[Mouton de Ponthieu, Caroline] Croisement(s)
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[Mouton de Ponthieu, Caroline] Croisement(s)
Dire que j’ai été surpris en lisant le livre est un euphémisme : en avançant dans sa lecture, des questions me bousculaient, me maintenaient en état de vigilance. Stimulé par la lecture, je tentais de comprendre, sentir, connaître mieux l’auteur. Or, que demander de plus à un livre, sinon une rencontre comme la vie quotidienne nous en réserve peu ? Une rencontre certes non partagée et sans échange réciproque, puisqu’à travers la lecture c’est un être humain qui se livre à nous unilatéralement… mais une rencontre tout de même. Car il s’agit ici de poésie, et c’est dans la poésie que cette rencontre entre un auteur et son lecteur opère le plus profondément : être poète n’est pas seulement travailler sur les mots et le rythme, c’est aussi partir à la recherche méticuleuse et précise de ce qui est juste, vrai, c’est prendre le risque d’un dévoilement total de soi que l’écriture romanesque classique permet si bien d’éviter.
La densité d’écriture, notion rarement utilisée en littérature, est ce qui m’est venue immédiatement à l’esprit en entamant la lecture de ce livre. Bien sûr, cette densité est la caractéristique même de la poésie, où chaque mot a une place unique, où ce qui est accessoire doit être impitoyablement chassé, où ce qui est révélé doit nous permettre de parvenir à l’essence des êtres et des choses. Mais elle est ici poussée ici à un point extrême par l’utilisation foisonnante des verbes, par des phrases brèves qui donnent à la lecture un aspect haletant et brûlant en harmonie avec son sujet : l’amour.
Qu’est-ce que l’amour ? Peut-on attendre de la poésie qu’elle réponde à cette question ? Comment décrire au mieux cette passion que chaque humain a éprouvée ou éprouvera un jour, une passion qui révèle à celui qui la vit la part la plus intime de lui-même ? Un sentiment si difficile à faire partager malgré son universalité, puisqu’il s’incarne d’une façon unique en chacun de nous, avec ses émotions mêlées, ses désirs, ses étreintes, ses folies pour l’Autre, ses incompréhensions, ses délires, ses plaisirs fulgurants jamais rassasiés ?
L’originalité de ce livre est de mêler, pour répondre à ces questions, l’écriture poétique à la structure d’un roman. Ce sont en effet deux personnages, une femme et un homme, qui au fil des pages nous font partager leur expérience de la passion amoureuse, qui évolue devant nous en passant par une succession de possibles. Chacun des deux, alternativement, nous livre ses craintes, ses joies, parfois son désespoir.
Cette intrusion de l’empathie vis-à-vis d’un deuxième personnage suffit à créer un décalage et une prise de distance salutaire chez le lecteur. En faisant cohabiter écriture poétique et structure du roman, en mettant en scène des personnages et des évènements qu’ils vivent, cette empathie permet de sortir le livre de la description univoque des seuls sentiments du narrateur et de mieux toucher à l’universel.
Evènements ?
Une grand-mère aimée est morte. Comment peut se conjuguer encore le verbe aimer quand la disparition d’une autre personne aimée envahit tout notre espace ?
Tes mains sur mon corps me laissent indifférente.
Ce n’est pas toi, tu n’y es pour rien.
Ce sont ses mains à elle que je veux.
Maintenant plus que jamais.
Ce sont elles que je veux sentir.
Tout bascule, ce qui n’était que sentiments devient alors histoire. Le personnage masculin réagit à la souffrance de celle qu’il aime. Parfois maladroitement. Il ne peut rien. Il est désemparé.
Attendre que tu fasses le deuil.
Tenter d’accepter mon impuissance.
Essayer d’accepter ton refus d’intimité.
Attendre en distance.
Rejeter ton absence.
Te laisser seule.
ne pas vouloir te laisser seule.
Et quand il finit par comprendre, peut-être est-il trop tard. Il s’interroge. Qui est-il vraiment ? Il ne sait plus. Grâce à elle, à cause d’elle, il veut changer, il veut tout et son contraire. Il veut apprendre et il veut rêver. Et le livre s’achève sur une longue litanie de verbes exprimant ses souhaits, ses aspirations, ses désirs, qui n’ont alors plus rien à voir avec la femme qu’il aime, et qui finissent sur un mot répété inlassablement : rêver. Rêver sa vie ? Mêler le rêve à la vie ? A chacun de voir. A chacun de choisir.
A travers ces croisements des regards et des êtres, c’est bien le basculement du sentiment amoureux vers une quête existentielle qui est au cœur de ce livre. L’amour, avec ce qu’il nécessite d’empathie, permet une meilleure compréhension de soi-même et du monde. Pour décortiquer, analyser, fouiller ce qu’il peut nous pousser à faire, à dire, à penser, dans les moindres détails de nos actes, les plus petites failles de nos émotions, il faut jouer la carte de la sincérité, éviter les clichés, chercher le mot juste, pratiquer une ascèse, une recherche objective et sans nombrilisme sur sa relation à l’autre, aux autres.
