[Bouchard, Roxanne] Nous étions le sel de la mer
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[Bouchard, Roxanne] Nous étions le sel de la mer
Titre : Nous étions le sel de la mer
Auteur : Roxanne BOUCHARD
Parution : 2014 (VLB Editeur)
Pages : 360
Présentation de l'éditeur :
C'est Vital. Ça a l'air qu'il a ramassé un cadavre dans ses filets. Il l'a dit dans sa radio. Tu veux qu'on t'en raconte, des histoires de marins? Reste avec nous autres pis tu vas en voir, la p'tite!
Ce matin-là, Vital Bujold a repêché le corps d'une femme qui, jadis, avait viré le cœur des hommes à l'envers. En Gaspésie, la vérité se fait rare, surtout sur les quais de pêche. Les interrogatoires dérivent en placotages, les indices se dispersent sur la grève, les faits s'estompent dans la vague, et le sergent Moralès, enquêteur dans cette affaire, aurait bien besoin d'un double scotch.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Il y a une dizaine d'années, Roxanne Bouchard a décidé d'aller en mer. Elle a appris à faire de la voile, d'abord sur le Saint-Laurent, ensuite en Gaspésie. C'est là que des pêcheurs l'ont invitée à leur bord, pour lever les cages à homards et pour constater de visu que les levers de soleil sur Bonaventure ne mentent jamais. Nous étions le sel de la mer est son cinquième roman.
Avis :
Lasse de son existence vide de sens à Montréal, Catherine Day décide de partir à la recherche de ses racines gaspésiennes. Elle est à peine arrivée dans cette petite ville portuaire située sur la Baie des Chaleurs, qu’un corps de femme est repêché par un bateau du coin. L’enquêteur Moralès, venu en ces lieux colmater les brèches de sa vie de quinquagénaire, doit faire face aux dérobades et au silence des gens du cru, peu enclins à faire remonter à la surface, et encore moins pour des étrangers, les vieilles rancunes et les passions cachées qui les unissent autant qu’elles les séparent.
Dans ce lieu oublié du monde en dehors de son classique circuit touristique, la vie se déroule modestement au seul rythme de la mer et de la pêche, comme en un curieux confinement ouvert sur le large, où les passions mijotent en circuit fermé sans pouvoir échapper à l’observation du voisin. Personne n’est dupe au village quant à cette affaire de cadavre qui vient couronner une bien longue histoire, mais pas question bien sûr d’éclairer la lanterne d’intrus, habituellement totalement indifférents aux réalités mornes de ce discret entre-soi. Cette « terre de pauvres qui a juste la mer pour richesse, pis la mer se meurt », est « un pays qui ferme sa gueule pis qui écœure personne, une contrée de misère que la beauté du large console », à laquelle on « s’ accroche comme des hommes de rien », qui, fièrement, ne demandent rien à personne.
Chaque personnage se dessine de manière inénarrable, au gré de dialogues savoureux et vibrants de naturel où chantent l’accent et les expressions de ce terroir québécois. Peu à peu se révèle un bout de terre envoûtant, que son isolement économique soumet encore davantage à l’emprise de la mer, exigeante mais enivrante, parce que « pour les marins, c’est pas le large qui est compliqué, c’est la terre », et que « tu vas en mer parce que t’es en porte-à-faux avec le monde et qu’y’a juste dans le silence du vent que t’es à ta place. » Avec le nombre de vagues comme mesure du temps et, à chaque page, le discours coloré et la sagesse imagée de gens simples, éprouvés par la vie, mais d'une authentique générosité sous leurs abords bourrus, le texte se teinte d’une grande tendresse pour ses personnages, tandis que leur solidarité, dans leur attachement viscéral à la mer et dans leur méfiance face à l’étranger, donne lieu à de magnifiques passages, empreints d’autant d’humour que de poésie.
Un charme irrésistible se dégage de ce roman, où l’enquête policière, en même temps qu’aiguillon à la curiosité, s’avère finalement prétexte à une immersion aussi amusante que poétique en terre gaspésienne. (4/5)
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