Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
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louloute
Cassiopée
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Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
Tchat avec Philippe Cuisset au sujet de son roman, « Des torrents de sang et d’argent. » Le 18 Mai 2022.
J’ai parfois regroupé plusieurs réponses de l’auteur en un seul paragraphe pour plus de lisibilité. Q veut dire question d'un e participant e.
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Les lecteur /lectrices étaient présents ainsi que l’auteur et son éditrice.
L’éditrice remercie les membres de PartageLecture pour les retours de qualité suite à la lecture.
Les personnes qui ont découvert le livre s’accordent à dire qu’elles ne connaissaient pas les faits évoqués et se sentent parfois honteux de leur ignorance.
Philippe C répond : La honte revient à ceux qui ont enfoui ce fait colonial pendant des décennies. Il s'agissait pour moi d'exhumer une politique raciale atroce qui revient en force en Europe. J’ai découvert ce fait en explorant des travaux universitaires et un très bref épisode dans un documentaire y faisait une simple allusion. Tout est en lien avec une actualité brûlante. Actuellement, en Namibie, les descendants des survivants se battent pour la mémoire de ce génocide. Ils aimeraient aussi déboulonner les statues des assassins, récupérer les terres volées...pour ce dernier point ce sera très très difficile. Les faits sont désormais reconnus en tant que tels par l'Allemagne, mais pour ce qui est de la résilience...de la réparation ce sera probablement un combat à mener sur des années.
Question : Votre héroïne, Esther, est une femme forte.
Philippe C : au-delà de l'horreur dans laquelle je ne voulais pas me complaire, ni raconter avec exhaustivité, je voulais montrer que quelque chose ne peut pas être détruit.
Q : On parle de la responsabilité de l'Allemagne, mais les autres nations européennes étaient au courant et ont fermé les yeux.
Philippe C : La vengeance ou le pardon sont les éléments de l'alternative systématiquement proposés dans la fiction, je pense à Inconnu à cette adresse par exemple, je voulais me libérer de ce choix et proposer une autre réflexion. Les autres nations, coloniales, pratiquaient des atrocités similaires au Congo, à Madagascar... On ne peut en effet pas parler de vengeance possible, et non plus de pardon. Simplement, on espérerait le minimum : l'humilité et le regret de la part des nations coupables. L'Angleterre a "ouvert les yeux", et commandé un rapport. Celui-ci consigne minutieusement toutes les atrocités commises. Mais le but était politique et pas humaniste. Ce rapport s'intitule The Blue book, il a été dissimulé jusqu'à l'indépendance. J'y ai trouvé quelques faits terribles que j'ai repris. Il faudrait rendre justice, or c'est impossible : les génocideurs sont morts. Contrairement à la Bosnie, au Rwanda...il n'y aura aucun tribunal international.
Q : comment a été construit le récit ?
Philippe C : le fil conducteur m'a été offert sur un plateau -si j'ose dire- d'argent par von Trotha...avec un titre qui résumait l'histoire de 1904 à 1908 et qui révélait qu'on passe allégrement de l'écrasement par la violence militaire à la domination esclavagiste de l'exploitation des diamants... Je me suis imprégné des travaux universitaires, compulsé le Blue book, observé longuement des photos. Je n'avais pas le plan complet. Par exemple je ne savais ce que deviendrai Esther après son évasion...une migrante ? partant au Bostwana, une guérillera...finalement une domestique chez un fermier...
Il y avait surtout la volonté d'essayer de comprendre d'un côté comme de l'autre ce qui s'entrechoque dans un esprit humain, qu'il soit bourreau ou victime.
Ce qui me frappe aujourd’hui, au regard de l'actualité, c'est que ce génocide est resté méconnu principalement parce qu'il touchait des peuples d'Afrique. Avec l'élan de solidarité et l'identification aux Ukrainiens, on assiste à cette même discrimination. Les souffrances actuelles des peuples de peau noire laissent indifférent...
