[Pochoda, Ivy] L'autre côté des docks
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[Pochoda, Ivy] L'autre côté des docks
L'autre côté des docks
Ivy Pochoda
Liana Levi 350 p
Quatrième de couverture:
Red Hook. Une langue de terre tout au sud de Brooklyn, là où l'East River se jette dans la baie. L'horizon y est délimité et l'avenir aussi. Blancs ou noirs, habitants du front de mer résidentiel ou des cités, les jeunes du quartier passent leurs soirées d'été dehors à écouter du rap, boire des sodas alcoolisés et à rêver d'aller voir de l'autre côté, à Manhattan. L'aventure est là, tout près, dans cette ligne de gratte-ciels. Une nuit de canicule, June et Val, deux adolescentes inséparables, décident de mettre leur canot pneumatique à l'eau pour rejoindre une petite plage à une demi-heure de là. Sans imaginer que cette expédition va changer leur destin et celui du quartier¿ Car le lieu bouillonne de lourds contentieux, de rancunes et de dangers inattendus.
Mon avis:
Encore une très belle découverte de la jeune littérature Américaine. Un ton, un style, une histoire qui accroche et se déroule dans un quartier de NY, puzzle de couleurs de peau, de différentes cultures qui se côtoient mais ne se mélangent pas. Le ressenti quasiment physique de la vie qui s'y déroule est remarquable, vraiment un très grand talent.
Au milieu vogue le canot de June et Val, qui tentent par cette folie d'échapper à ce milieu étouffant. Le drame n'est pas loin, même si quelques anges gardiens tentent désespérément de l'éviter. Un jeune black qui les envient de tenter de s'évader, un vieil alcoolo qui se raccroche à un rêve de passé rempli de paillettes, mais qui ne peut se défaire d'un souvenir qui le hante. Tous les personnages sont forts et remarquablement bien croqués, même les plus insignifiants.
Vraiment un superbe roman, même si vers la fin, le rythme baisse quelque peu et l'auteur ajoute une tentative d'explication qui, je trouve, ne se justifiait pas et rompt un peu la magie de l'histoire. Mais c'est peu de chose en regard de la qualité de ce récit.
Invité- Invité
Re: [Pochoda, Ivy] L'autre côté des docks
Merci pour cette critique et cette belle idée littéraire
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Lecture en cours :
Silo de Hugh Howey
La Princesse des glaces de Camilla Läckberg
Re: [Pochoda, Ivy] L'autre côté des docks
Il ne faut guère en dire plus que la quatrième de couverture pour ne pas déparer le mystère qui court tout au long du roman sur le sort de June. Car des jeunes filles qui se sont aventurées sur l’East River un soir de canicule pour voir leur quartier "de l’autre côté", seule Val revient sur la rive, inconsciente ; June a disparu et on se demandera longtemps ce qui lui est arrivé.
Mais l’essentiel du roman d’Ivy Pochoda n’est pas là : l’intérêt majeur, c’est que l’auteur a fait du quartier de Red Hook un personnage à part entière. Un quartier situé tout au sud de Brooklyn, bien loin du pont de Brooklyn de la (superbe) couverture, l’ancien port de New York et l’ancien quartier des dockers donc, où la guerre des gangs et la violence sont à peinte éteintes et qui n’a pas encore retrouvé une identité attractive pour les touristes et autres artistes qui pourraient s’y promener ou s’y installer. Un quartier dont il n’est pas facile de s’évader, qui offre à l’intrigue un décor de huis clos géant (Ivy Pochoda y a elle-même longtemps vécu et la peinture qu’elle nous offre semble tout à fait authentique). Un huis clos parcouru lui-même de frontières plus ou moins visibles : entre les rues à habitations individuelles et les cours des cités, entre les différentes communautés qui cohabitent plus ou moins harmonieusement, d’une épicerie libanaise à un restaurant grec.
Ce décor de terrains vagues, de tôles froissées, de jetées désolées se pare de couleurs, d’odeurs et surtout de sons sous la plume évocatrice d’Ivy Pochoda. Les cours, les tours, les rues, les quais, les squats prennent vie devant nous et il s’en dégage indéniablement une vraie poésie, une poésie du quotidien, du laid, de l’abandonné.
Comment ne pas user la patience du lecteur dans cet univers ? En suivant un personnage différent à chaque chapitre. En construisant petit à petit une intrigue où le passé des personnages se dévoile par petites touches douloureuses, éclairant leurs dérives et leurs espoirs du présent. Si vous vous embarquez pour Red Hook, vous croiserez un épicier qui espère fédérer la communauté dans l’attente des bateaux de croisière, des femmes qui parlent aux fantômes, un prof de musique qui carbure à l’alcool et à la nostalgie, un tagueur étrangement sage, un jeune noir qui ne s’est jamais battu… et vous vous prendrez de tendresse pour leurs histoires tantôt cassées, tantôt si volontaires qu’on veut y croire avec eux.
Jusqu’à une fin qui m’a cueillie avec émotion, dans la beauté de sa forme et de son propos, un beau point final en forme d’ouverture. Comme dans un "opéra urbain", suivant la belle formule de Dennis Lehane. Et plus j’y pense, plus j’ai adoré ce roman !