C’est seulement ainsi que la passion pourra être transformée en une expérience de vie qui nous fera grandir. Et c’est ce que l’auteur a réussi dans ce livre, magistralement.
La densité d’écriture, notion rarement utilisée en littérature, est ce qui m’est venue immédiatement à l’esprit en entamant la lecture de ce livre. Bien sûr, cette densité est la caractéristique même de la poésie, où chaque mot a une place unique, où ce qui est accessoire doit être impitoyablement chassé, où ce qui est révélé doit nous permettre de parvenir à l’essence des êtres et des choses. Mais elle est ici poussée ici à un point extrême par l’utilisation foisonnante des verbes, par des phrases brèves qui donnent à la lecture un aspect haletant et brûlant en harmonie avec son sujet : l’amour.
Qu’est-ce que l’amour ? Peut-on attendre de la poésie qu’elle réponde à cette question ? Comment décrire au mieux cette passion que chaque humain a éprouvée ou éprouvera un jour, une passion qui révèle à celui qui la vit la part la plus intime de lui-même ? Un sentiment si difficile à faire partager malgré son universalité, puisqu’il s’incarne d’une façon unique en chacun de nous, avec ses émotions mêlées, ses désirs, ses étreintes, ses folies pour l’Autre, ses incompréhensions, ses délires, ses plaisirs fulgurants jamais rassasiés ?
L’originalité de ce livre est de mêler, pour répondre à ces questions, l’écriture poétique à la structure d’un roman. Ce sont en effet deux personnages, une femme et un homme, qui au fil des pages nous font partager leur expérience de la passion amoureuse, qui évolue devant nous en passant par une succession de possibles. Chacun des deux, alternativement, nous livre ses craintes, ses joies, parfois son désespoir.
Cette intrusion de l’empathie vis-à-vis d’un deuxième personnage suffit à créer un décalage et une prise de distance salutaire chez le lecteur. En faisant cohabiter écriture poétique et structure du roman, en mettant en scène des personnages et des évènements qu’ils vivent, cette empathie permet de sortir le livre de la description univoque des seuls sentiments du narrateur et de mieux toucher à l’universel.
Evènements ?
Une grand-mère aimée est morte. Comment peut se conjuguer encore le verbe aimer quand la disparition d’une autre personne aimée envahit tout notre espace ?
Tes mains sur mon corps me laissent indifférente.
Ce n’est pas toi, tu n’y es pour rien.
Ce sont ses mains à elle que je veux.
Maintenant plus que jamais.
Ce sont elles que je veux sentir.
Tout bascule, ce qui n’était que sentiments devient alors histoire. Le personnage masculin réagit à la souffrance de celle qu’il aime. Parfois maladroitement. Il ne peut rien. Il est désemparé.
Attendre que tu fasses le deuil.
Tenter d’accepter mon impuissance.
Essayer d’accepter ton refus d’intimité.
Attendre en distance.
Rejeter ton absence.
Te laisser seule.
ne pas vouloir te laisser seule.
Et quand il finit par comprendre, peut-être est-il trop tard. Il s’interroge. Qui est-il vraiment ? Il ne sait plus. Grâce à elle, à cause d’elle, il veut changer, il veut tout et son contraire. Il veut apprendre et il veut rêver. Et le livre s’achève sur une longue litanie de verbes exprimant ses souhaits, ses aspirations, ses désirs, qui n’ont alors plus rien à voir avec la femme qu’il aime, et qui finissent sur un mot répété inlassablement : rêver. Rêver sa vie ? Mêler le rêve à la vie ? A chacun de voir. A chacun de choisir.
A travers ces croisements des regards et des êtres, c’est bien le basculement du sentiment amoureux vers une quête existentielle qui est au cœur de ce livre. L’amour, avec ce qu’il nécessite d’empathie, permet une meilleure compréhension de soi-même et du monde. Pour décortiquer, analyser, fouiller ce qu’il peut nous pousser à faire, à dire, à penser, dans les moindres détails de nos actes, les plus petites failles de nos émotions, il faut jouer la carte de la sincérité, éviter les clichés, chercher le mot juste, pratiquer une ascèse, une recherche objective et sans nombrilisme sur sa relation à l’autre, aux autres.
C’est seulement ainsi que la passion pourra être transformée en une expérience de vie qui nous fera grandir. Et c’est ce que l’auteur a réussi dans ce livre, magistralement.
CROISEMENT(S)
Poésie
Caroline Mouton de Ponthieu
Editions l'Harmattan
11 €
Quatrième de couverture
Elle l'a aimé au présent et à l'imparfait / Elle a aimé l'aimer c'est un fait / Elle aurait aimé l'aimer en le retrouvant / Elle aimerait l'aimer encore un instant Il l'a aimée sans le savoir / Il a aimé l'aimer dans le noir / Il aurait aimé l'aimer
Invité- Invité
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