[Pivot, Cécile] Les lettres d'Esther
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[Pivot, Cécile] Les lettres d'Esther
Les lettres d’Esther
Auteur : Cécile Pivot
Éditions : Calmann-Lévy (19 août 2020)
ISBN : 978-2702169070
320 pages
Quatrième de couverture
En souvenir de son père, Esther, une libraire du nord de la France, ouvre un atelier d’écriture épistolaire. Ses cinq élèves composent un équipage hétéroclite : une vieille dame isolée, un couple confronté à une sévère dépression post-partum, un homme d’affaires en quête de sens et un adolescent perdu.
Mon avis
Une libraire, Esther, a décidé, en souvenir de son père, d’animer un atelier d’écriture « à distance ». Ses « élèves » devront écrire à deux personnes et lui donner un double des courriers afin qu’elle les conseille, les aide à améliorer leur style.Au départ, son but est simple, redonner le goût de la correspondance écrite, à une époque où mails et textos envahissent notre quotidien.
Le style épistolaire est pour moi un vrai plaisir de lecture. J’aime écrire (des lettres), choisir les mots, les expressions qui permettront de partager mon ressenti. Je suis intimement persuadée qu’on peut dire, par écrit, des choses qu’on a du mal à partager par oral. Et inversement, à l’écrit, on peut accepter des remarques, qui auraient provoqué de la colère en nous. Sur le coup, on peut être en rage puis en relisant, on essaie de comprendre ce que l’expéditeur a voulu nous dire et cela atténue la violence du propos.
Les participants à l’atelier d’Esther sont parfois arrivés là par hasard, parfois guidés par un médecin, mais tous ont finalement une raison profonde d’avoir fait ce choix. Il y a un couple qui ne communique plus, un lycéen, des personnes seules. On va découvrir leurs courriers, leurs échanges et parfois un peu de leur vie à côté mais ce sont les missives qui constituent l’essentiel de ce très beau roman. Ils se confient, parlent de leurs blessures, puisque la première question d’Esther est : « Contre quoi vous défendez-vous ? »
Avec une belle plume, adaptée à chacun des protagonistes, l’auteur donne la parole de fort belle manière, avec énormément de justesse, à ces hommes et ces femmes. Ils sont issus de différents milieux, diverses générations, avec des aspirations, des problèmes qui leur sont propres, mais écrire va les amener à cheminer, à évoluer, parfois à se remettre en question. En correspondant, ils vont de plus en plus loin dans la confiance, les confidences….est-ce plus facile avec un ( e) inconnu (e ) ? L’écriture est délicieuse, emplie d’humanité. Cécile Pivot n’en fait pas trop, elle reste délicate dans son propos. Pourtant elle aborde des thèmes qui ne sont pas aisés : la mort, la maternité, l’ambition démesurée etc, et elle oblige chacun (y compris le lecteur) à se poser une question fondamentale : quel sens je veux donner à ma vie ?
Une belle découverte, un recueil plaisant et un passage merveilleux, plein de poésie, sur « la cabine du vent »…..
La cabine du vent au Japon....
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Cassiopée- Admin
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Re: [Pivot, Cécile] Les lettres d'Esther
Mon avis :
Le sujet du livre, la manière dont il est rédigé peuvent presque paraître désuets : cinq personnes participent à un atelier d'écriture épistolaire. Surtout, nous lirons leurs lettres et si Esther leur donne des conseils pour améliorer leur style, si elle leur donne des exercices d'écriture à faire, c'est avant tout le contenu de leurs écrits qui comptent, et pas la recherche d'effets d'écriture artificiels.