"Il (Cree) comprend ce qui retient Gloria ici. Ce n’est pas ce qui existe aujourd’hui, mais ce qui il y avait avant – avant qu’on ne polisse, qu’on ne lessive l’histoire comme l’ancien bars de dockers . Alors qu’il traverse la rue pour quitter cette partie abandonnée du front de mer et rejoindre les cités, il prend conscience des différentes couches qui constituent Red Hook – les tours des cités construites par-dessus les maisons à charpentes de bois, les trottoirs de béton coulés sur les pavés, les lofts qui remplacent les usines, les magasins qui envahissent les entrepôts. Les bars modernes qui phagocytent les anciens rades. Les squelettes des bâtiments oubliés – la raffinerie de sucre et la cale sèche – qui survivent au milieu des nouveaux blocs de béton censés proposer des cadres de vie luxueux. Les vivants qui marchent sur les morts – le front de mer inanimé, ls anciens gangs démembrés, la guerre des drogues éteinte -, tout est encore là. Un quartier de fantômes. L’endroit n’est pas si mal après tout, pense Cree, si on regarde sous la surface, justement là où vit Gloria." (p. 197)
Mais l’essentiel du roman d’Ivy Pochoda n’est pas là : l’intérêt majeur, c’est que l’auteur a fait du quartier de Red Hook un personnage à part entière. Un quartier situé tout au sud de Brooklyn, bien loin du pont de Brooklyn de la (superbe) couverture, l’ancien port de New York et l’ancien quartier des dockers donc, où la guerre des gangs et la violence sont à peinte éteintes et qui n’a pas encore retrouvé une identité attractive pour les touristes et autres artistes qui pourraient s’y promener ou s’y installer. Un quartier dont il n’est pas facile de s’évader, qui offre à l’intrigue un décor de huis clos géant (Ivy Pochoda y a elle-même longtemps vécu et la peinture qu’elle nous offre semble tout à fait authentique). Un huis clos parcouru lui-même de frontières plus ou moins visibles : entre les rues à habitations individuelles et les cours des cités, entre les différentes communautés qui cohabitent plus ou moins harmonieusement, d’une épicerie libanaise à un restaurant grec.
Ce décor de terrains vagues, de tôles froissées, de jetées désolées se pare de couleurs, d’odeurs et surtout de sons sous la plume évocatrice d’Ivy Pochoda. Les cours, les tours, les rues, les quais, les squats prennent vie devant nous et il s’en dégage indéniablement une vraie poésie, une poésie du quotidien, du laid, de l’abandonné.
Comment ne pas user la patience du lecteur dans cet univers ? En suivant un personnage différent à chaque chapitre. En construisant petit à petit une intrigue où le passé des personnages se dévoile par petites touches douloureuses, éclairant leurs dérives et leurs espoirs du présent. Si vous vous embarquez pour Red Hook, vous croiserez un épicier qui espère fédérer la communauté dans l’attente des bateaux de croisière, des femmes qui parlent aux fantômes, un prof de musique qui carbure à l’alcool et à la nostalgie, un tagueur étrangement sage, un jeune noir qui ne s’est jamais battu… et vous vous prendrez de tendresse pour leurs histoires tantôt cassées, tantôt si volontaires qu’on veut y croire avec eux.
Jusqu’à une fin qui m’a cueillie avec émotion, dans la beauté de sa forme et de son propos, un beau point final en forme d’ouverture. Comme dans un "opéra urbain", suivant la belle formule de Dennis Lehane. Et plus j’y pense, plus j’ai adoré ce roman !
"Il (Cree) comprend ce qui retient Gloria ici. Ce n’est pas ce qui existe aujourd’hui, mais ce qui il y avait avant – avant qu’on ne polisse, qu’on ne lessive l’histoire comme l’ancien bars de dockers . Alors qu’il traverse la rue pour quitter cette partie abandonnée du front de mer et rejoindre les cités, il prend conscience des différentes couches qui constituent Red Hook – les tours des cités construites par-dessus les maisons à charpentes de bois, les trottoirs de béton coulés sur les pavés, les lofts qui remplacent les usines, les magasins qui envahissent les entrepôts. Les bars modernes qui phagocytent les anciens rades. Les squelettes des bâtiments oubliés – la raffinerie de sucre et la cale sèche – qui survivent au milieu des nouveaux blocs de béton censés proposer des cadres de vie luxueux. Les vivants qui marchent sur les morts – le front de mer inanimé, ls anciens gangs démembrés, la guerre des drogues éteinte -, tout est encore là. Un quartier de fantômes. L’endroit n’est pas si mal après tout, pense Cree, si on regarde sous la surface, justement là où vit Gloria." (p. 197)
Invité- Invité
Re: [Pochoda, Ivy] L'autre côté des docks
Bravo, très jolie critique de ce roman, juste une scène que j'ai adorée: la découverte du Tag animé éclairé par le bus par le commerçant libanais, c'est magnifique.
Invité- Invité
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