Éditrice Kyklos: Philippe, est-ce la photo de cette travailleuse du rail (qui figure sur le bandeau du livre) qui t'a inspiré Esther immédiatement ?
Philippe C : c'est bien Esther, dont on voit la photo sur le bandeau...enfin c'est "mon" Esther...j'ignore l'identité de cette travailleuse du rail.
Q : Votre livre a-t-il rencontré un écho chez des représentants - associations ou autres - sensibles à cette cause ?
Éditrice Kyklos : nous l'avons fait entrer en catégorie "histoire" et aujourd'hui l'ouvrage se trouve notamment dans les bibliothèques universitaires allemandes ainsi que dans une aux États-Unis.
Comment parviens-tu en tant qu'écrivain à t'incarner dans des personnages tels que Zacharie Blondel, Miranda et aujourd'hui Esther, à t'imprégner de leurs souffrances et à nous les rendre si proches ?
Philippe C : Des échos et des retours de lecteurs et lectrices réfugié(e)s me paraissent particulièrement touché(e)s pour l'instant ...plus que les "européens"...et dans la foulée pour répondre à l'identification...je ne sais pas comment je fais...accepter un temps de ne plus être soi-même...entrer dans un vertige ?
Q : Des 3 personnages principaux de vos 3 romans, lequel vous a posé le plus de difficultés ? ou de facilité ?
Philippe C : La plus difficile était Miranda, d'abord parce qu'elle était ancrée dans le réel d'un camp de réfugiés, ensuite parce qu'il me fallait aborder des scènes liées à l'esclavage sexuel et c'était très délicat, très sensible...j'avais un peu peur de mes lecteurs. Mon but essentiel est de leur rendre une humanité dont ils ont été défaits.
Q : Ce sont toujours des sujets difficiles, qui vous tiennent terriblement à coeur ?
Philippe C : Oui la violence qu'elle soit carcérale, mafieuse ou génocidaire me hante littéralement...l'inhumain est tellement banal qu'on risque de s'y habituer, j'écris justement pour que cela nous rende malades...vous et moi.
Quand le roman est fini, il ne m'appartient plus, bien sûr je préfère être lu mais je passe une sorte de relai.
Les écrits en Namibie ou les revendications des hereros ou des namas tendent à glorifier des chefs, des combattants, toujours des hommes...je voulais apporter un éclairage qui ne soit pas celui de la bravoure virile du soldat mais montrer une autre forme de force.
Q : Vous n'êtes jamais allé dans les lieux que vous évoquez ?
Philippe C : non je ne connais pas ces pays mais pour le Mexique par exemple j'ai déplacé le sujet pour ne pas utiliser une géographie connue...une façon de ne pas proposer des récits trop naturalistes.
Q : Un prochain livre ? Sur une autre cause humanitaire ?
Philippe C : Oui , ça se passera en Albanie, sur fond de trafic d'ordures et de Kanun. Le Kanun est un code ancestral qui prône le sang pour le sang, je connais des réfugiés qui doivent fuir ce pays pour cette raison.
Q : Une vendetta ?
Philippe C : oui une vendetta mais très codifiée et surtout quasi légale dans le Nord du pays. D’autant plus que la mafia est aux manettes et la police totalement corrompue. Il y a 2 semaines j'ai rencontré une femme qui a fui l'Albanie sous la menace d'un groupe armé, ils ont pris sa maison, l'ont menacée, la police était sur les lieux et regardait...
Q : Ce sont vos rencontres qui vous ont donné envie d'écrire ce nouveau livre ?
Philippe C : oui ça vient de rencontres réelles. J’ai beaucoup de liens avec l'Albanie ou le Kosovo. Le prochain héros sera une héroïne.
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Merci à tous pour ce moment d’échange très intéressant. Merci à Virginie des éditions Kyklos qui offre à nos membres des moments de partage uniques avec des auteurs.
J’ai parfois regroupé plusieurs réponses de l’auteur en un seul paragraphe pour plus de lisibilité. Q veut dire question d'un e participant e.
