[Koltès, Bernard-Marie] Roberto Zucco
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Roberto Zucco
[Koltès, Bernard-Marie] Roberto Zucco
Roberto Zucco , Théâtre, 1988.
Auteur : Bernard-Marie Koltès
Éditeur : Éditions de Minuit
Nombre de pages : 128 pages
Prix : 10,05 €
4ème de couverture :
« Un trajet invraisemblable, un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force? abattus finalement par un caillou ou par une femme. »
Bernard-Marie Koltès
« Pour créer son Roberto Zucco, Koltès s'est contenté de quelques photos de presse et des articles parus dans Libération en février 1988. Il ne voulait pas en savoir plus : pour lui, Zucco est une figure mythique dont la trajectoire rejoint celle d'un héros antique. En écrivant l'odyssée de Zucco qui sera comme Samson, trahi par une femme, le poète avoue avoir, pour la première fois reconnu “ que la littérature peut avoir un sens ”. Il s'agit de pointer ce qui distingue Samson du commun des mortels, de montrer cette force extraordinaire, cette “ soif du bonheur du couteau ” dont a parlé Nietzsche. Il s'agît surtout, par contraste, de dire encore la médiocrité, la désespérante tristesse du cheminement de ceux qui ne dérailleront pas. “ Bien des choses me dégoûtent chez vous, gens de bien ”, ainsi parlait Zarathoustra, et ainsi parle Zucco : “ Regardez tous ces fous, regardez comme ils ont l'air méchant. ” Koltès préfère Zucco aux automobilistes qui se massacrent sur les autoroutes. Il préfère le forcené qui dit “ je n'ai rien à foutre de ma vie ” et se met un canon de revolver dans la bouche, à l’“ écœurant ” journaliste qui demande : “ Comment vous sentez-vous ? ” à la jeune otage, le canon sous la gorge (une scène que Koltès a empruntée à la fameuse prise d'otages de Glatbeck, en août 1988).
Le héros n'est pas très bavard. Dans de superbes monologues, comme des poèmes dictes par l'âme, Koltès a bien plus fait parler la tristesse sans fond de la famille de la gamine violée, engluée dans le malheur, l'angoisse du vieil homme égaré ou encore le mal à vivre de l'inspecteur mélancolique. La pièce est rythmée par les interventions comiques de couples de matons, d'inspecteurs et de policiers qui, comme des jardiniers ou des fossoyeurs de Shakespeare philosophent sur le crime et la folie et s'interrogent sur la nécessité “ d'avoir les yeux ouverts ”. »
Mes impressions :
Je lis très rarement du théâtre, et encore moins du théâtre contemporain et cette pièce vient de me mettre une terrible gifle.
Une gifle tout d'abord car j'ai adoré, tout simplement, je n'ai rien à redire sur quoi que ce soit. Je ne pourrais pas classer cette pièce, malgré de très forts accents tragiques j'ai aussi quelques scènes drôles ou terriblement ironiques.
Cette pièce n'est presque pas une fiction, en effet, l'auteur s'est inspiré de faits réels, on a l'impression de lire -même si j'ai horreur de ça- une sorte de roman policier.
Un homme qui tue ses parents, qui prend des gens en otage ; des gardiens de prisons totalement à l'Ouest ; une gamine dans une famille de fou, violée elle quitte le domicile ; des meurtres, un mythe...
Cette pièce m'a beaucoup marqué de part la puissance des mots employés mais aussi par le choix du personnage principal, on peut ressentir ses émotions et ses pensées notamment lors de la magnifique scène du bar avec Le Balèze.
J'ai plus qu'adoré, c'est magnifique, c'est profond, c'est facile à lire, ça fait réfléchir. Très très gros coup de cœur pour cette pièce, lisez-la !
Extrait : Scène II
- Spoiler:
LA MERE. - Est-ce moi, Roberto est-ce moi qui t'ai accouché ? Est-ce de moi que tu es sorti ? Si je n'avais pas accouché de toi ici, si je t'avais pas vu sortir, et suivi des yeux jusqu'à ce qu'on te pose dans ton berceau ; si je n'avais pas posé, depuis le berceau, mon regard sur toi sans te lâcher, et surveillé chaque changement de ton corps au point que je n'ai pas vu les changements se faire et que je te vois là, pareil à celui qui est sorti de moi dans ce lit, je croirais que ce n'est pas mon fils que j'ai devant moi. Pourtant, je te reconnais, Roberto. Je reconnais la forme de ton corps, ta taille, la couleur de tes cheveux, la couleur de tes yeux, la forme de tes mains, ces grandes mains fortes qui n'ont jamais servi qu'à caresser le cou de ta mère, qu'à serrer celui de ton père, que tu as tué. Pourquoi cet enfant, si sage pendant 24 ans, est-il devenu fou brusquement ? Comment as-tu quitté les rails, Roberto ? Qui a posé un tronc d'arbre sur ce chemin si droit pour te faire tomber dans l'abîme ? Roberto, Roberto, une voiture s'est écrasée au fond d'un ravin, on ne la répare pas. Un train qui a déraillé, on n'essaie pas de le remettre sur ces rails. On l'abandonne, on l'oublie. Je t'oublie, Roberto, je t'ai oublié.
ZUCCO.- Avant de m'oublier, dis moi où est mon treillis ?
LA MERE. - Il est là, dans le panier. Il est sale et tout froissé. (Zucco sort le treillis.) Et maintenant va-t'en, tu me l'as juré. Il s'approche, la caresse, l'embrasse, la serre ; elle gémit. Il la lâche et elle tombe, étranglée. Zucco se déshabille, enfile son treillis et sort.
Invité- Invité
Re: [Koltès, Bernard-Marie] Roberto Zucco
merci encore Findus pour cette agréable critique théâtrale
louloute- Grand sage du forum
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