va délocaliser au Brésil à Monlevade. Il part avec Marcel pour cette ville dont le nom vient de Jean de Monlevade, un ingénieur français du 19ème siècle. Un voyage initiatique qui lui permet de sortir de lui-même, de trouver les mots, de retrouver son corps, de savoir bouger, de renaître, de se retrouver. Là-bas, il rencontrera non pas ceux qui vont manger son pain, mais des hommes heureux de travailler, mais la délocalisation les guette.
Jeanne Benameur est une conteuse de la vie, de la vie familiale, de ce petit monde des ouvriers, des prolos. Elle a su nous faire partager l’inquiétude (mot faible) des ouvriers français pour cette mondialisation soi-disant indispensable ou la globalisation des brésiliens qui leur semblent si lointaine et pourtant si proche.
Dans ce livre, Jeanne Benameur est le peintre de la difficulté d’être, de vivre dans ce monde de performance. Sa palette se fait poétique pour parler de l’ordinaire, se fait coupante lorsqu’elle parle des globalisations, se fait humaine lorsqu’elle modèle ses héros.
Un très bon livre que je vous recommande. C’est le second ouvrage de Jeanne Bénameur que je lis et ce ne sera pas le dernier !
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