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Les lecteur /lectrices étaient présents ainsi que l’auteur et son éditrice.
L’éditrice remercie les membres de PartageLecture pour les retours de qualité suite à la lecture.
Les personnes qui ont découvert le livre s’accordent à dire qu’elles ne connaissaient pas les faits évoqués et se sentent parfois honteux de leur ignorance.
Philippe C répond : La honte revient à ceux qui ont enfoui ce fait colonial pendant des décennies. Il s'agissait pour moi d'exhumer une politique raciale atroce qui revient en force en Europe. J’ai découvert ce fait en explorant des travaux universitaires et un très bref épisode dans un documentaire y faisait une simple allusion. Tout est en lien avec une actualité brûlante. Actuellement, en Namibie, les descendants des survivants se battent pour la mémoire de ce génocide. Ils aimeraient aussi déboulonner les statues des assassins, récupérer les terres volées...pour ce dernier point ce sera très très difficile. Les faits sont désormais reconnus en tant que tels par l'Allemagne, mais pour ce qui est de la résilience...de la réparation ce sera probablement un combat à mener sur des années.
Question : Votre héroïne, Esther, est une femme forte.
Philippe C : au-delà de l'horreur dans laquelle je ne voulais pas me complaire, ni raconter avec exhaustivité, je voulais montrer que quelque chose ne peut pas être détruit.
Q : On parle de la responsabilité de l'Allemagne, mais les autres nations européennes étaient au courant et ont fermé les yeux.
Philippe C : La vengeance ou le pardon sont les éléments de l'alternative systématiquement proposés dans la fiction, je pense à Inconnu à cette adresse par exemple, je voulais me libérer de ce choix et proposer une autre réflexion. Les autres nations, coloniales, pratiquaient des atrocités similaires au Congo, à Madagascar... On ne peut en effet pas parler de vengeance possible, et non plus de pardon. Simplement, on espérerait le minimum : l'humilité et le regret de la part des nations coupables. L'Angleterre a "ouvert les yeux", et commandé un rapport. Celui-ci consigne minutieusement toutes les atrocités commises. Mais le but était politique et pas humaniste. Ce rapport s'intitule The Blue book, il a été dissimulé jusqu'à l'indépendance. J'y ai trouvé quelques faits terribles que j'ai repris. Il faudrait rendre justice, or c'est impossible : les génocideurs sont morts. Contrairement à la Bosnie, au Rwanda...il n'y aura aucun tribunal international.
Q : comment a été construit le récit ?
Philippe C : le fil conducteur m'a été offert sur un plateau -si j'ose dire- d'argent par von Trotha...avec un titre qui résumait l'histoire de 1904 à 1908 et qui révélait qu'on passe allégrement de l'écrasement par la violence militaire à la domination esclavagiste de l'exploitation des diamants... Je me suis imprégné des travaux universitaires, compulsé le Blue book, observé longuement des photos. Je n'avais pas le plan complet. Par exemple je ne savais ce que deviendrai Esther après son évasion...une migrante ? partant au Bostwana, une guérillera...finalement une domestique chez un fermier...
Il y avait surtout la volonté d'essayer de comprendre d'un côté comme de l'autre ce qui s'entrechoque dans un esprit humain, qu'il soit bourreau ou victime.
Ce qui me frappe aujourd’hui, au regard de l'actualité, c'est que ce génocide est resté méconnu principalement parce qu'il touchait des peuples d'Afrique. Avec l'élan de solidarité et l'identification aux Ukrainiens, on assiste à cette même discrimination. Les souffrances actuelles des peuples de peau noire laissent indifférent...
Éditrice Kyklos: Philippe, est-ce la photo de cette travailleuse du rail (qui figure sur le bandeau du livre) qui t'a inspiré Esther immédiatement ?
Philippe C : c'est bien Esther, dont on voit la photo sur le bandeau...enfin c'est "mon" Esther...j'ignore l'identité de cette travailleuse du rail.
