[Gary, Romain] Lady L.

J'adore cette illustration  


L'histoire

Lady L. aristocrate distinguée dont la vie mondaine et les frasques ont alimenté les gazettes depuis un demi-siècle reçoit toute son honorable famille dans son immense château pour fêter ses 80 ans. C'est une véritable corvée, elle éprouve peu de sympathie pour sa famille si conservatrice et soucieuse des apparences, et se doute bien qu'ils verraient avec un certain soulagement intéressé sa disparition prochaine....

Ses fils ont reçu une éducation prestigieuse et atteint les plus hautes responsabilités de l'armée, du gouvernement et de la finance, répondant ainsi aux souhaits malicieux de Lady L. qui pourtant ne parvient pas à les aimer. Elle ne s'intéresse pas plus à ses petits enfants excepté l'un d'entre eux dont la fougue lui rappelle son grand amour de jeunesse.
Autre motif de contrariété, elle apprend que son pavillon d'été, dans lequel elle renferme son secret, doit être détruit pour laisser passer une voie rapide, on n'arrête pas le progrès...
Lors des festivités elle s'isole avec son ami Percy, chevalier servant désuet, poète prestigieux à la naïveté enfantine, pour lui révéler le secret de ses origines...

Elle a vu le jour sous le nom d'Annette Boudin, gamine des rues née à Paris de l'union d'une blanchisseuse laborieuse et d'un vrai faux anarchiste indic et alcoolique. Père indigne qui lui lave le cerveau depuis son plus jeune âge avec de grands principes révolutionaires qu'il est incapable d'appliquer. Mais Annette est belle, tellement belle qu'on la croirait innocente...

Elle va tomber éperdument amoureuse d'Armand Denis, célèbre anarchiste de la fin du XIXième siècle, qui poursuit un idéal de liberté d'égalité et de fraternité en combattant par des moyens terroristes "l'Ordre Bourgeois" qui opprime les masses. Un idéaliste romantique, mais acharné...
Il la recrute, l'éduque, avec pour objectif de l'infiltrer la grande bourgeoisie dilettante de cette époque et de préparer des cambriolages qui financeront la cause.
Mais Annette prend progressivement goût à cette vie et découvre avec Glendale, gentleman dévoyé et nihiliste, un amour de la Beauté (dans tous les arts) et une culture du compromis. Elle se refuse de plus en plus à sacrifier son bonheur personnel au nom d'une cause dont elle partage globalement les aspirations mais pas la logique destructrice.
Et nous trouvons notre héroïne déchirée entre son amour passionnel irrépressible pour Armand et l'élan vital qui la conduit à envisager de se libérer de cet amour aliénant.

Mon avis :

Dans ce roman Romain Gary aborde ses obsessions de prédilection avec malice, une légèreté surprenante et beaucoup d'humour : la nature humaine dans ses passions autodestructrices, l'amour charnel qui soigne toutes les douleurs, la nécessité de ne s'enfermer dans aucune idéologie, de rester un « terroriste de l'intérieur » c'est-à-dire sans effusion de sang, en cultivant l'ironie anticonformiste et la joie de vivre.
J'ai été immédiatement emporté par le rythme du roman, me demandant sans cesse ce qu'il pouvait bien y avoir dans ce pavillon d'été au fond du jardin, comme on attend la résolution d'une énigme policière, alors que le drame passionnel se nouait.

La fin du roman m'a stupéfié.
Magistral. Il vous donne envie de vivre votre vie intensément ! D'oser, toujours oser !
Du grand Gary, à recommander à ceux qui voudraient découvrir son œuvre sans savoir où commencer.
Coup de cœur, forcément.

Fiche complète :
Auteur : Romain Gary
Editeur : Gallimard
Date de parution : 16/01/1973
Collection : Folio, numéro 304
Format : 11cm x 18cm
ISBN : 207036304X
EAN : 978-2070363049

Merci pour cette critique

Cela me tente bien, de découvrir cet auteur que je connais très peu.

J'ai lu le très célèbre "La vie devant soi" et très, très apprécié.
Je note celui-ci, merci pour ton avis Karmapolis!

Allez-y sans crainte c'est du tout bon.
Merci pour vos gentils mots.

Je retrouve toujours avec plaisir la belle écriture de Romain Gary. Ici une vieille aristocrate mondaine revient sur sa vie et sur les secrets qu'elle n'a jamais révélé. Jusqu'a présent elle a préféré les garder cachés et bien enfouis au fond d'elle.
On se rend compte alors qu'elle n'est pas du tout la personne que l'on croit et qu'elle est restée (plus ou moins) fidèle à ses premiers amours.

6/10

Comme toujours avec Romain Gary, c'est enlevé, drôle et agréable à lire. La féministe en moi se dit qu'Armand Denis ne mérite pas sa Lady L ...