[Girardin, Delphine de] La Canne de M. de Balzac
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[Girardin, Delphine de] La Canne de M. de Balzac
La Canne de M. de Balzac
Delphine de Girardin
155 pages
Editions Bibebook (en ligne)
ISBN : 978-2-8247-1485-1
Delphine de Girardin
155 pages
Editions Bibebook (en ligne)
ISBN : 978-2-8247-1485-1
Présentation de l'éditeur :
Extrait : Il est un malheur que personne ne plaint, un danger que personne ne craint, un fléau que personne n'évite ; ce fléau, à dire vrai, n'est contagieux que d'une manière, par l'hérédité -- et encore n'est-il que d'une succession bien incertaine, -- n'importe, c'est un fléau, une fatalité qui vous poursuit toujours, à toute heure de votre vie, un obstacle à toute chose -- non pas un obstacle que vous rencontrez -- c'est bien plus. C'est un obstacle que vous portez avec vous, un bonheur ridicule, que les niais vous envient ; une faveur des dieux qui fait de vous un paria chez les hommes, ou -- pour parler plus simplement -- un don de la nature qui fait de vous un sot dans la société. Enfin ce malheur, ce danger, ce fléau, cet obstacle, ce ridicule, c'est... -- Gageons que vous ne devinez pas -- et cependant quand vous le saurez, vous direz : « C'est vrai. Quand on vous aura démontré les inconvénients de cet avantage, vous direz : « Je ne l'envie plus. » Ce malheur donc, c'est le malheur d'être beau.
Un mot sur cette auteure méconnue (source Wikipedia) :
Delphine Gay est élevée par sa mère Sophie Gay au sein d’une brillante société littéraire et fait partie avec elle du cercle romantique de Charles Nodier. Elle publie ses premiers poèmes dans la Muse française. Elle est accueillie avec enthousiasme par le monde littéraire romain et se voit même couronnée au Capitole. De ce séjour italien elle rapporte diverses poésies, dont la plus ambitieuse est Napoline (1833). Son mariage avec Émile de Girardin en 1831 lui ouvre de nouveaux horizons littéraires. De 1836 à 1839, elle publie des chroniques spirituelles dans le journal La Presse, sous le pseudonyme de Charles de Launay. Ces chroniques, éditées sous forme de recueil en 1843 sous le titre de Lettres parisiennes, obtiennent un grand succès. (Source : Wikipédia).
Mon avis :
J'ai apprécié ce court roman, découvert, je l'avoue, parce qu'il était compris dans les ouvrages au nom de Balzac sur le site Bibebook. La Canne de M. de Balzac a certes un rapport avec Honoré de Balzac, en ce que l'auteure se plaît à imaginer des vertus magiques à la canne "monstrueuse" du romancier (lui-même disait "canne fée") : il s'agit de rendre invisible quiconque la tient dans sa main gauche. C'est une découverte que va faire le héros de ce roman, Tancrède, jeune homme très beau envoyé à Paris par sa mère, avec force lettres de recommandations auprès de supposés protecteurs, qui tous vont se rétracter lorsqu'ils constatent avec terreur les effets de la beauté du jeune homme. En effet, Tancrède, qui pourtant n'est pas exagérément fier de son apparence physique, ni vain de son apparence, va faire d'étape en étape la douloureuse expérience du rejet craintif qu'entraîne une beauté trop parfaite.
Aussi, lorsque, durant un spectacle, il comprend que Balzac sait se rendre invisible grâce à cette canne, il émeut ce dernier par sa perspicacité, finit par se lier d'amitié avec lui et obtient le prêt de l'objet convoité durant quelque temps. Il est logique, et c'est un beau tribut rendu au prodigieux écrivain, que M. de Balzac bénéficie forcément d'un secours magique, pour aussi bien connaître et comprendre l'intimité des hommes dans ses Scènes de la vie privée. Il ne peut qu'avoir pu se rendre invisible, et ainsi observer les hommes dans le secret de l'alcôve ou du salon familial, pour être aussi brillamment capable de restituer ces secrets troublants par l'écriture.
Armé de sa canne, qui favorise ses projets, mais occasionne également quelques mésaventures (lorsqu'elle se perd et tombe en d'autres mains, par exemple), Tancrède est à même de se glisser dans toutes les maisons, d'apprendre à connaître les femmes qui l'attirent, et de faire le choix de l'amour en toute connaissance de cause. Ainsi suivra-t-il Malvina, jeune femme qu'il a connue dans sa prime jeunesse, mais qui est affublée d'enfants et d'un mari, ou encore la belle et pure Clarisse, jeune poétesse qui récite ses vers dans un salon mondain, encouragée par Lamartine. Où le mèneront ces aventures diurnes ou nocturnes en termes de choix de vie ? C'est ce que nous découvrons au fil de ce plaisant récit.