Q : Votre livre a-t-il rencontré un écho chez des représentants - associations ou autres - sensibles à cette cause ?
Éditrice Kyklos : nous l'avons fait entrer en catégorie "histoire" et aujourd'hui l'ouvrage se trouve notamment dans les bibliothèques universitaires allemandes ainsi que dans une aux États-Unis.
Comment parviens-tu en tant qu'écrivain à t'incarner dans des personnages tels que Zacharie Blondel, Miranda et aujourd'hui Esther, à t'imprégner de leurs souffrances et à nous les rendre si proches ?
Philippe C : Des échos et des retours de lecteurs et lectrices réfugié(e)s me paraissent particulièrement touché(e)s pour l'instant ...plus que les "européens"...et dans la foulée pour répondre à l'identification...je ne sais pas comment je fais...accepter un temps de ne plus être soi-même...entrer dans un vertige ?
Q : Des 3 personnages principaux de vos 3 romans, lequel vous a posé le plus de difficultés ? ou de facilité ?
Philippe C : La plus difficile était Miranda, d'abord parce qu'elle était ancrée dans le réel d'un camp de réfugiés, ensuite parce qu'il me fallait aborder des scènes liées à l'esclavage sexuel et c'était très délicat, très sensible...j'avais un peu peur de mes lecteurs. Mon but essentiel est de leur rendre une humanité dont ils ont été défaits.
Q : Ce sont toujours des sujets difficiles, qui vous tiennent terriblement à coeur ?
Philippe C : Oui la violence qu'elle soit carcérale, mafieuse ou génocidaire me hante littéralement...l'inhumain est tellement banal qu'on risque de s'y habituer, j'écris justement pour que cela nous rende malades...vous et moi.
Quand le roman est fini, il ne m'appartient plus, bien sûr je préfère être lu mais je passe une sorte de relai.
Les écrits en Namibie ou les revendications des hereros ou des namas tendent à glorifier des chefs, des combattants, toujours des hommes...je voulais apporter un éclairage qui ne soit pas celui de la bravoure virile du soldat mais montrer une autre forme de force.
Q : Vous n'êtes jamais allé dans les lieux que vous évoquez ?
Philippe C : non je ne connais pas ces pays mais pour le Mexique par exemple j'ai déplacé le sujet pour ne pas utiliser une géographie connue...une façon de ne pas proposer des récits trop naturalistes.
Q : Un prochain livre ? Sur une autre cause humanitaire ?
Philippe C : Oui , ça se passera en Albanie, sur fond de trafic d'ordures et de Kanun. Le Kanun est un code ancestral qui prône le sang pour le sang, je connais des réfugiés qui doivent fuir ce pays pour cette raison.
Q : Une vendetta ?
Philippe C : oui une vendetta mais très codifiée et surtout quasi légale dans le Nord du pays. D’autant plus que la mafia est aux manettes et la police totalement corrompue. Il y a 2 semaines j'ai rencontré une femme qui a fui l'Albanie sous la menace d'un groupe armé, ils ont pris sa maison, l'ont menacée, la police était sur les lieux et regardait...
Q : Ce sont vos rencontres qui vous ont donné envie d'écrire ce nouveau livre ?
Philippe C : oui ça vient de rencontres réelles. J’ai beaucoup de liens avec l'Albanie ou le Kosovo. Le prochain héros sera une héroïne.
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Cassiopée- Admin
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Re: Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
Cassiopée pour ce résumé enrichissant
louloute- Grand sage du forum
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Re: Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
Merci pour ce compte-rendu, @Cassiopée : ce roman et le prochain ont l'air très intéressants. Il va falloir que je revienne vers Kyklos !
elea2020- Grand sage du forum
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joëlle- Modérateur
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Re: Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
Merci pour le compte-rendu.
Re: Compte-rendu du tchat avec Philippe Cuisset, auteur "Des torrents de sang et d'argent" (18/05/2022)
Merci et bravo pour tout : le partenariat, le tchat, et le compte-rendu.
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