Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset "Zacharie, voleur de poules" 6 Mars 2019

Mercredi 6 Mars, Philippe Cuisset a rencontré ses lecteurs au cours d’un tchat sur PartageLecture.
Neuf personnes ont assisté à cette soirée.

Un mot pour décrire le roman.

Voici ceux qui ont été écrits : nostalgie/ révolte/ poétique/inhumanité/ tragique/ profond/ émotions exprimées très pudiquement/ sujet actuel malgré tout.

Choix du sujet : (réponse de l’auteur)

Je connaissais le bagne des communards et je suis sensible à ce sujet mais j'ai découvert ce que la IIIe république était capable de faire dans la foulée su Second Empire. Elle a d'ailleurs durci la répression contre les misérables.

Source pour écrire le livre :

J'ai lu beaucoup d'ouvrages historiques et de témoignages sur ce bagne.
En fait je me suis appuyé sur un dossier généalogique constitué par des amis où la lettre à Sadi Carnot a probablement été l'étincelle qui m'a poussé à écrire ce livre. Il y a également le témoignage de Jean Allemane.
Il existe des archives, dessins de relégués, photos que j'ai abondamment consultés.
Les relégués étaient de simples petits délinquants, vagabonds...la IIIe république craignait cette pauvreté potentiellement dangereuse... Le bagne était aussi utilisé pour éloigner les opposants politiques

Philippe Cuisset est-il allé en Nouvelle-Calédonie ?

Non j'ai écrit sans à l'aveugle...
Il ne reste que des ruines en péril, passé honteux qu'une association essaie de préserver...
Maintenant c'est en passe d'être réhabilité, il y a même des spectacles sons et lumières précise une lectrice.
La SLN existait déjà : cette antichambre, ou brouillon de la déportation est une vilaine poussière dans le passé colonial la SLN existe toujours et les Kanaks écolo la combattent
Les "gens honnêtes" ou gens qui se prétendent "comme tels ont une vision terriblement sectaire fait remarquer un lecteur.
Il est terrible de constater le nombre d'atrocités que des sociétés peuvent commettre en toute bonne conscience renchérit une autre lectrice.

L’écriture et la construction du roman :

Un mois en intensif pour écrire le livre, je m'étais tellement imprégné des lectures historiques et des archives que la plume glissait assez vite...
J’avais le déroulement assez précis chronologique et géographique, j'avais même griffonné une carte de l'île...

La dernière page a été difficile à écrire : on abandonne une victime, dont on a fait un personnage auquel on s'est attaché, jeté ensuite aux ordures, la fosse commune, l'absence de sépulture...cette page ultime je voulais qu'elle ressemble à une sorte de mausolée.

A part les membres de Partage Lecture quels sont les premiers retours de lecteurs sur votre livre ?

Les retours sont plutôt positifs

Ce qui est aussi remarquables c'est la relative solidarité des bagnards, avez-vous trouver des documents sur cet état d'esprit ?

Le livre de Jean Alemane, il raconte cette solidarité assez typique du monde carcéral... on souligne souvent l'aspect jungle, déshumanisé, bestial où le plus fort domine, mais l'enfermement et la violence subie provoque également des comportements solidaires...
Zacharie subit sa peine, il est écrasé par une machine politique, judiciaire véritable broyeuse d'hommes...et les relégués n'avaient pas ce côté frondeur qu'on trouve chez les Communards, ou chez les durs à cuire, les tatoués...Zacharie est un pauvre paysan, ce n'est pas Papillon

Projets :

Comment allez-vous faire connaître votre livre, vous avez des salons en vue ? Non
Nous avons contacté le musée du bagne et attendons leur réponse : il est également à la maison de la Nouvelle Calédonie à Paris
Avez-vous d'autres projets de livres ? Deux autres romans, des romans contemporains...axés sur d'autres héros brisés par quelque machine...

Publication :

Un premier éditeur avait accepté le manuscrit mais a eu des difficultés, un autre également...et Kyklos m'a rattrapé au vol...
Madame l’éditrice : qu'est ce qui a retenu votre attention et donné envie de publier ce livre ?
Vous savez qu'en premier lieu, c'est le directeur éditorial qui lit et sélectionne ce qui garantit une ligne éditoriale depuis dix ans très cohérente
Fabrice Berthet a été saisi par l'histoire bien sûr de Zacharie mais aussi par les grandes qualités littéraires de l'ouvrage.
Pour ma part, cela a été un véritable coup de coeur même si nous essayons de garder de la distance

Remarque des lecteurs/ lectrices :

Cet ouvrage a ramené la mémoire d'un homme au-delà du temps, et j'ai eu le sentiment que Zacharie était de ma famille, proche, familier et qu'il m'accompagnait tout au long de ma lecture ; c'est je crois un des points forts de ce roman. L'auteur est parvenu à rendre Zacharie vivant
Tout est palpable dans ce que vous écrivez, ça prend sens, ça donne vie.
J'ai eu l'impression d'être accompagnée par l'ombre ou le fantôme de Zacharie tout au long de la lecture.
C'est un témoignage qui vient d'un autre temps et que vous avez su sublimer.
On sent Zacharie « présent" au-delà du temps.

Comme vous le mentionnez, la vague du souvenir est parvenue jusqu'à nous. Dans votre livre, vous parlez de l'écume des siècles.

Pouvez-vous faire un parallèle entre le thème de votre livre et ce qui peut se passer ailleurs aujourd'hui ?

Oui le parallèle était évident pour moi pendant la période d'écriture. En fait je suis assez engagé aux côtés des demandeurs d'asile, des réfugiés, en tant qu'enseignant je suis également face à une nouvelle pauvreté endémique et j'avais l'impression en écrivant de suivre un fil conducteur.

Emile ce compagnon de chaîne, une pure création ou un personnage inspiré par d'autres lectures ou témoignages ?

C’est un personnage fictif.  Sa pré-science de la violence du bagne et ses "exercices" d'endurance m'ont été inspirés par le Grand Cahier d'Agota Kristov...
Remarque d’une lectrice : Je pense qu'Emile vous ressemble : discret, à l'écoute, boostant celui qui en a besoin, plein d'humanité contenue, pas "m’as-tu vu"

La famille de Zacharie :

Un des premiers lecteurs a été l'arrière-arrière-arrière petits-fils...quelqu'un qui ne lit que rarement...
Il a été ému...beaucoup je pense, son épouse a parlé de "larmes aux yeux"
Mais malgré cet éloignement temporel j'ai été très surpris de sentir à quel point il était touché d'avoir appris qu'un aïeul était mort à l'Île des Pins.

Nous remercions l'auteur, l'éditeur pour ce partenariat suivi d'un échange très intéressant!

Merci Cassiopée

Merci Cassiopée. Je trouve formidable cette opportunité de dialoguer avec un auteur. J'espère qu'il y aura d'autres occasions, auxquelles je participerai avec plaisir.

Oui, Cannetille, on a beaucoup de chance!

Merci Cassiopée.