Autant le dire tout de suite : le genre épistolaire n'est vraiment pas mon genre de prédilection, à la suite de rencontres littéraires ratées. La rencontre a été ici réussie, due en partie à la personnalité des cinq épistoliers. Nicolas, Juliette, Jeanne, Samuel, Jean. Cinq personnes, cinq volontaires qui vont correspondre, qui vont se choisir sans se connaître réellement, sauf Nicolas et Juliette, qui s'écrivent, sur le conseil du médecin qui suit Juliette. Il est des choses qu'il est plus facile de dire par écrit, ne serait-ce que parce qu'on a le temps de mûrir ce que l'on va écrire, de réfléchir aux mots que l'on emploie, de ne pas répondre au tac au tac, de prendre aussi le temps de lire la lettre de son correspondant, de la relire - sans s'enflammer, parfois. Je pense au personnage de Jean, le quinquagénaire qui a réussi professionnellement, ne s'est pas vraiment donné la peine de réussir sa vie de couple, sa vie de père, et l'assume avec un certain cynisme, sans crainte du jugement d'autrui. Nicolas se lâche lui aussi avec Jean, ose les formules directes - les figures de style, ce n'est pas pour lui. Nicolas, marié à Juliette, qui souffre de dépression post-partum et ne parvient plus à communiquer avec lui, à s'occuper de sa fille. Il fait de son mieux, mais rien n'est facile, même si de nos jours cette maladie est mieux prise en compte (pendant que je rédige le brouillon, je regarde une série dans laquelle un médecin dit à sa patiente que sa dépression post-partum "va passer tout seul, vous allez voir") bien que la prise en charge reste imparfaite, comme le prouve la réaction de son médecin généraliste. Avec ce couple, nous abordons le thème de la filiation, de la transmission, et si ce n'est pas simple pour eux, ce n'est pas facile non plus pour les autres participants. Si Esther a conçu cet atelier d'écriture, c'est en mémoire de son père avec lequel elle a correspondu jusqu'à sa mort, Jeanne n'a presque plus de contact avec sa fille unique Aurélie. Samuel a perdu son frère, et depuis, il se cherche, il cherche sa place dans sa famille, digne mais dévastée. Se confier est-il plus facile quand on ne connaît pas la personne ? Parfois oui, parfois non - réponse de normande. Il pourrait sembler plus facile de se confier à quelqu'un du même sexe, de la même génération, et pourtant Jeanne et Samuel vont développer un des plus beaux échanges du roman, parce qu'ils doivent réinventer leur vie, parce qu'ils ont une préoccupation commune - l'avenir de la planète, et comment l'homme peut influer sur lui - parce que la re-naissance peut être au bout du chemin épistolaire. N'hésitez pas à lire et relire l'ultime lettre de ce récit.
Le sujet du livre, la manière dont il est rédigé peuvent presque paraître désuets : cinq personnes participent à un atelier d'écriture épistolaire. Surtout, nous lirons leurs lettres et si Esther leur donne des conseils pour améliorer leur style, si elle leur donne des exercices d'écriture à faire, c'est avant tout le contenu de leurs écrits qui comptent, et pas la recherche d'effets d'écriture artificiels.
Autant le dire tout de suite : le genre épistolaire n'est vraiment pas mon genre de prédilection, à la suite de rencontres littéraires ratées. La rencontre a été ici réussie, due en partie à la personnalité des cinq épistoliers. Nicolas, Juliette, Jeanne, Samuel, Jean. Cinq personnes, cinq volontaires qui vont correspondre, qui vont se choisir sans se connaître réellement, sauf Nicolas et Juliette, qui s'écrivent, sur le conseil du médecin qui suit Juliette. Il est des choses qu'il est plus facile de dire par écrit, ne serait-ce que parce qu'on a le temps de mûrir ce que l'on va écrire, de réfléchir aux mots que l'on emploie, de ne pas répondre au tac au tac, de prendre aussi le temps de lire la lettre de son correspondant, de la relire - sans s'enflammer, parfois. Je pense au personnage de Jean, le quinquagénaire qui a réussi professionnellement, ne s'est pas vraiment donné la peine de réussir sa vie de couple, sa vie de père, et l'assume avec un certain cynisme, sans crainte du jugement d'autrui. Nicolas se lâche lui aussi avec Jean, ose les formules directes - les figures de style, ce n'est pas pour lui. Nicolas, marié à Juliette, qui souffre de dépression post-partum et ne parvient plus à communiquer avec lui, à s'occuper de sa fille. Il fait de son mieux, mais rien n'est facile, même si de nos jours cette maladie est mieux prise en compte (pendant que je rédige le brouillon, je regarde une série dans laquelle un médecin dit à sa patiente que sa dépression post-partum "va passer tout seul, vous allez voir") bien que la prise en charge reste imparfaite, comme le prouve la réaction de son médecin généraliste. Avec ce couple, nous abordons le thème de la filiation, de la transmission, et si ce n'est pas simple pour eux, ce n'est pas facile non plus pour les autres participants. Si Esther a conçu cet atelier d'écriture, c'est en mémoire de son père avec lequel elle a correspondu jusqu'à sa mort, Jeanne n'a presque plus de contact avec sa fille unique Aurélie. Samuel a perdu son frère, et depuis, il se cherche, il cherche sa place dans sa famille, digne mais dévastée. Se confier est-il plus facile quand on ne connaît pas la personne ? Parfois oui, parfois non - réponse de normande. Il pourrait sembler plus facile de se confier à quelqu'un du même sexe, de la même génération, et pourtant Jeanne et Samuel vont développer un des plus beaux échanges du roman, parce qu'ils doivent réinventer leur vie, parce qu'ils ont une préoccupation commune - l'avenir de la planète, et comment l'homme peut influer sur lui - parce que la re-naissance peut être au bout du chemin épistolaire. N'hésitez pas à lire et relire l'ultime lettre de ce récit.
