[Llense, Alain] Nos enfants ne sauront jamais les enfants que nous sommes

Un père, une fille, aujourd'hui, quelque part dans le monde. Lui est parti, mort précoce, décédé trop tôt, elle est restée, orpheline éplorée, jeune femme trop seule, trop perdue, trop libre. De là où il est désormais, le père continue de regarder vivre sa fille, de la voir réussir ou se tromper, aimer ou haïr, rire ou pleurer. Il la voit qui le pleure, le regrette, le canonise lui qui, vivant, fut si peu un saint. Il voudrait encore lui dire, encore lui apprendre, encore lui donner les clés pour qu'elle soit heureuse et il voudrait aussi qu'elle sache combien il fut imparfait...

Quoi de plus naturel que l'amour que les parents portent à leurs enfants ? Et pourtant, quoi de plus difficile que trouver les mots justes pour l'exprimer ? Alors on remet à plus tard. Même lorsqu'on se sait condamné, on se dit qu'on aura toujours le temps. Alain Llense imagine dans ce joli roman les pensées que Paul, après sa mort, continue à adresser à sa fille Marie. Le livre entier ne suffira pas à contenir tout ce qu'il regrette de n'avoir pas su lui communiquer de son vivant. Alain Llense tire adroitement le fil de cette situation initiale originale, prétexte à une peinture naturaliste  d'une vie de famille heureuse, provinciale et banale (cela nous change du Paris dans lequel la création littéraire française a parfois tendance à tourner en rond), et à quelques réflexions assez fines sur la parentalité. Souvenirs et visions de l'au-delà s'alternent avec fluidité, et arracheront facilement quelques larmes aux lecteurs·rices sensibles. Petit bémol : j'ai regretté que le personnage de Christine, la mère de Marie, soit un peu survolé. Si vous êtes en quête d'une lecture simple et émouvante, ce livre est fait pour vous.