La plume de Delphine de Girardin est enjouée et expressive, le récit se déroule à un bon rythme, ponctué de dialogues ; le personnage de Tancrède est sympathique, et dans ce bref roman d'apprentissage, on se prend à espérer qu'il réunisse les connaissances nécessaires pour prendre confiance en lui et triompher de ce handicap ironique - sa beauté. Certaines pages rappellent les Caractères de La Bruyère, comme si l'auteure voulait également tracer des portraits-types, ou encore édifier sur le fonctionnement social de ce microcosme qu'est "le monde". J'ai eu souvent l'impression de lire un roman du XVIIIème siècle, agrémenté de maximes et d'anecdotes moralisantes, même si le ton reste léger. Delphine de Girardin a un style écrit élégant et plein d'esprit, elle intègre en plusieurs endroits des poèmes, toutefois j'ai trouvé qu'elle usait, voire abusait, des paradoxes ou antithèses. C'est tout de même un ouvrage agréable, souvent instructif, à découvrir selon moi - j'ai eu plaisir à relever des phrases qui résumaient bien certains comportements humains, ne serait-ce que l'approche de la beauté, les jalousies et rivalités, la convoitise, liées à la séduction. Note : 4/5.
- la vraie canne de Balzac:
"Canne fée, canne massue ou monument... Les contemporains de Balzac, ont largement glosé sur cet objet, intrigués par son aspect peu ordinaire et la personnalité de son propriétaire.
Convaincu que l’aisance financière ne saurait tarder, Balzac achète ce coûteux accessoire à crédit : la canne commandée à l’orfèvre parisien Le Cointe, 12 rue de Castiglione, et livrée le 18 août 1834, est encore en paiement en avril 1835. L’importance du prix (700 francs) est justifiée par le pommeau d’or, travaillé de fines ciselures et constellé de turquoises, et cette richesse atteste la réussite de Balzac qui vient de publier coup sur coup plusieurs ouvrages très bien accueillis, notamment Eugénie Grandet, La Femme de trente ans ou La Duchesse de Langeais. L’écrivain compte accroître son prestige grâce au Père Goriot, alors en préparation. La période est également jalonnée de succès sentimentaux, avec madame Hanska puis la comtesse Guidoboni-Visconti." (Source : site du Musée de la Maison de Balzac de Paris)
Citations :
Il connaissait le monde ; il l’avait jugé avec sagesse, et il éprouvait ce qu’éprouve tout homme qui connaît le monde : un amer dégoût, un pro-fond découragement. Dans l’âge mûr, cela s’appelle repos, retour au port, douce philosophie ; mais à vingt ans, lorsque la vie commence, savoir où l’on va, c’est affreux ! (Page 5)
(...) c'est qu'en vieillissant, ce qui est vrai, ce qui est réellement beau, a plus d'attraits pour nous que ces agréments imaginaires, ces qualités factices qu'on trouvait jadis préférables à tout. (Page 31)
Quand une chose est de sa nature très indifférente et qu'elle nous préoccupe singulièrement, c'est un indice que nous devons nous en inquiéter. (Page 40)
Comment peut-il [Balzac] si fidèlement représenter ses héros, non seulement dans leurs rapports avec les autres, mais dans les détails les plus intimes de la solitude ? Qu’il sache les sentiments, soit : l’art peut les rêver et rencontrer juste ; mais qu’il connaisse si parfaitement les habitudes, les routines, et jusqu’aux plus secrètes minuties d’un caractère, les manies d’un vice, les nuances imperceptibles d’une passion, les familiarités du génie... cela est surprenant. La vie privée, voilà ce qu’il dépeint avec tant de puissance ; et comment est-il parvenu à tout dire, à tout savoir, à tout montrer à l’œil étonné du lecteur ? (Page 58)
Les gens qui nous ont vus naître ne nous connaissent jamais ; ils ne veulent pas comprendre que l'on grandisse, ils nous regardent toujours avec leurs préventions ; et dans leur étonnement stupide, ils appellent "étrange changement de caractère" les développements naturels que l'âge amène dans nos idées, dans nos défauts et dans nos sentiments. (Page 98)
Et puis, il y avait une conviction de bonheur dans toute son âme qui détournait la critique. La malveillance se sentait impuissante contre ce jeune cœur, si riche d’espérance, si bien armé en joie pour l’avenir. (Page 116)
elea2020- Grand sage du forum
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