Sharon- Modérateur
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Re: [Pivot, Cécile] Les lettres d'Esther
Après le décès de son père écrivain, avec qui elle entretenait depuis des années une correspondance régulière malgré leur proximité géographique et leurs fréquentes rencontres, la libraire Esther décide d'organiser un atelier d'écriture épistolaire. Pendant quelques mois, un échange croisé de lettres va alors créer un espace de communication unique et privilégié entre la jeune femme, un couple submergé par une dépression post-partum, un adolescent rongé par la culpabilité de survivre à son frère mort d'un cancer, une veuve âgée percluse de solitude, et un homme d'affaires qui a perdu le sens de son existence : une expérience qui aura un retentissement significatif sur leur vie à tous.
A l’époque de l’immédiateté et de l’hyper-connectivité, cette histoire est une ode à la « slow-communication », une démonstration un rien nostalgique de ce qu’un lien épistolaire au long cours peut avoir d’unique et d’irremplaçable dans la relation entre les êtres : la décantation de nos actes et de nos sentiments au travers de leur mise en écriture, le temps de réflexion qu’autorise et exige l’échange des réponses, ainsi que l’intimité libératrice de ces moments exclusifs et privilégiés que prennent deux personnes l’une pour l’autre, n’ont en effet d’équivalents, ni dans les contacts présentiels, ni dans le jeu de ping-pong des messages numériques.
Ainsi, habituellement emportés par le torrent de leur vie, les cinq élèves d’Esther vont prendre le temps de laisser se déposer les alluvions du quotidien, de se révéler mutuellement avec sincérité et bienveillance, exposant leurs fragilités et leurs doutes à l’écoute et aux questions, dans une démarche aux effets quasi thérapeutiques, en tous les cas, réconfortants par la simple humanité de l’échange. Et c’est avec une émotion grandissante que l’écriture toute de douceur et de sensibilité de Cécile Pivot amène peu à peu ses personnages à surmonter leurs deuils et leurs peurs grâce aux liens de la communication, si joliment symbolisés à la fin du livre par l’émouvante et poétique cabine du téléphone du vent au Japon.
Constat chagrin de la croissante solitude des individus dans une société contemporaine paradoxalement hyper-communicante, ce roman épistolaire délicatement nostalgique vous fera regretter, vous aussi, la prévisible obsolescence des timbres et des boîtes aux lettres. Coup de coeur. (5/5)
A l’époque de l’immédiateté et de l’hyper-connectivité, cette histoire est une ode à la « slow-communication », une démonstration un rien nostalgique de ce qu’un lien épistolaire au long cours peut avoir d’unique et d’irremplaçable dans la relation entre les êtres : la décantation de nos actes et de nos sentiments au travers de leur mise en écriture, le temps de réflexion qu’autorise et exige l’échange des réponses, ainsi que l’intimité libératrice de ces moments exclusifs et privilégiés que prennent deux personnes l’une pour l’autre, n’ont en effet d’équivalents, ni dans les contacts présentiels, ni dans le jeu de ping-pong des messages numériques.
Ainsi, habituellement emportés par le torrent de leur vie, les cinq élèves d’Esther vont prendre le temps de laisser se déposer les alluvions du quotidien, de se révéler mutuellement avec sincérité et bienveillance, exposant leurs fragilités et leurs doutes à l’écoute et aux questions, dans une démarche aux effets quasi thérapeutiques, en tous les cas, réconfortants par la simple humanité de l’échange. Et c’est avec une émotion grandissante que l’écriture toute de douceur et de sensibilité de Cécile Pivot amène peu à peu ses personnages à surmonter leurs deuils et leurs peurs grâce aux liens de la communication, si joliment symbolisés à la fin du livre par l’émouvante et poétique cabine du téléphone du vent au Japon.
Constat chagrin de la croissante solitude des individus dans une société contemporaine paradoxalement hyper-communicante, ce roman épistolaire délicatement nostalgique vous fera regretter, vous aussi, la prévisible obsolescence des timbres et des boîtes aux lettres. Coup de coeur. (5/5)
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