[Hérodote] Histoires - ll

Auteur: Hérodote
Titre: Histoires ll
Genre: Histoire de la Grèce antique
Période concernée: entre 500 et 400 avant J.-C.
Éditeur: Société d'Édition «Les Belles Lettres» 1962
432 pages
ISBN inconnu

Contenu:


Mon appréciation


(Hérodote, "Histoires - ll"

Je prends la suite de Moulin-à-vent pour présenter le livre Histoires d'Hérodote que j'ai lu, quoique ce soit celui qui précède : livre I à IV. Je me suis dit que ce n'était peut-être pas nécessaire de créer un nouveau sujet, alors que c'est quand même de la même œuvre qu'il s'agit.

Histoires, Hérodote
Editions François Maspero - La Découverte (1980)
235 pages
ISBN : 2-7071-1189-9



Résumé de IVe page :
Introduction, choix et notes de François Hartog

Qu'évoque, pour celui qui le prononce, le nom d'Hérodote ? Celui d'un voyageur, qui a parcouru le monde méditerranéen ?

Celui d'un ethnographe, qui a recueilli des coutumes barbares et des rituels lointains ? Celui d'un géographe qui a inventorié les pays et leurs limites, les cours des fleuves, les cultures des hommes et leurs habitats ? Celui d'un historien, et même du premier d'entre eux, leur père, puisqu'il veut "célébrer les grandes et merveilleuses actions des Grecs et des Barbares, et, en particulier, développer les motifs qui les portèrent à se faire la guerre" ? Mais à ces multiples personnages la tradition en a ajouté un, aussi fameux qu'inquiétant, celui du menteur. Voyageur, ethnographe, géographe, historien, mais aussi menteur !

Né vers 480 av. J.C. en Asie Mineure, Hérodote est un Ionien, un voyageur et un exilé. Si les Histoires sont bien le récit des guerres entre les Grecs libres et les Barbares dominés par un maître, elles sont aussi (et peut-être surtout) la construction d'une nouvelle vision du monde et l'élaboration d'une nouvelle mémoire pour les Grecs.

Dans ce volume, ce sont les non-Grecs, les Barbares qui volontairement occupent le devant de la scène. Un tel choix répond non pas à un désir d'exotisme, mais au souci de poser cette question : comment Hérodote parle-t-il des autres à un public grec ?

Mon avis sur le livre :
C'est un livre que j'ai mis du temps à lire, mais cela n'est pas lié à un manque d'intérêt ou à un ennui, mais plutôt au genre, qui se goûte par petites bouchées. L'ouvrage est conçu en quatre livres, dédiés aux quatre Muses Clio, Euterpe, Thalie et Melpomène : en fait, l'auteur se concentre dans chaque livre sur une région du monde, en relation avec les conquêtes des Perses, et notamment de Darius.

Darius ayant été roi des Perses de 336 à 330 av. J.C., on peut constater qu'Hérodote fait bel et bien ouvrage d'historien. Toutefois, quoique le récit des conquêtes soit en soi intéressant et permette des anecdotes étonnantes, si ce n'était que ça !
Comme le dit bien le résumé de couverture, il fait également œuvre de géographe en répertoriant les mesures des frontières, et même, dans une certaine mesure, il fait état de la géopolitique de l'époque, avec la répartition des peuples selon les ressources de leur pays ; il fait œuvre d'ethnologue en rapportant les détails curieux qu'il a appris sur différents peuples, et qui sont parfois des légendes ; il se montre même curieux de patrimoine, voire de zoologie ou de botanique. C'est vraiment un savant complet, avec des connaissances impressionnantes.
Et toujours, quoi qu'on le traite de menteur, il témoigne d'une exigence scientifique, une rigueur et une honnêteté par rapport aux sources de ses connaissances, une distance critique sur ce qu'on lui apprend, que j'ai trouvées remarquables.

Les digressions sont présentes, c'est vrai, mais c'est presque ce qui fait l'intérêt du récit : cela lui donne en tout cas une grande variété. On peut y apprendre les techniques pour défendre une ville, ou pour la prendre, des ruses qui font et défont les alliances. Par exemple, l'histoire du médecin Démocédès que Darius voulait retenir à sa cour, ou encore Zopyre, qui se mutile volontairement pour prendre la ville de Babylone, à la fin du livre III.

J'ai eu le plaisir d'en apprendre davantage sur les coutumes et les religions des grands peuples de l'Antiquité, dont les noms résonnent à nos oreilles comme des mythes : les Egyptiens, les Thraces, les Scythes… Il est amusant de constater que, pour établir un parallèle compréhensible pour les Grecs, Hérodote parle des dieux égyptiens en les "assimilant" aux dieux grecs.
Nous apprenons les rites funéraires, conjugaux, ou encore les tortures infligées aux ennemis, les punitions des criminels, etc... C'est très riche.
J'ai bien aimé la petite anecdote des jeunes gens Scythes qui, pour avoir une descendance avec les Amazones, se sont peu à peu rapprochés d'elles en campant à côté de ces redoutables guerrières :
"Nous ne pourrions pas, répondirent les Amazones, demeurer avec les femmes de votre pays. Leurs coutumes ne ressemblent en rien aux nôtres : nous tirons de l'arc, nous lançons le javelot, nous montons à cheval, et nous n'avons point appris les ouvrages propres à notre sexe. Vos femmes ne font rien de ce que nous venons de dire et ne s'occupent qu'à des ouvrages de femmes. Elles ne quittent point leurs chariots, ne vont point à la chasse, ni même nulle part ailleurs. Nous ne pourrions par conséquent jamais nous accorder ensemble." (page 239)

Hérodote reconnaît lui-même faire de nombreuses digressions : ainsi qu'il le dit, par exemple, alors qu'il vient d'en faire une sur les raisons qui pourraient expliquer que dans les pays froid les chèvres n'ont pas de cornes ou presque - "mais, pour le dire en passant, puisque je me suis accoutumé, dès le commencement de cette histoire, à faire des digressions"... (page 208)
Cela donne un récit au fil du temps, un peu comme une conversation, procédé qu'on peut retrouver aussi chez un Marco Polo.

Enfin, je n'ai qu'un bémol, qui n'est pas à attribuer à l'auteur mais à l'éditeur, c'est l'absence d'une carte digne de ce nom pour suivre les abondantes notations géographiques. Je n'ai pas une connaissance suffisante du monde de l'Antiquité pour suivre facilement cet aspect. Il y a une carte, mais très schématique, et dressée uniquement d'après les commentaires d'Hérodote - j'aurais eu besoin de voir à quoi cela correspondait dans le monde d'aujourd'hui. Il n'est peut-être pas sûr que de telles cartes existent, j'en ai cherché sur internet, mais je n'ai rien trouvé de suffisant.

Ce récit n'est pas tout à fait un coup de cœur, mais vraiment, je pense qu'il m'aurait manqué quelque chose si je ne l'avais pas lu. Je peux dire que je l'ai lu dans le cadre du Challenge Libido Sciendi, car il dormait sur mes étagères depuis un bon bout de temps, et je suis ravie de m'y être enfin "attaquée".  

Elea2020, c'est tout simplement épatant ton résumé. Un gros MERCI!!! S'il te plaît, continue ainsi avec chaque livre du Libido Sciendi que tu liras. Je me permets le tutoiement car tu es une jeunesse.
Merci beaucoup!

Moulin-à-Vent a écrit:Elea2020, c'est tout simplement épatant ton résumé.  Un gros MERCI!!!  S'il te plaît, continue ainsi avec chaque livre du Libido Sciendi que tu liras.  Je me permets le tutoiement car tu es une jeunesse.
Merci beaucoup!  

Merci à toi @Moulin-à-vent, ça me touche. Tu peux bien sûr me tutoyer, et je ne suis pas de première jeunesse quand même.

On va peut-être retomber sur les mêmes livres ? En tout cas, ce challenge Libido Sciendi est motivant pour s'atteler à des lectures un peu plus difficiles (parfois, avec le travail, j'ai du mal à ne pas opter pour la facilité) - et aussi pour écrire les critiques, parce que la question "comment donner envie de lire un classique ?" est aussi un défi pour présenter les meilleurs côtés du livre.

Elea2020, vous êtes formidable!